samedi, mai 13, 2006

S'échapper de l'Iran

Tabriz, Iran - Les Iraniens m'aiment tellement qu'ils ne ne veulent pas me laisser quitter le pays. Trois heures de psycho-drame au poste frontière iranien à Astara n'y ont rien fait. Je dois posséder un visa azeri dans mon passeport pour me présenter au poste frontière de l'Azebaidjan, 50 m après la sortie du batiment qui fait office de poste frontière terrestre. Curieuse ville que Astara. Une ville coupée en deux par des grillages de 3 m de haut, garnis de barbelés, et interrompus par quelques miradors. On sent néanmoins que cette frontière est friable, qu'il doit y avoir maints traffics en tout genre dans les caves, la nuit, avec la bénédiction ou non des garde-frontière. Il faut traverser un terrain vague au fond d'une ruelle couverte de boue pour se présenter aux douaniers. Mais je ne suis que touriste, et malgré ma lettre d'invitation azerie, malgré que mon contact à Bakou m'a répété que pour un citoyen de l'Union Européenne, il n'y a pas de problème pour obtenir le visa au poste frontière, la douane iranienne décide des règles douanières applicables pour d'autres pays. Enfin, j'exagère un peu, sans doute que cet état de fait est-il conséquent à un accord entre les deux pays. Celui qui emprunte les frontières terrestres comme cellle que j'ai pu voir à Astara, observera que les gens qui y transitent sont des ouvriers, des paysans, le peuple. Je fais la grève dans le hall de sortie de la douane. Les douaniers ferment toutes les issues, il est 19H, la frontière ferme. De la mezzanine en haut, des soldats invisibles s'amusent à m'imiter en criant que eux aussi ils veulent aller en Azerbaidjan.

Retour Tabriz


Bureau des affaires étrangères à Tabriz, Iran - Tout se passe au deuxième étage. Une femme sort du bureau en pleurant. Elle se tient le sein gauche. Ca va mal. Je rentre. Une Turque explique son cas à l'officier, et cela n'a pas l'air commode. de l'autre côté du bureau, le commandant de fonction semble écouter attentivement ce qu'elle dit. Tout est vert dans cet office. Les stores sont verts, les vitres qui séparent les bureaux sont vert-eau. Même la chemise du commandant est verte. Et lui-même a le teint vert. Les autres couleurs sont neutres : les boiseries et le gris des dalles par terre. Le téléphone est rouge, seul point de couleur chaude de la pièce.

- Salaam Aleikoum !
Le commandant vient de décrocher une nouvelle fois et donne ses instructions avec autorité. Un commis entre à plusieurs reprises. Il vient parler à l'officier avec un sourire qui veut dire : "Oui, je suis stupide, pardonne-moi Commandant, dis-moi ce que je dois faire". C'est tout juste si il ne fait pas une courbette à chacune de ses entrées. Il y a un proverbe iranien qui dit quelque chose comme : "Si tu ne peux mordre la main qui se tend devant toi, baise-la en attendant que le ciel, dans son incommensurable bonté, n'inverse peut-être un jour les rôles". Et j'ai vraiment l'impression que toute la fellonie ou le pragmatisme de ce proverbe, se trouvent dans l'expression du commis. Le commandant répond, son sourire est sarcastique, son ton semble dire : "Tu n'es vraiment qu'un imbécile mon ami, fais ceci et fais cela et disparait de ma vue". C'est au milieu de ce dialogue en maitre et servant qu'un Français vient s'installer sur mon invitation auprès de moi. Il vient du Pakistan et est là pour demander également une prolongation de visa. J'en suis à ma deuxième prolongation après le visa de base. Et on n'aime pas cela en Iran et nulle part d'ailleurs. C'est suspect. Pourquoi ce type avec un visa de 7 jours non-prolongeable à la base vient demander une deuxième prolongation, ici dans mon bureau, à Tabriz. C'est pour m'attirer des ennuis à Teheran si quelqu'un s'en apperçoit, doit se dire la petite voix intérieure du commandant. Après un délai de réflexion, il m'accorde ce privilège et nous fait payer tous deux les 10 dollars requis, je pense que la présence d'un autre touriste a facilité les choses. A l'enlèvement du visa quelques heures plus tard, le commandant nous demande 3 dollars en plus et montre qu'il s'agit des "frais de dossier". Je m'insurge. Il nous dit que que quoi, nous sommes touristes, que nous faisons tomber les dollars en cascade, et quoi ? Je lui fais comprendre que mes dollars servent à payer les hotels, les taxis, le manger et la culture iranienne, pas la police. Depuis Astara, je suis déterminé à ne plus rien lâcher, même sur des montants dérisoires. Et je lui montre que je n'ai pas un rial pour lui. Le backsheesh tombe de 3 dollars à 30 cents. Mon collègue français "avance" l'argent pour moi. Le commandant me demande de lui rappeler ma nationalité, je lui dit que je suis Français pour rigoler. Et le voilà en train de maudire tous les Français du monde devant les yeux choqués de mon bon samaritain. Visa prolongé en main, il faut que je quitte l'Iran, c'est maintenant une nécessité. Je n'attendrai pas le bus de nuit qui relie Tabriz à Yerevan en Arménie.

