lundi, décembre 25, 2006

Mar Mousa

Syrie - Un petit message a caractere touristique dans ce monde de brutes.

Des que je suis arrive au bas de la vallee qui monte au monastere Mar Mousa, accessible a pied seulement au travers d'un escalier d'un kilometre et demi, un grand barbu, style ivan reebrov, grand coffrage, grosse voix, m'a adresse la parole. Je pensais que c'etait un guide touristique, il parlait toutes les langues, en tout cas anglais, italien, puis francais. Nous avons emprunte les escaliers ensemble. Quand je lui ai dit que j'etais belge, il m'a tout de suite donne une situation politique et sociale de la belgique dans des termes que peu de gens en belgique meme seraient capables de tenir. Il m'a demande des nouvelles de beyrouth et du liban. Puis le lui ai demande si il habitait la-haut, et en fait, j'avais affaire au pere superieur du monastere, ca commencait fort.

Il s'agit d' un pere jesuite, Italien et il s'apelle Abu Paolo, etabli la depuis 25 ans. Alors, il gere sa citadelle comme une petite entreprise, on y fait du fromage, du pain.... Il a ouvert cet endroit au monde entier, tout le monde est bienvenu. Il n'y a rien a payer pour le logement, ni meme pour la nourriture. La seule condition est de participer a la cuisine, le menage, donner un coup de main ici et la si on reste plus longtemps. J'avais apporte un kilo de dattes du marche de damas. Avant il n'y avait pas d'escalier il y a 4 ou 5 ans. Il fallait faire le grand tour par an nabk, le village a cote, par le col de montagne, des kilometres a faire dans la montagne. Ils ont construit un deuxieme monastere joignable par un escalier metalique au dessus du ravin, a donner le vertige. C'etait des l'epoque romaine une citadelle d'obsertvation sur la vallee, sur la route qui relie damas a palmyre (tadmor). D'ailleurs l'unique porte d'entree de la citadelle principale fait peut etre 1m20 sur 80 cm et c'est assez escarpe. Pour les amateurs de retraite et de silence, c'est un lieu tout indique.

Le reveillon de noel proprement dit nous etions une quarantaine je dirais, moitie syriens, moitie francais / italiens. Veillee de meditation de 3 heures avant la messede minuit. Je n'y suis pas alle, j'etais avec les 5 ou 6 syriens restes dehors, pour exercer mon piteux arabe, mais je progresse. En tout cas, c'est un endroit que je conseille vivement a celui capable de respecter les lieux des hotes qu'il frequente.

Le lendemain, apres avoir fait une marche dans les collines escarpees autour du manastere, on est redescendu avec 3 syriens chretiens de damas avec leur voiture, en repassant par maalula, c'est l'un des 3 derniers villages du coin ou on parle encore arameen, la langue de jesus. Au mois de septembre se tient une fete villageoise a Maamula, au cours de laquelle des troncs d'arbres sont jetes du haut d'une falaise dans un grand feu de joie. Si je suis encore dans la region, je tenterai de ne pas manquer cela. Joyeux Noel.

mardi, décembre 19, 2006

La democratie, c'est pas pour toi, mon gars.

Au cours de ces mois passes en Tunisie, en Egypte, au Yemen, en Iran et en Syrie rien que pour ne citer que quelques pays significatifs, et en attendant d'aller en Arabie Saoudite a Paques ("pourquoi pas ?" me disait un pote sunnite de Beyrouth avec amusement), je me suis souvent posé la question de savoir pourquoi le pays que je traversais etait considere, par l'Occident, a savoir les gouvernements que je suis sensé avoir élu avec mes congeneres, l'un comme faisant partie de ces monstrueuses dictatures placées sur l'axe du mal, l'autre comme étant un régime ami. Ceci alors que les conditions de vie quotidienne, la répression policiere, le mépris de l'état pour ses citoyens, la muselage de la presse et de la liberté d'expression ne variaient sommes toutes que de quelques millimetres et pas toujours dans le sens que l'on croit.

