vendredi, mars 03, 2006

Shibam and koukaban

Premiere expedition en dehors de Sana'a, on va commencer par un petit saut de puce a une cinquantaine de km au nord de la capitale. Le pays a quasi la superficie (les 3/4) de la France pour donner une idee. Etant donne ma connaissance tres sommaire de la ville, je mettrai du temps a trouver le point de depart vers Shibam, et finalement un taxi partage fera l'affaire. Les points de controle sont assez sommaires et j'arriverai en debut d'apres midi a Shibam, de la un chemin brut monte un denivelle assez raide pour arriver au village de Kawkaban, perche sur la montagne du meme nom a 2800 m d'altitude. En fait, Sana elle meme est plus ou moins a cette hauteur, avec le Jebel an-Nabi Shu'yab pointant a 3660 m et juste voisin de la capitale du Yemen. Ce qui explique que malgre un soleil omnipresent en-dessous du tropique, on ne souffre pas trop de la chaleur dans toute cette region. Fin de l'introduction.

Arrive a Koukaban, Yahya le manager tres sympa du seul refuge du village me donne un bon repas et un plan succint pour faire une promenade (sic) de 5 heures sur le plateau et dans les wadi (vallees), tour qui devrait me ramener avant la tombee de la nuit au village. Il ajoute juste qu'il se peut que je sois "ennuye" par des gamins dans les villages au passage et que je devais tenir mes affaires pres de moi, sans plus. Je lui dis no worries man, et me voila parti.

Les paysages sont magnifiques, vraiment. Voir les photos dans l'album Yemen, premiere page, dscn2133 et suivantes. Mais en fait de promenade, ce sera plutot agite.

Je pense deja m'etre trompe de chemin des le depart, empruntant une piste qui me menera au beau milieu du plateau montagneux. Mais rien a voir avec le desert, c'est plat, rocailleux, facile a marcher, c'est plutot une steppe montagneuse. C'est dans ce contexte de plateau montagneux balaye par les vents que j'appercois deux pseudo bergers, qui me voient et m'attendent de loin, la vingtaine, avec chacun leur baton de 2m, leur couteau a la ceinture et la joue gonflee de qat. Le regard est propre aux chiqueurs de qat, les yeux grands ouverts fixes. La pronciation evidemment incomprehensible, essayez de parler, arabe, la bouche pleine, et une facon assez aggressive de s'exprimer, mais c'est juste du a l'effet exitant de la substance. Je parviens a leur expliquer que je cherche le village de Bedougah. Apres quelques discussions, je leur dessine un 100 en arabe sur le sol et ils font des bonds de joie et l'un d'eux m'ouvre le chemin. La marche est rapide, je peux a peine suivre, c'est son environnement. Je ne suis quand meme pas tout a fait a l'aise, mon guide improvise refuse tout debut de conversation, porte constamment la main a la ceinture et semble speede. A la reflexion, je pense qu'il avait autant peur de moi que moi je me mefiais de lui. Apres une bonne demi heure de marche a distance, a la surprise d'une falaise, il me montre, droit devant, encaisse dans la vallee, Bedougah. Bon je sors les 100 ryals, il commence a me faire une scene car il me dit qu'il attendait 100 dollars (US). Je lui fais comprendre qu'il peut danser sur sa tete, qu'on est au Yemen, que je ne suis pas americain et si je dis 100, c'est bien 100 ryals yemenites et non 100 dollars us. En plus ca va pas non... Il voulait visiblement profiter de l'effet de suprise, de la situation completement isolee, personne a l'horizon evidemment. Mais je ne me laisse pas demonter, je lui file 250 ryals (1 euro) et je me casse.

Dans les villages de Bedougha, et jusque Wadi Asouan je serai effectivement poursuivi par une bande d'enfants sur pres de 3 km me demandant sans interruption bic (kalam) et backsheesh, tout en essayant de temps en temps de porter la main a mon sac et/ou a mes poches, mais vraiment rien de grave, le meilleur est pour la suite.