Une frontière comme la frontière irano-arménienne, ça doit se faire à pied. Et en taxi. Chauffeurs de taxis, bandits, voleurs, vous ne m'aurez pas. Un premier m'a emmené de Tabriz à Jelfa. Il m'avait promis Noghdooz, à la frontière. En cours de route c'est devenu Jolfa, à 60KM de ce qui avait été convenu. Et bien tiens, je retranche la moitié du montant qui a été convenu, et tu as beau t'énerver et ameuter tous tes potes de Jolfa, c'est égal. de Jolfa à Naghdooz, c'est plus compliqué. Un taximan iranien, ou plutôt azeri, professeur de volley-ball, de tae-kwan-do et de karate, style armoire à glace, me prend en charge. Il me promet un terminal de bus qui n'existe pas et m'emmene vers Naghdooz. Beaucoup plus difficile de négocier. Il crie dans mon oreille, il me fait des tappes dans le dos à vous mettre la tête dans le tableau de bord. Ou alors des coups de coude dans le biceps à vous donner des bleus. Le tout avec un grand sourire. "Iran good hein ?!". Paf ! Un militaire pris en route déclare forfait et se fait débarquer 10 km plus loin. Les paysages sont splendides ceci dit. De la montagne, on longe une rivière. L'azerbaidjan est sur la rive gauche. Et l'Arménie devant nous. L'Arménie, que j'ai coeur d'y arriver en ce moment précis... Dix kilomètres avant la destination, après je ne sais combien de coups sur les biceps et sur l'épaule, le chauffeur me débarque à mon tour. Je ne suis pas assez communicatif. Il arrêtera deux camions. Le premier l'envoit au diable. Le second s'arrête et demande d'où je viens. Le con répond que je suis Français. Le cammioneur fait mine de continuer, je gueule de désespoir. Intrigué, il s'arrête quand même. Je monte finalement dans son camion. Le camionneur, un gars de Tabriz, rigole et me fait comprendre qu'ils sont tous fous dans le coin. Il s'attire évidemment ma sympathie. Je lui montre que je veux lui payer pour le trajet, mais il n'en est pas question. Après quelques lacets dans les montagnes et des côtes péniblement montées en première vitesse, il me débarquera au poste frontière de Naghdooz, enfin. Le jour tire vers la fin.

Les photos de mon appareil digital seront revues au crible. Personne ne franchit cette frontière à part des camions, à la limite quelques Azeris et quelques Russes perdus, ce que d'après mon aspect j'aurais pu être à la limite, or je suis Belge d'après mon passeport. La rivière Aras Rud constitue la frontière naturelle entre l'Iran et l'Arménie. Un pont de deux cents mètres sépare les deux pays. Au milieu du pont, à pied, je me retourne, pour me recueillir et regarder une dernière fois la république islamique sous le coucher de soleil. Je vois encore ces deux soldats iraniens, à 100 m, faire des bonds et de grands signes de ficher le camp et de surtout ne pas me retourner. Voilà qu'il y a cinq jours, leurs collègues ne voulaient pas me laisser partir d'Iran, et qu'eux me forçaient à partir en courant. A l'autre bout du pont, une cabane, je surprends les deux gardes, l'un a le look slave, cheveux blonds rasés, yeux bleus. L'autre est brun, grand, teint blanc aspirine et la mèche soigneusement rabattue sur le front. Je viens de passer une rivière qui sépare deux planètes. Ils n'ont visiblement jamais vu un touriste occidental passer là à pied. Surpris mutuellement, nous rions de bon coeur tous les trois.

mardi, mai 09, 2006

Récit de voyage à travers l'Iran

C'est bizarre quand même ces gens rencontrés. Un physicien français d'origine algérienne, venu suivre une conférence à Téhéran. Un employé d'une centrale nucléaire en Suisse... On plaisantait avec des compagnons d'un jour sur un nouveau style de tourisme particulier et nous avons d'ailleurs rebaptisé notre tour le "Iran uranium enrichment tour 2006". J'avoue que ça fait parfois du bien de partager un peu de route avec des compagnons de voyage, après des mois d'isolation quasi totale.

Déjà à Shiraz, j'ai rejoint une autre route de voyageurs, celle qui descends de l'Europe par la Turquie et qui va rejoindre le Pakistan puis l'Inde et le Nepal. Dans la cour de l'hotel Zand, un anglais retape une Royal Enfield qu'il a été chercher en Inde et qu'il remonte vers les Iles.

Les routes se croisent. Dans cette chambre commune à Isfahan, les voyageurs arrivent, d'autres partent. Ils ont tous des histoires à raconter, tel ou tel pays traversé. Du Nepal, du Pakistan, de Turquie via les Balkans. Les routes sont classiques. Pour ceux qui viennent de l'ouest et du nord, l'Iran constitue un choc culturel. Pour ceux qui viennent du Pakistan ou du sud, l'Iran paraît presque "cool" et tolérant.

Voici Masaki, un Japonais qui ne dira pas un seul mot pendant les 24h qu'il sera dans cette chambre commune. Il est malade comme un chien. Une semaine plus tard, je le verrai souriant et affable, parlant au milieu d'autres japonais dans une guesthouse de Téhéran. Contraste frappant. A Isfahan, il a été pris en charge, conduit à l'hôpital par Sakiko, arrivée en plein milieu de la nuit. Un immense courage, elle voyage seule autour du monde, cela lui prendra un an et demi ou deux. Je reverrai Masaki et Sakiko avec une bande de Japonais par pur hasard à Erevan, en Arménie. La gare de Erevan était fermée, je me suis installé dans le jardin d'un bar-restaurant dont les arcades donnent sur la place devant la gare. En sirotant ma bière russe, j'ai vu cette bande arriver et j'ai été à leur rencontre, retrouvailles et étreintes comme si nous nous connaissions tous depuis des années.

Avec 5 européens et Sakiko, on a joué à "Groupe de touristes" à Isfahan. Samuel, un Suisse allemand, le leader le plus soft du monde, l'anti-leader, mandaté par le groupe pour nous guider tous les 6. Il faut s'imaginer ce que c'est de mener un groupe pareil, tous les plus indépendants les uns que les autres. Le groupe sera vite réduit à deux, le leader et moi, par cascade d'abandons et de pertes de troupes. Voir photos d'Isfahan dans l'album Iran.