Pourquoi decide-t-on de soutenir des gouvernements liberticides et autoritaires, legitimés souvent (mais pas toujours) par le fait qu'ils constituent un rempart contre l'islamisme, comme si les Arabes se contenteront bien d'un pis-aller. Quelle condescendance et quel mépris de la part de nos gouvernements. Je pense ici particulierement a l'Egypte et au Yemen, et meme a la Syrie, dont le gouvernement a longtemps été un partenaire respectable dans les chancelleries occidentales pour cette raison.

Prenons la stratégie des neo-conservateurs américains, affirmant, le coeur sur la main, que le but de la guerre en Irak était de provoquer une "réaction en domino" au Moyen-Orient. La chute de Saddam aurait, selon eux, provoqué une vague de démocratisation de Islamabad a Rabbat, dans un Moyen-Orient redessiné par leurs soins. On sait aujourd'hui que les Etats-Unis sont aujourd'hui forcé de composer en Irak avec des religieux parmi les plus fondamentalistes du Proche-Orient.

Lors d'une conférence donnée par un ancien ambassadeur US a Beyrouth, quelqu'un de tres ouvert sur la question et je pense, sincere, celui-ci se demandait, chiffres a l'appui, et un peu sans doute pour animer le débat, pourquoi les Etats-Unis récoltaient de si pauvres résultats en matiere d'opinion publique favorable au Moyen-Orient. Au-dela du débat de savoir pourquoi, je lui ai demandé si réellement, les Etats-Unis, dans sa politique extérieure, attachait la moindre forme d'importance a ce genre de considération aussi secondaire que l'opinion publique des peuples du proche-orient au sujet de cette politique.

En fait c'est en lisant un passage dans un essai d'Amin Maalouf, auteur francais et libanais, intitulé Les Identités Meutrieres, que cette question a pris un autre relief. Cette maniere de procéder dans la région n'est pas neuve, elle n'est pas l'apanage des Americains, loin de la. Je n'apprendrai sans doute rien aux historiens du Proche-Orient. Mais les puissances européennes ont séparé les régimes entre bons et mauvais bien avant eux. En voici un exemple.

En 1799, Napoléon envahit l'Egypte. Ceci fut le début d'une réflexion dans le pays conquis en vue de savoir pourquoi, en quelques siecles, l'Occident a pris une telle avance dans tous les domaines techniques et militaires sur l'Orient, conduisant a la défaite cuisante de 1799. Dans ce contexte apparait 6 ans plus tard le roi Mohammed Ali, un visionnaire, Albanais, ancien officier ottoman, qui va se mettre en tete de combler le retard de l'Egypte sur l'Occident. Il fait engager des medecins europeens et fonde des hopitaux universitaires. Il engage des officiers napoleoniens dans son armée. Il entame une réforme politique et judiciaire, il soutient le progres technique et scientifique dans un effort sans précédent pour la modernisation de l'Egypte (ceci n'est pas du tout souligné sur un site comme wikipedia sauf pour des raisons militaires, mais c'est A.Maalouf qui souligne). A tel point que celle-ci, toujours infeodée a l'Empire Ottoman, pense de plus en plus a s'en defaire et va meme marcher sur Istanbul a deux reprises. Le mot de la fin viendra d'une coalition europeenne qui repoussera l'assaut egyptien jusqu'au Nil. Il était en effet préférable pour les Empires européens de disposer d'un allié ottoman, faible, en retard et moribond, sur la route des Indes, plutot qu'une puissance potentiellement dangereuse car en voie de développement au point de rattrapper son retard sur l'Europe, mais surtout, indépendante et incontrolable. L'Egypte, encore tres fragile, ne s'en relevera pas.