Etant donne que le jour commencait a tomber et que d'apres l'itineraire j'etais a peine a la moitie du tour, et que les chemins n'avaient rien a voir avec une promenade sur la corniche de Nice un soir d'ete, un nouveau guide improvise s'est presente a moi, Mohammed, a qui j'explique ou je veux aller. On passe devant une maison, ou il y a deux gars, dont l'un avec une kalashnikov. Ca discute un peu, je ne comprends rien. J'ignore pourquoi, mais voila que les deux gars, dont celui avec sa mitraillette, nous suivaient a une centaine de mettre. Pour moi, hors de question de quitter la zone plus ou moins habitees avec un guide que je ne connais ni d'eve ni d'adam, plus deux gars dont l'un avec une mitraillette. Je dis d'ailleurs clairement a Mohammed qu'on y va a deux, sinon on reste la. La premiere fois, je dis gentillement aux deux poursuivants qu'ils peuvent rester dans le village ou on les a rencontres. La deuxieme fois, alors qu'ils continuaient a nous suivre, je leur dis qu'ils restent la, fermement. La troisieme fois, alors qu'ils suivaient toujours a une bonne cinquantaine de metres, je me suis arrete et je leur ai crie beaucoup moins calmement qu'ils s'en aillent. Le gars avec son arme me crie, l'air etonne "WHY ?". Je lui reponds "YOU ARE FOLLOWING ME WITH A MACHINE GUN, MAN, DO YOU REALIZE ?". Il avait l'air de completement tomber des nues. Comme si c'etait tout a fait normal... Mais ca va, ils avaient compris cette fois.

Alors la, fait magnifique, apres vingt minutes de marche, mon guide m'arrete d'un geste de la main, et me fait signe de me taire, fait un bond sur le cote du sentier et rentre dans une plantation. Un chien aux aguets derriere le mur commence a aboyer, mais une pierre sur la gueule et c'est regle. Et voila mon guide en train de se bourrer du qat dans les poches dans une plantation sans doute clandestine.

Le fin du trajet, une bonne heure, se deroulera dans la nuit. Mohammed sautait d'un rocher a l'autre... sentier plongeant, remontant, plus de sentier, sentier incline sur une falaise, aucun eclairage, pour moi c'etait beaucoup moins evident. Mais on arrivera a bon port, une route en asphalte d'ou on arretera un taxi partage, et me voila en route pour Shibam a 22 km de la.

Etant donne le cout du taxi, la paie de mon guide Mohammed qui a quand meme bien assure, et la somme que je reservais pour le refuge en haut a Kowkaban, et quand meme une reserve pour retourner a sana le lendemain, pas moyen de prendre un taxi qui doit faire en fait un tour de 20km pour contourner la montagne et remonter. J'avais stupidement sous-estime ces quelques imprevus. Bon ce n'est pas grave, je recherche une lampe de poche dans le bazar de Shibam, mais meme dans un shop de lampes, rien a trouver a part 3 mitrailleuses a vendre au mur et des lampes de tempete hors budget. Monter le sentier escarpe a kowkaban sans un minimum d'eclairage etait hors de mes moyens, vraiment.

Je trouverai finalement un pick-up a tarif modere qui montait la haut, il etait pres de 21h. Yayha, a qui je n'ai rien raconte de mes mesaventures, je ne voulais pas faire le desagreable, m'a vraiment dresse une table de roi et offert une magnifique chambre d'hote ou mon sommeil sera profond. J'aurai encore un exemple flagrant de l'immense hospitalite arabe. Le lendemain je lui explique que je n'ai plus beaucoup d'argent, et avant meme que j'aborde le sujet, il me coupe et me dit que je donne ce que je veux. Ce n'etait vraiment pas grand chose, meme pas le cout d'un hotel minable, mais je lui ai donne tout ce qui me restait sauf l'equivalent d'un euro, de quoi faire les 55km de trajet vers Sana'a.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Toujours aussi passionnant tes aventures

Davor Mihailovic a dit…

Merci beaucoup. Je voudrais quand meme rassurer, cette route, des centaines de marcheurs de toutes les nationalites l'ont empruntee avant moi. Le gars a la mitrailleuse, il voulait peut etre tout simplement rentrer chez lui dans le village d'a cote (ou suivre Mohammed qui a peut etre une reputation sulfureuse de piqueur de qat ;-)). Il faut relativiser, tout ceci est vu d'un oeil neuf, d'un europeen debarquant dans un pays et une societe assez singuliers en tout cas.

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