Sans entrer dans les détails, les lieux visités sont la Jameh mosque, mosquee bleue resplendissante comme on en trouve pas mal en Iran. Le square Emam Khomeiny, l'une des plus grandes places du monde, le palace "Shehel sotun" (palais au 40 colonnes) et surtout les ponts qui enjambent le Zayandeh, 5 ou 6 ponts, oeuvres architecturales qui figurent sur la plupart des dépliants touristiques. Fin au nargile sur une terrasse surplombant le square Emâm Khomeiny avec comme d'habitude un tas d'interaction avec des habitants locaux. Je revois aussi des têtes rencontrées à Shiraz et Yazd. Le lieu est bien connu des gens d'Isfahan pour celui qui veut exercer son anglais.

Kashan

Je me laisse conduire par le labyrinthe de petites ruelles, scène quasi identique à la vieille ville de Yazd en nettement moins touristique. Je tombe sur une série de trois villas rénovées et n'en visiterai qu'une, la Khan-e-Tabatabai. Apparemment les deux autres sont carrément en pleine rénovation et cela ne vaut pas la peine de les visiter. Encore là, une dizaine de bus déversent des flots de visiteurs iraniens. Plus loin, je visiterai un splendide hammam. Une Iranienne, guide d'un groupe de touristes parlant farsi, viendra me dire qu'il s'agit de la pièce majeure de la ville. Je passerai ensuite à Qom et enfin, Téhéran.

Tehran

Que dire de Téhéran à part qu'on y est facilement déboussolé. Pas vraiment une ville accueillante. Gigantesque en superficie, malade de sa circulation comme tant d'autres. On ne vient pas à Téhéran pour se relaxer. Un truc curieux, plus flagrant qu'au Caire par exemple, l'organisation des rues en types de commerce. Mon hôtel se trouvait dans le quartier des pneus et des accessoires automobiles. Plus loin, le quartier des accessoires électriques, les internet café tous dans la même rue, ce qui n'est guère pratiques. Imaginez une explosion de gaz qui rase un quartier, et plus de tournevis pour toute la ville ou plus de poignées de porte (gauches). Le souk de Téhéran, un immense labyrinthe, parmi les souks les plus impressionnants depuis le début de mon voyage est organisé selon le même principe. L’hôtel Mashhad, Amir Kabir st., est occupé par des Chinois, qui sont là depuis un mois. Une autre chambre abrite quatre Pakistanais. Si j'étais resté un jour de plus, c'est là que j'aurais déménagé, mais j'ai lié trop tard connaissance avec "Mister Qasr" de Lahore. On a passé une soirée à écouter les oeuvres musicales d'un iranien pianiste qui était là et membre d'un groupe de musique traditionnelle iranienne. Cet hôtel est manifestement connu des backpackers radins (comme tous les backpackers), et surtout, sur la route des Japonais. Masaki dont il est question plus tôt, un autre Japonais qui a traversé l'Asie en vélo. Et alors juste avant que je ne parte, Oli que j'avais rencontré à Isfahan, a débarqué. Dans son style de contradicteur rigide ne concédant pas au cycliste japonais qu'il était possible de monter par paliers de plus de 500m lorsque l'on marche ou l'on roule en montagne, sans avoir de maux de tête ou de nausée. Saturi disait que oui, vu que plusieurs amis l'ont fait. Oli répliquait que ce n'était absolument pas possible et même pas envisageable, sous les fous rires de l'assemblée. Un hall de gare cet hôtel.

Je ne pourrai laisser Oli qui a fait des kilomètres dans Téhéran pour trouver cet hôtel et nous iront manger dans un resto qui fait office de fumoir au-dessus d’un hôtel occupé par des Iraniens en nombre. Les conversations iront bon train avec une bonne moitié de la clientèle de l’établissement, notamment deux employés des mines de cuivre du nord-ouest, conversations entrecoupées par un gars, cheveux noir bouclés et quasi édenté, qui revendiquait qu’il était Oussama Ben Laden. Des bus depuis Téhéran pour tout le pays il y en a « everytime » comme dira le patron sympa de l’hôtel. Je prendrai le mien pour Mashhad, 15h de bus au programme, vers minuit. Voir par ailleurs sur Mashhad.

Mashhad – Gorgan – Sari – Rasht

J’ai appris en quelques mois à repérer les marchands de tapis à 5 kilomètres et à les décourager avant même qu’ils m’approchent. Mais là, j’avoue ne pas l’avoir vu venir, Vasil. Un père de famille qui m’a présenté la chose comme quoi il avait une heure à tuer pour exercer son français et si j’ai le temps, parler un peu avec son fils en français et en anglais. On échange un peu de français contre un peu de perse etc… Vasil a voyagé étant jeune, en Suisse, à Londres, en France… Bon ok, tout cela est bien sympa, mais ça s’est quand même terminé dans son magasin de tapis via un nombre incalculable de détours chez ces potes marchands d’encens et autres pierres bleues de Mashhad, comme par hasard.

Dans le bus entre Mashhad et Gorgan, il n’y avait pas 45 marchands de tapis, mais il était singulièrement communicatif. Pour peu, j’avais des adresses et des numéros de téléphone pour loger et être invité à manger dans des familles jusqu’à Astara, frontière de l’Azerbaïdjan. Le bus traditionnel avec ses deux Afghans taciturnes et son militaire en permission, qui file dans la nuit.

Gorgan by night. Descente de bus, Gorgan, 1H du matin. L’hôtel renseigné dans mon guide a été démoli. L’autre guesthouse de la ville est soi disant complet, je pense qu’il n’accueille pas d’étrangers. Je tue le temps dans une échoppe à kebab, et l’idée fait son chemin de prendre le bus suivant pour aller plus loin. Un chauffeur de taxi, toujours bon à vous prendre par les sentiments, m’indique qu’il peut m’amener à un hôtel à dix dollars la nuit. On passe deux contrôles policiers en dehors de la ville. Je vois la devanture de l’hôtel. Il affiche 5 étoiles… Pour le fun, j’emmène le chauffeur avec moi à la réception – 75 dollars la nuit – histoire de lui demander en public si il se fout de ma tête. Inutile de dire que cet épisode a encore une fois rehaussé l’estime que je porte aux chauffeurs de taxi (je sais, il y a des exceptions…). Retour gare de bus. Je le plante là.