lundi, décembre 18, 2006

Fucking backpackers

Damas - Ou on rencontre parfois de ces specimens sur la route.
Voila ce mec, un suedois, je sais pas, il doit avoir entre 60 et 70 ans, age indetermine, qui est installe dans le dortoir commun de l'hotel Harammein de Damas, dans le souq Sarroujah, alors que j'y reviens. Les 2 autres pensionnaires de la chambre se taisent, il parle sans arret. Comme si cela devait etre une tradition, il me demande d'ou je viens et ce que je fais ici. Je lui dis que je viens de Beyrouth. Je n'ai pas le temps d'en dire plus qu'il me sort une litanie, je ne rentrerai pas dans les details, de sa vision extralucide de la situation politique libanaise, du foutoir cause par les musulmans, d'ailleurs il en a toujours et ainsi. Et surtout, que j'avais de la chance d'etre ne en Belgique, you know, tous ces gens ne connaissant pas la democratie et moi j'ai de la chance d'etre ne dans un pays ou on peut s'exprimer librement. J'apprends vite que ce monsieur est reste en tout et pour tout 3 jours au liban, entre un aller - retour en Syrie et une tentative de passer en Jordanie.

Alors il y a quelques mots que vous entendrez sans arret dans la bouche de backpackers : cheap, because it was cheap, it is cheaper, you go to this place, you will adore it, and it is cheap.

Ce qui me fait rire, c'est aussi l'impression que donnent des backpackers d'avoir ete dans des endroits absolument extraordinaires ou personne n'a ete et qu'ils sont les seuls a avoir vecu ces aventures extraordinaires. Par exemple, a Petra, en Jordanie, tu peux dormir avec les bedouins pres de ruines, man ! Oui, eux qui viennent de faire un aller-retour Amman - Baghdad, tu peux boire la meme eau que leurs chameaux (eraintes d'etre restes immobiles depuis le debut de l'annee) et fumer leur narguile avec le tabac artisanal de bab el oued (made in china). Il parait meme qu'il y a une experience unique au monde, c'est d'aller dans le desert blanc egyptien avec des bedouins en jeep et de passer la nuit a la belle etoile. Tellement unique que le ministere du tourisme egyptien compte construire une autoroute six bandes entre le Caire et les oasis de Baharryia et de Farafra...

Bon nous nous sommes tous les 3 endormis sous les beuglements sans fin de notre vieux backpacker, qui, habille comme un clochard s'est d'ailleurs fait refouler a la frontiere jordanienne pour une vague histoire qu'il lui est arrive il y a dix ans a la meme frontiere. Il y a juste un moment ou on lui a dit de se taire ou de crier moins fort, c'est quand il a commence son ode a Israel et a la beaute de ce merveilleux pays. On s'est endormi... et on s'est reveille au son de sa voix. Le lendemain il a recidive, alors que je prenais paisiblement mon petit dej avec un hollandais de passage, quel plaisir de pouvoir reparler un peu la langue de vondel ceci dit en passant, alors que la reception etait bondee, il m'a lance de loin : see you in Jerusalem !
Je ne pouvais que lui repondre : Inchaalah !
Un type pareil, ca pourrait vraiment vite vous attirer des ennuis.

Une histoire moins drole, c'est celle de ce Japonais qui lancait autour de lui un defi qu'il s'etait donne a lui-meme : aller en Irak. Il est passe dans cet hotel, certains membres du personnel se souviennent tres bien de lui. Il y a aussi le temoignage d'autres backpackers qui l'ont croise dans la region et qui ont confine dans le livre d'or de l'hotel leur rencontre avec ce gars. Il est alle en Irak, "out of curiosity", et il n'en est jamais revenu. Dans ce meme registre, a la page suivante, la coupure de presse qui le montre devant ses bourreaux, peu avant son execution. Cela en vallait-il la peine ? RIP mec...

lundi, décembre 11, 2006

Et pendant ce temps à Beyrouth

La deuxième grande manifestation anti-gouvernementale initiée par le Hezbollah, le Courant Patriotique Libre (le parti Chrétien de Michel Aoun), Amal (parti issu d'une milice chiite durant la guerre civile, aujourd'hui parti du président de la chambre, Berri), suivie par le Maradah (parti chrétien nordiste de Frangieh, le fameux sigle "Pi" sur fond de drapeau vert fluo), le Parti Communiste Libanais et le Parti syrien national social, nom quelque peu malheureux mais qui est essentiellement panarabe, avait lieu ce dimanche, une semaine après la première.