Entre Goran et Sari, lever du jour aidant, je me rends compte que le paysage a fort changé depuis les paysages poussiéreux de l’est du pays. Tout est à présent vert intense et humide. Il pleut sans arrêt, une bruine déversée par des nuages qui épousent les vallées. On pourrait croire à un paysage des Ardennes belges. A Rasht, la Mer Caspienne se déverse par le ciel. Impression de gris boueux encore plus présente à Astara quelques jours plus tard.

A Rasht, l’hôtel dans lequel je me trouve ressemble plus à un asile de fous qu’à un hôtel. Ca y est, je l’ai trouvé mon asile. J’ai l’impression que les hôtes y sont de façon permanente. Va-t-on m’y enfermer à mon tour ? De longs couloirs blancs devant une rangée de 20 portes, à chaque étage. J’essaie de remonter le niveau de l’ambiance en proposant mon thé. J’irai acheter du sucre, il n’y en a même pas en cuisine. Un type m’arrête dans les escaliers, il me demande « 10 khomeyni » (10000 rials). Je le regarde étonné et je lui dis « non ». Il me dit « demain ». Et le regard vide, il continue son chemin d’un pas hyper lent. J’aide le réceptionniste à réviser ses cours d’anglais. Un gars très nerveux descend, il tousse comme un cancéreux entre deux bouffées de cigarette. Ca entre et ça sort à la réception, trois azéris iraniens passent et extraient dix mille tomans (10 euros) de leur liasse impressionnante de billets, de l’épaisseur d’un bottin téléphonique, pour payer leurs deux dernières nuits. Les hôtes sont tous plus bizarres les uns que les autres.

De Rasht, je fuirai bien vite vers Qazvin, base pour explorer les montagnes Alborz, région où sont implantés les châteaux des Haschischins, parmi les plus beaux paysages d’Iran.

Le plus connu des châteaux est celui qui se perche juste au-dessus du village d’Alamut. Il a été le siège de cette secte ismaélite du XI siècle AD, les Haschischins, dont on dit qu’ils étaient élevés dès leur plus jeune âge dans l’optique d’en faire des tueurs fanatiques. Opium, haschisch ou simplement fanatisme et promesse d’un paradis où ils seront entourés de jeunes femmes vierges, les avis divergent quand aux motivations et moteurs de ces tueurs frénétiques. Ils ont semé la terreur aux quatre coins de l’orient et seront massacrés où qu’ils se trouvent par les Mongols avec l’aide, ou au moins la bénédiction, des populations locales qui voyaient en eux un danger plus grand que celui apporté par les Mongols, c’est dire. On dit ils aussi qu’ils sont les fondateurs du terrorisme moderne. On retrouve par exemple la rhétorique du paradis promis aux kamikazes dans les écrits d’Al Qaeda. Ce château à Alamut a une histoire qui a survécu à la bande de criminels de Hassan Sabbah, le chef local des Haschischins, à savoir qu’il a servi de lieu de repli pour les bandits de grands chemins de toute la région du nord de l’Iran. Cette citadelle offrant à chaque fois aux insurgés un lieu quasi imprenable par les autorités officielles au cours du Moyen-Âge. Un vieil Iranien vivant à Londres, en visite au pays, tout fier avec sa jeune femme prof de gymnique (mon correcteur me dit que fitness est un anglicisme), rencontré sur les ruines du château d’Alamut me dira qu’au cours des siècles, les autorités ont fait murer les accès au château lui-même et que ce que l’on visite actuellement n’est qu’une aile de ce château dont la majeure partie serait recouverte de débris de pierres et d’humus.

Je ne sais pas si ce sont les fantômes des Haschischins qui les inspirent, mais les deux gardes au sommet, là, sont de grands enfants. Après m’avoir servi le thé, l’un deux sort une catapulte de sa cabane. Très vite, on se met tous les trois à tirer à tour de rôle sur des petits objets placés à 10 m. Une boîte d’allumettes, un caillou, un bout de bois… Je mets un dollar sur la table. Le gars les aligne et les propulse dans le vide avec une précision diabolique.

Le lendemain matin, le retour vers la vallée se fera selon la bonne vieille technique de la descente en rouler-débouler du sommet vers le bas. A savoir : prendre tout ce qui descend au vol. Tout avait pourtant bien commencé, un bus régulier à 6h du matin, le seul de la journée vers la vallée, devait nous prendre avec les locaux vers Qazvin, 100km et 4 heures de lacets dans les montagnes. Après une dizaine de kilomètres, je me rends compte que j’ai oublié mon téléphone portable à la pension du village d’Alamut. Damned. J’arrête le bus et me voilà contraint de remonter au sommet. Si j’avais su que quelques jours plus tard, il volerait en éclats sur un poste de douane iranien… Heureusement, un motard passait par là et m’a gracieusement remonté au village. C’est là qu’intervient le rouler-débouler. Deux pick-up Toyota avec des paysans dans la benne et un taxi partagé à cinq me ramènent à Qazvin.

Dans le bus, j’ai laissé Evan, un Norvégien rencontré au refuge, qui passe quelques jours de vacances en Iran. Il est basé en Syrie pour apprendre la langue arabe. Ce mec a défendu son ambassade à Damas en janvier lors de l’affaire des caricatures de Mahomet devant une foule amassée. Porté par des potes syriens, il a tenté d’expliquer à la foule en arabe pourquoi il ne fallait pas s’en prendre à cette ambassade et il a visiblement réussi à pacifier l’atmosphère. Dans l’urgence, on n’a pas pu se laisser nos coordonnées, on se trouvera peut-être un jour à Damas, incha’allah.

Petit épisode paranoïaque à Qazvin

J’ai un peu de temps devant moi à Qazvin. Mon train de nuit, pour Tabriz, part tard. Une après-midi à traîner. Je suis tellement en confiance en Iran que je ne demande plus les prix depuis longtemps avant de manger, boire, tout le monde est réglo. Le gérant d’un snack m’arnaque, me demande l’équivalent de 4 euros pour 3 morceaux de viande hachée grillée, un bout de pain et une limonade iranienne. Le tout ne peut pas faire plus d’un euro et demi et encore. On s’engueule, je lui laisse l’équivalent de 2 euros et basta, je m’en vais en lui disant que si il insiste, on va aller dire bonjour ensemble chez nos copains les flics à la caserne 50m plus loin. Je n’en ai évidemment pas la moindre intention, mais par hasard ça se fera.

En sortant, j’engage justement la conversation avec le garde qui m’avait fait de grands signe amicaux lorsque je suis passé devant la première fois avant d’arriver au snack. Dans la conversation, je lui parle de ce qui vient de m’arriver et lui demande si c’est bien normal. Je ne sais vraiment pas ce qui m’a pris. Il me dit de rester là et appelle 4 ou 5 de ses collègues dans la caserne, je lui dit avec empressement que non, ce n’est pas nécessaire, mais il est trop tard. Un attroupement se forme devant moi derrière la grille, on me demande des précisions. Pendant ce temps, le gars du snack s’amène. Il invente à mon avis une histoire à laquelle je ne comprends évidemment rien et l’un des policiers, qui avait l’air le plus sensé, m’invite à payer le reste des 4 euros. Avec le recul, il est probable qu’une réduction sur leur repas du soir ait été négocié à ce moment précis, qui sait… Pas grave, ça m’apprendra à la fermer.

Le jeune policier en question, maîtrisant bien l’anglais m’invite à entrer dans la caserne pour prendre un thé. Le ton est amical. Pourquoi pas, allons voir comment ça se passe là-dedans. Tout se passe bien, l’ambiance est conviviale. Le gars qui m’a invité fait son service militaire et fait un peu office de professeur d’anglais dans la caserne. On plaisante, on parle, tout se passe bien. Une personne semble ne pas du tout apprécier ma présence. Il s’agit apparemment d’un gradé, j’apprendrai plus tard que c’est le chef de la garnison. Visière enfoncée bas sur le front, barbe à la Ahmedinejad, style jeune cadre qui veut encore tout prouver. Je n’aime pas ça. En fait ce qui le dérange, c’est qu’un jeune appelé est capable de tenir une conversation en anglais alors que lui ne parle quasiment pas un mot de cette langue. Ca l’énerve, je le sens. Bon, ok, je me lève et je suis prêt à dire au revoir à la cantonade quand le gradé me demande via l’interprète de se rasseoir et il commence à me poser des questions. Celles-ci sont de plus en plus précises. Où j’ai été en Iran, depuis quand, où je vais. - Vous êtes touriste ? - Oui. - Vous êtes certain ? - Ma réponse est énervée : oui, bien sûr ! - Donnez-moi votre passeport.
Il y a des moments comme ça où l’on sent que les événements peuvent vite devenir incontrôlables, vous échapper complètement, et c’est l’un de ces moments que je vivais même si je n’avais absolument rien à me reprocher, mais ce n’est peut-être pas une raison suffisante en Iran.

Je lui ai dit que je souhaitais seulement prendre le train pour Tabriz. Il me demande de bien vouloir le suivre, nous allons à la gare. Bizarrement, nous n’allons pas au guichet, mais il m’emmène sur les quais, je ne comprends rien à ce qu’il me veut. Finalement, on rentre à nouveau dans la grande salle d’attente et m’indique de m’asseoir. Il prend son walkie talkie et commence à parler. Il disparaît. Je regarde discrètement par la fenêtre, et je vois qu’il entre à la caserne. Bon, je me lève, je repère les toilettes et bien vite j’y vais pour me débarrasser des bouts de papier dans ma poche sur lesquels j’avais justement commencé à écrire mes impressions sur la république islamique. Un coup de flush et c’est parti. Je regagne ma place dans la gare, je le vois juste en train de ressortir de la caserne et entrer à nouveau dans la gare. Il disparaît derrière les guichets. Il revient vers moi en me tendant… mon billet de train pour Tabriz et s’excuse de ne pas parler anglais.

Tabriz

Je reviendrai sur ma tentative avortée de quitter l’Iran par l’Azerbaïdjan, mais mes quelques jours passés à Tabriz seront parmi les plus agréables de tout mon voyage.
J’y retrouverai la farniente et la liberté de ton qui prévalait à Shiraz en Perse. C’est une ville qui fait partie de l’Azerbaïdjan iranien, avec une population à majorité ethnique turque et azérie (qui se considère elle-même faisant partie du groupe turkmène). Passer comme cela plusieurs jours dans une même ville, sans devoir sauter sur le bus suivant qui vous mène à la ville suivante, c’est quand même une perspective plus cool du voyage. Si je dois refaire un jour l’itinéraire d’un long voyage, c’est comme cela que je l’envisagerais. Passer plus de temps, sur moins d’étapes, en évitant de s’éterniser, comme ce fut le cas au Caire en février. Tout un équilibre à trouver quand il n’y a absolument aucune contrainte, enfin, on croit.

C’est avec deux groupes d’étudiants distincts que je passerai le plus clair de mon temps dans cette ville. Et la vie à la pension Delgosha fut tranquille, même si les chambres en elle-même sont bruyantes sur la rue Ferdosi.