C'est un assemblage de partis et de tendances qui peut paraître pour le moins hétéroclite. Pas moins "contre-nature" néanmoins que la coalition au pouvoir, que les Etats-Unis et une large majorité de la communauté internationale nous demandent de soutenir contre les "islamo fascistes", où l'on voit le parti Kataeb (les Phalangistes), les Forces Libanaises (maronite), le Courant du Futur (sunnite, mené par Hariri fils et qui compte le premier ministre Siniora), le parti druze de Walid Joumblatt, pour les principaux partis. Des factions qui se sont livrés une guerre à mort durant les années de guerre civile. Les bourreaux et criminels de guerre occupant des positions importantes, là un poste de ministre, ici une présidence de parti. Imaginons un gouvernement serbe ou bosniaque d'ici quelques années, où l'on retrouverait des Mladic et des Karadzic, soutenu par l'Union Européenne contre un mouvement d'opposition. Ceci doit nous échapper dans la situation libanaise, et je suis étonné que très peu de médias chez nous finalement ne relèvent ce point tout de même important à l'heure où la communauté internationale "regrette" et ne peut que constater que Augusto Pinochet emporte sa bonne conscience dans sa tombe. Mais on ne va pas s'attarder à ce genre de détail, surtout qu'il ne résoudrait rien dans la crise actuelle, au contraire.

Les "Pro syriens"

Les médias présentent donc les premiers comme étant "prosyriens" et les seconds d' "anti-syriens". Par un retournement et un hasard de l'histoire, on trouve parmi les premiers d'importantes forces qui se sont opposées à la mainmise syrienne, notoirement à la fin des années 90. Et l'on retrouve dans le gouvernement des courants qui au moins à un moment ou à un autre ont été les plus sûrs alliés de la Syrie pendant ces années de plomb.

On peut envisager effectivement que la Syrie et l'Iran se frottent les mains d'un embrasement au Liban, question de disposer d'un levier supplémentaire dans la région dans leurs négociations continuelles contre le monde entier. Objectivement, la Syrie soutient et arme le Hezbollah. Néanmoins, C'est plutôt grossier de désigner le mouvement d'opposition exclusivement de prosyrien dans la mesure où, pour commencer, les forces du général Aoun ont été parmi les plus virulentes dans le combat contre la Syrie en 1989-90. Le Parti Communiste libanais, dont un dirigeant a été tué par les services secrets syriens dans la dernière vague d'attentats (voir commission Brammertz) et alliée à une branche communiste dissidente à Damas, dont des cadres et sympathisants croupissent dans des prisons syriennes, ne peut être qualifié de prosyrien Le Hezbollah même n'est pas fanatiquement prosyrien, même si le pouvoir syrien est alaouite et vaguement d'obédience chiite (contre une population majoritairement sunnite). Il profite d'une aide avantageuse de circonstance dans leur résistance contre Israël, ce qui leur confère leur pouvoir. Le Hezbollah est né dans les ruines de l'invasion israélienne de 1982. C'est de là que lui vient sa légitimité, renforcée certainement par une vaste entreprise de clientélisation et d'aide aux population défavorisées, là où l'Etat a fait faillite.

Le Hezbollah est un parti avant tout libanais, qui s'inscrit dans une logique propre au Liban sud, de Tyr à Bint Jbeil et de Nabathiye à Chiah dans la banlieue sud de Beyrouth. Etant donné la ferveur populaire dont dispose le Hizbollah en Syrie, il ne m'étonnerait pas qu'un Hizbollah au pouvoir, allie, au Liban serait le plus grand facteur de déstabilisation pour le régime seculaire, baathiste et corrompu de Bachar al Assad. Et il y a donc lieu de penser que la Syrie voit un intérêt certes à promouvoir un Hezbollah assez fort au Liban, mais pas trop. Ce ne serait pas une première dans l'histoire des relations de la Syrie avec certains mouvements libanais. Mais admettons donc avec le sourire que nous avons en présence un large mouvement pro-syrien qui veut faire tomber un gouvernement d'indépendance nationale, par essence anti-syrien et proaméricain et que tout tourne autour de la question du tribunal international pour juger des assassins de Rafic Hariri. Comme si tout ce beau monde se mobilisait et vociférait pour des acteurs étrangers, en faisant don de leur énergie et de leurs moyens. Au minimum, cette vision manque de subtilité.