En soi il n’y a pas grand chose à voir à Tabriz, à part les gens. Il faut certainement aller, un vendredi aux jardins El Goli, un peu en-dehors de la ville, ou tout Tabriz se fixe rendez-vous autour du lac qui occupe le parc. Avec quatre étudiants rencontrés la veille, nous ferons une séance de photos, comme des stars de cinéma, chacun avec son appareil digital. Saed fera je ne sais combien de dizaines de photos. Nous posons avec d’autres groupes aussi. Chose même que je n’avais pas rencontré jusqu’ici, ça drague, voire, ça flirte discrètement dans les coins. D’autres fument le narguilé seuls ou en famille. Les enfants sont partout. C’est la fête.

Tout n’est pas rose pour autant. On en apprends. Babek qui est avec nous s’est fait prendre la veille par la police en compagnie de sa copine. Ils ont du dire qu’ils ne se connaissaient pas. Ni mariés, ni faisant partie de la même famille, sa copine risque de perdre sa place à l’université. Amin me fait le topo justement sur le système d’accès à l’université. Le résultat d’un examen général, comportant des matières aussi diverses que l’histoire, les mathématiques ou le Coran, détermine l’orientation que prendra l’étudiant. Je ne sais plus quel était le classement des débouchés. Pas mal d’étudiants clament haut et fort leur opposition au système. La répression, le contrôle rétrograde des mollahs sur la société, la censure, ils s’en donnent à cœur joie en ma présence, ils peuvent parler sans retenue. Au moins deux gars rencontrés parlent d’ailleurs sans retenue dans la rue, peu importe ma présence. Quand je les quitterai plus tard, je leur conseillerai de faire attention, qu’ils ne se brûlent pas trop vite les ailes dans leur quête de vérité.

vendredi, mai 05, 2006

Nouvelle gallerie de photos

Vous pouvez les telecharger en un bloc .zıp a partır d'ıcı. Clıquer "album format .zıp" dans la colonne de gauche.

Commentaıres :

image - 3 - Faubourg derriere la Mosquee Jameh, Shiraz, Iran
image - 9 - rond point dont les iraniens ont le secret, sud de Teheran
image - 22 - montagnes iraniennes, chateau des Assassins, Alamut
image - 25 - montagnes iraniennes, Alamut
image - 31 - jeunes au sommet d'une colline, Tarim, Yemen
image - 33 - Oasis de Tarim, Wadi Hadramout, Yemen
image - 38 - Region de Dofhar, mer d'arabie, Oman
image - 44 - Jebel Shams, Sultanat d'Oman
image - 52 - Wadi Dharbat, Oman
image - 62 - Paysan immigre bengali, Oasis de Liwa, sud des Emirats
image - 63 - Fort. Liwa oasis, Emirats
image - 66 - Empty quarter, Liwa oasis, Emirats

Empty Quarter - United Arab Emirates

jeudi, mai 04, 2006

Au coeur de la Republique Islamique

Tehran, Iran - En quelques jours, je visiterai les lieux les plus symboliques de la Republique Islamique d'Iran.

Il y a Isfahan d'abord, au coeur de l'actualite. Lors de mon passage, deux Suedois ont ete arrete d'apres la gazette, soupconnes d'espionnage. Sans doute ont-ils voulu aller photographier l'un de ces sites pour le fun. En fait, il s'agit d'installations militaires sur l'ile de Quesm en face de Bandar-Abbas. Aux dernieres nouvelles, ils sont toujours en Iran a l'ombre. Je pense que tant les interesses que la diplomatie norvegienne preferaient regler l'affaire dans la discretion http://www.isria.com/fr/fichiers/2006/05/000039.htm Ensuite le pote indien d'un norvegien que j'ai rencontre s'est fait expulser du pays car il faisait du journalisme sous couvert d'un visa touristique pour le compte d'un web-zine. Ce blog aussi aurait pu me valoir mon expulsion, mais je prends soin d'ecrire les trucs sensibles une fois que j'ai quitte ce pourtant formidable pays.

sculpture à meme la roche representant l'Imam Khomeiny - Shiraz, IranQuelques jours plus tard je passerai une apres-midi a Qom, avec un etudiant en mathematiques. Histoire de voir comment ca se passe sur un campus universitaire en Iran. L'ambiance y est tres studieuse, loin du joyeux bordel qui regne sur nos campus. Ce qui fait rever certains etudiants rebelles, c'est la periode du shah, normal, ils n'etaient pas encore ne. Dans le logement de Mohammed, des photos sont affiches sur l'interieur de la porte de ses armoires fermes a double tour, montrant tel ou tel general de la periode pahlaviste. Je suis surpris qu'une figure telle que Mohammad Mossadegh ne fait pas l'objet de plus de fascination aupres des jeunes. 1er ministre a la tete d'une coalition communiste et nationaliste, soutenue par les Islamistes a l'epoque, qui a ordonne la nationalisation du petrole (de la Anglo-Persian Oil Company) et renverse par un coup d'etat en 1953 soutenu par les anglo-americains replacant le Shah au pouvoir qui va imposer une dictature inouie pour son come-back. Les americains reconnaitront par Madeleine Albright sous l'administration Clinton le role joue par les US dans ce renversement, coup de main portant le nom 'operation Ajax'. Bizarrement, les quelques resumes historiques officiels que j'ai ete amene a lire font table rase de cette periode et du personnage de Mohammed Mossadegh. Meme les guides n'en parlent pas, comme si entre le Shah 1ere mouture et la revolution Islamique il ne s'etait rien passe. De meme, les quelques bouquins trouves au mausolee de l'Emam Khomeiny font penser a un combat heroique de l'Ayatollah, seul contre tous. L'Ayatollah ne d'ailleurs a Qom, ce qui nous ramene au sujet.

Qom est decrit comme etant pour cause le veritable centre politique de l'Iran, a deux heures au sud de Teheran. Siege de la revolution islamique de 1979, de nombreuses pages ont ete ecrites sur les premiers soulevements ecrases dans le sang, et je retranscris ici l'histoire officielle : repression visant a empecher les croyants de celebrer les ceremonies des martyrs, tenue chaque annee et qui permet de prier les martyrs passes et actuels, a commencer par le martyr Hussein. 'L'idéologie chiite du martyr est fondée sur le personnage central de Hussein, petit-fils du prophète Mohamed. Les chiites pensent que celui-ci aurait dû succéder au prophète, après la mort de son père Ali. Une querelle a éclaté entre les descendants du prophète et la dynastie des Omeyyades, que les chiites accusent d'avoir usurpé le califat. Au 7e siècle, ce conflit a dégénéré et finalement provoqué un schisme de l'islam semblable à celui qui a divisé les catholiques et les protestants. Une bataille a eu lieu à Kerbala, sur les rives de l'Euphrate, en Irak. Hussein et ses 72 partisans ont affronté une puissante armée mobilisée par les Omeyyades. Yazid, le chef des Omeyyades, voulait forcer Hussein à lui prêter serment d'allégeance et à se soumettre à son autorité en qualité de calife de l'Islam. Hussein a refusé. Il a été tué sur le champ de bataille et décapité. Sa tête, montée sur un pic, a été exhibée à travers les villes et les villages, pour être finalement déposée aux pieds de Yazid.' (source : http://radio-canada.ca/actualite/zonelibre/03-07/hezbollah.html). Hussein et ses 72 kamikazes resistant et preferant mourir que de se rendre aux milliers de soldats Omeyyades. C'est la repression a l'egard de cette ceremonie qui aurait mis le feu aux poudres de la revolution de 1978-79. Cette fresque est evidemment au coeur de la revolution islamique et de la guerre Iran-Irak qui lui succedera immediatement.

C'est dans cette ville universitaire que sont formes les Mollahs et futurs Ayatollahs qui assureront la bonne marche de la republique islamique. Qom m'est sommes toutes apparues une ville comme les autres villes iraniennes, en legerement plus conservatrice, quoique en comparant avec Yazd et Mashhad... Mashhad ou je me rendrai quelques jours plus tard, a l'ouest de l'iran a la frontiere Turkmene et a une centaine de kilometres de l'Afghanistan. Effectivement on y croise pas mal de paysans afghans, perdus en Iran. On lit sur leur visage qu'ils sont deboussoles, pas a leur place. En attendant de meilleurs jours ou un rappatriement force du regime iranien. Dans le bus entre Teheran et Mashhad, j'aurai un voisin, costume traditionnel afghan, barbe, visage ferme. Apres 10H45 de trajet (sic), il m'adresse la parole. Il est afghan. Je ne saurai rien de plus. Masshad est un lieu tres important dans la culture chiite. On y trouve le mausole du 8e Imam du de la religion chiite, l'Imam Reza, considere comme le pere de tous les imams. Icı des cars de retraıtes et de plus jeunes affluent par centaınes.

Toujours dans ce tour des lieux sacres, il y aura la visite du mausole de l'Emam Khomeiny dans la banlieue sud de Teheran, immense construction de batiments embrassant une grande mosquee. C'est un peu l'equivalent de Lourdes en chretiente. On y vient pour esperer des miracles. On ne s'y bouscule pas particulierement. En empruntant le metro, deux personnes m'ont demande en des termes differents ce que j'allais faire la-bas. J'ai dit que cela fait partie de l'histoire de l'Iran, ce lieu compte dans l'histoire des gens non ? Le deuxieme m'a repondu en me montrant la rame de metro : 'Les gens, ils sont la.'

Martyrs are the candles of the friends agora - Isfahan, IranEt pour terminer par le non moindre de ces lieux symboliques (je vous rassure, je ne les ai pas fait l'un a la suite de l'autre, je les rassemble sous le meme article...), le cimetiere militaire de la guerre Iran-Irak. Un million de morts,
tombes pour l'iran et pour la revolution. Voila les tombes des martyrs, dont les visages sont affiches en grand dans toutes les villes d'Iran et les noms donnes aux rues et places des toutes les villes et villages du pays. De mes 8 ans a mes 16 ans, je me souviens de ces images a la television (c'etait souvent la meme montrant un lance-roquette mobile tirant des eclairs vers on ne sait ou), des journaux, des chiffres, des tentatives de reglement du conflit, sans cesse ajournees. Plus tard je comprendrai le soutien occidental et meme sovietique a l'Irak (oui le meme Irak du meme Saddam). L'usage de gaz de combat, les guerres de tranche, les armes chimiques utilisees par Saddam, la superiorite technique militaire de l'Irak face aux milliers de soldats iraniens envoyes avec fusil et baionnette a la boucherie.

En arrivant en Iran, j'ai cru innocemment que les quelques mots et phrases d'arabe acquis pourraient m'aider. Et bien non. Je pense que beaucoup d'Iraniens connaissent la langue arabe. La plupart ont lu le Coran dans sa langue originale. Mais la rancoeur est tenace, on re-exhume en plus les anciens conflits au-dela du dernier en date, 'l'avilissement de la civilisation perse par les barbares arabes', ce n'est pas une vaine formule aupres des jeunes en mal d'idendite. J'ai rencontre pas mal d'Irakiens refugies, notament dans le nord. Quel drame pour eux. Avant-hier soutenus par les americains, hier chasses par ces memes americains par l'anarchie qu'ils y ont seme, aujourd'hui perdus en Iran et detestes par les populations du pays d'accueil. J'espere qu'en parlant de l'hospitalite arabe, des populations que j'ai croisees, de la fierte et de l'honneur du peuple yemenite par exemple, j'ai apporte un tout petit autre chose que cette haine ancestrale.

Que tirer de tout ceci ? Ou en est la revolution islamique ?
Ceci n'est evıdemment pas une these ni un article de journaliste et n'a pas de valeur fondamentale. Ce ne sont que des ımpressions. Et si elles soulevent le debat, tant mieux.