Il y aurait bien d'autres grilles de lecture.

Par exemple, une opposition Bourgeoisie/peuple, Gauche / droite, Province / Beyrouth, clan x / clan y...

Si la première manif de l'opposition a attiré 800.000 manifestants, chiffre non contesté, on peut estimer que celle-ci a dépassé de loin la barre du million de manifestants. Au milieu de l'après-midi, la foule était compacte de la place des Martyrs et de Ryadh el Solh a l'intersection Sodeco, deux kilomètres plus haut, et latéralement, quasi d'Achrafyie sur l'avenue Charles Malek, jusqu'au bout de l'avenue Chehab en sens oppose. En revenant en fin après-midi du sud, par la route de l'aéroport, les voitures et les bus étaient parqués jusque bien au-delà de l'Intersection Cola, a 3 bons kilomètres de la place des martyrs.

J'ai été témoin de la mobilisation populaire le matin même à Sour (Tyr) et à Saida (Sidon), les drapeaux flottaient au vent, dépassant des fenêtres de voitures, des bus. Dans ces derniers, des manifestants très jeunes et des femmes. Les hommes sont souvent en voiture. A plusieurs reprises, nous sommes pris dans des bouchons en formation, surtout à l'approche des zones de détour causées par la destruction des ponts par l'armée israélienne en juillet.

Au retour du sud vers Beyrouth en fin après-midi, on pouvait observer une file de voitures et d'autobus, de minibus, arborés de drapeaux en tout genre, qui allait de Saida a Beyrouth quasi sans discontinuer. 40 kilomètres de bouchon au bas mot. La semaine précédente, on pouvait observer le même phénomène sur les routes provenant du nord, colorées d'orange et de vert fluo.

Pour celui qui a vécu un peu au Liban, il aura pu remarquer trs vite que l'Etat y est absolument inexistant. C'est largement une société ultra capitaliste, ou il fait effectivement doux de vivre quand on y a de l'argent, sans aucune règle ni régulation sociale. L'infrastructure publique y est calamiteuse, notamment les chaussées, l'aménagement urbain, la police de la circulation, l'environnement, les postes et telecommunications. Le téléphone portable y est le plus cher du monde. L'internet est également le plus cher et le plus lent du Moyen Orient. La mafia gangrene tout, les ministres confondent le trésor public avec leur portefeuille. Je ne dis pas que l'opposition ferait mieux, mais elle est encore vierge de ces pratiques.

Les raisons de penser qu'il n'y aura pas de guerre civile.

Le Hezbollah est la force principale du mouvement d'opposition. Il est sans doute armé, très armé. Il y a un point non négligeable dans l'argumentation du gouvernement qui veut que la discussion est déséquilibrée. Nous avons un parti, un mouvement, le Hezbollah, qui est au moins aussi puissant militairement que l'armée, sous contrôle du gouvernement. Il n'en reste pas moins que l'armée est sous commandement maronite, chrétien, et l'encadrement est largement sunnite. La base est de toutes confessions, y compris chiite. Les forces de sécurité intérieure dépendent du Courant du Futur (sunnite).

Positivons.
Certains pourraient y voir un facteur de guerre. Je dirais au contraire que vu les forces en présence, personne n'a intérêt a prendre l'initiative d'un déclenchement des hostilités. On a vu que 15 ans de guerre civile dans le passe n'ont mène a rien, sauf a rétablir une constitution qui a peu de choses près, avait été écrite sous le mandat français. Seule une mise en scène grotesque pourrait mettre le feu aux poudres. Quand on aborde cette éventualité avec tout un chacun, de toute condition et de toute confession, c'est une lassitude par avance qui transparaît, surtout pour les gens de 30 ans ou plus.