Elle me semble etre en perte de vitesse ıdeologıque, malgre les gesticulatıons du gouvernement sur la scene internationale. Surtout evidemment aupres des jeunes. Le faıt religieux n'en reste pas moins tres ımportant mais ce n'est pas de cela dont il s'agit.

Premierement voici ce dont un ami me faisait part recemment.

'L’Iran, contrairement au apparences, est un pays “démographiquement” calmé et très moderne. Sont point critique remonte à 1975-1980, époque de la révolution. A cette époque, l’alphabétisation était en train de se massifier, (...) l’indice de fécondité iranien à l’époque était entre 4 et 5 enfants par femmes, (...)30 ans plus tard, le chemin accompli par l’iran est surprenant et en un sens admirable: 95% d’alphabétisation chez les hommes et 88% chez les femmes (...). Plus surprenant encore: l’indice de fécondité est tombé en dessous de 2 enfants par femmes (taux de renouvellement des générations) depuis 2004!!!!! Une chute ininterrompue et vertigineuse en moins de 30 ans. (note: 6,8 en 1980) C’est absolument ahurissant vu que Arabie Saoudite, Irak, Afghanistan, Pakistan, Jordanie et Syrie sont encore au dessus de 4. Ce chiffre a une portée principale: la société iranienne a recours massivement, et dans la sphère privée puisque la religion l’interdit, aux contraceptifs. Cela en dit long sur l’état d’esprit et les conceptions philosophico-religieuse réelles des Iraniens, en particulier de notre génération.'

Je ne partage pas completement cet avis sur l'usage du preservatif en Iran, meme si je ne l'ai pas teste ;-). Je pense que l'iran reste avant tout une societe conservatrice voire tres coincee a l'egard des questions de sexualite. Il suffit de
parler avec des jeunes pour s'en rendre compte, c'est la terra incognita absolue pour la plupart d'entre eux et les autres sont marries. Alors sans doute le fait que les jeunes se marrient plus tard, que les femmes sont plus attentives a leur developpement professionnel, je ne sais pas exactement, mais comme le souligne notre ami, il s'agit d'un fait, dans notre conception purement occidentale, de developpement.

Deuxiemement, un article paru dans la presse toute officielle disait que le gouvernement est en rupture avec les elites issues de la revolution. Ces elites ne s'y retrouvent plus. Et il appelait le gouvernement a renouer contact. J'ai
l'impression que ce gouvernement tente d'appliquer a nouveau les recettes qui ont prevalu lors de la revolution, a moindre echelle. Mise a l'ecart des elites existantes (simple exemple: le remplacement radical d'une bonne partie du corps diplomatique par le president des son accession au pouvoir), regain du discours nationaliste et populiste. A cet egard la crise internationale nucleaire tombe a point nomme. Scene surrealiste en pleine campagne alors qu'on etait a 7 ou 8 dans une remorque tiree par un tracteur pour redescendre a Qazvin. Un paysan m'a montre un texto sur son gsm clamant : 'uranium enrichment is our absolute right !'. Ce gars ne pouvait pas aligner deux mots d'anglais (pas de critique, le jour ou je pourrai aligner deux mot de farsi...) et il venait me mettre un message sous les yeux parlant d'enrichissement d'uranium... Sans doute un mot d'ordre donne par le parti ou que sais-je.

Mais il est un fait que la population dans son grand ensemble est a present eduquee et n'accepte plus, ou beaucoup moins facilement, la mediocrite. Elle se montre beaucoup plus critique. Au premier plan, l'emploi des jeunes par exemple.

La revolution islamique (nul ne sait ce qu'il serait advenu sans elle, elle a eu lieu, point) dans sa composante de promotion sociale et d'education des masses aurait mis en place les conditions propres a sa propre auto-critique, sans vouloir parler de fin. Fondamentalement, les Iraniens ne veulent surtout pas d'un changement violent et ils voguent entre la necessite de maintenir un guide supreme pour la stabilite de la societe et les besoins de reforme democratique.

L'Iran a conserve de la revolution islamique au moins une chose : son independance vis-a-vis de l'exterieur et l'iran fera ce qu'il lui plaira. Mais il va de la responsabilite de la communaute internationale de laisser l'Iran fixer elle meme les conditions de sa marche vers sa democratie. Ceci se fera de facon d'autant plus aise en l'absence d'ingerence et de pression inutile des lors que ce pays reste dans ses prerogatives aux yeux du droit international.

Merci de bien vouloir reagir a cet article si quoi que ce soit vous parait insense. Ceci est tire d'une vision partielle, superficielle, d'un europeen qui a passe un mois a discuter avec des dizaines de gens de toutes conditions en Iran avec un oeil sur la presse iranienne et internationale.

Mashhad, Iran - Imam Reza mosque

lundi, mai 01, 2006

Letter to Bush

Deux semaines avant la lettre envoyee par Ahmedinejad a Bush, un professeur iranien s'etait lance dans le meme exercice, de facon beaucoup plus argumentee, laissant tomber les allusions messianiques, et autres bondieuseries, pour s'en tenir aux faits. Plutot que de me lancer dans de longues diantribes, je prefere laisser la parole a un Iranien qui a mon sens saisit bien le dossier nucleaire iranien. Ou qui en tout cas, donne une vision iranienne du dossier, que l'on soit d'accord ou non. Et les arguments ont le merite d'etre coherents.

Open letter to President Bush by an Iranian academic
By Pirouz Mojtahed-Zadeh

His Excellency President George W. Bush
The White House
Washington DC.

United States of America

16 April 2006

Mr. President

I am writing to you in the name of peace and in the name of human dignity. And in the absence of a balanced debate in Western political, academic and media circles on the issue of Iran’s nuclear energy program, I would humbly invite Your Excellency to spend a few minutes of your most valuable time to read an alternative argument about the said issue for the sake of peace and preservation of human dignity.
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