Ne connaissant le Liban que depuis à peine 3 mois, mais ayant bougé du nord au sud et de l'est à l'ouest, il y a cependant une notion qui traverse toutes les tendances, tous les villages et villes du Liban, et toutes les conditions, à l'exception de quelques groupuscules pro régionalistes, c'est l'amour du Liban. Les manifestations sont éclairantes sur ce point. Dans les premières, et particulièrement celle où je me suis trouvé, suite à l'assassinat du Ministre de l'Industrie Pierre Gemayel, il y avait bien une présence importante de drapeaux des Forces Libanaises et Phalangistes, due aux circonstances, mais la majorité des drapeaux étaient le drapeau national. Pareil pour les deux manifestations de l'opposition. Un raz de marée de cèdres sur drapeau rouge et blanc.

L'alliance entre le parti du général Aoun et le Hezbollah a pour l'instant sauve le Liban d'une surenchère communautaire et confessionnelle.

Le Hezbollah contemporain et l'OLP des 70's. Les similitudes existent. On entend souvent dire sur les campus, dans les discussions avec le commerçant du coin ou dans certains journaux que le Hezbollah se comporte comme un état dans l'état. On parle de 5e colonne, du danger de la présence d'une force armée incontrôlable sur le territoire libanais. Ce débat n'est pas neuf, il a cours depuis au moins le retrait israélien de 2000. Il y a cependant un point non négligeable à savoir que le Hezbollah est libanais. Il y aurait bien d'autres éléments, mais j'arrête la. Pour le reste, incha'allah.


(Toutes ces photos sont la pour rappeler, si besoin il en est, a quel point le Liban est un pays magnifique. Photos prises dans le sud, place des Martyrs, Bekaa)

lundi, novembre 27, 2006

Kesako ?


Pour un peu changer de sujet, qu'est-ce que cette bestiole que j'ai surprise en train de vouloir emprunter mon velo ?

mardi, novembre 21, 2006

Pierre Gemayel assassiné

La stratégie de tension continue au Liban. Le Ministre de l’Industrie de la République Libanaise, Pierre Gemayel, fils de Amine Gemayel, l’ancien président du Liban, vient d'être assassiné cet après-midi. La rumeur est montée peu a peu, atteignant la rue, les classes de cours, les lieux de travail. Le Liban est le pays des rumeurs, mais celle-ci est malheureusement confirmée. Son convoi a été attaque à Sin el Fil ou Gdeide, les sources variant, dans la proche banlieue de Beyrouth Est ou se trouvent les quartiers chrétiens. L’événement vient d’avoir lieu et il est encore trop tôt que pour tirer la moindre conclusion. Je ne sais pas jusqu’où va mener cette tension politique. Pierre Gemayel faisait partie du Kataeb, parti associe au gouvernement Signora. Quoi que l'on puisse penser de ce parti, cet attentat est tout sauf bon pour le Liban.

Update 23 novembre :

Aujourd'hui, enterrement de Pierre Gemayel et manifestation monstre dans un remake de celle qui a conduit a la fondation du mouvement politique du 14-mars, lui meme traduit en une victoire electorale menant la coalition actuelle au pouvoir.
The same day, three events occured, and it's hard to say if they are linked or not :
  • Pierre Gemayel, minister of industry of Lebanon has been assassinated
  • The UN, the same night, have given their "go" for the international court judging the murder of Rafic Hariri
  • Syria and Irak have re-established their diplomatic relations (after 25(?) years) and Syria have admitted the principle of american troops being based in Irak, while other sources say it could be the beginning of a regional alliance between Syria, Iran and Irak, without the US. I don't believe in that, I believe only in realpolitik. And within this frame, america IS the primary player in Irak.

Syria and Iran have been immediately accused for the murder of Pierre Gemayel by the members of the governing majority. There are arguments and reasons to believe so. I know people who have been living the last few months in Syria, and the opinion there is that the syrian government want, by a way or another, by any possible ways, avoid the international court. This ranges from destabilizing the region, to even reactivate the golan front against Israel (the most peaceful front in the world for more than 3 decades now). That's true there are absolutely no doubts re. the former crimes, that Syria was AT LEAST involved or aware, when looking at the way the impressive bomb attacks were conducted, in a country ruled by the syrian occupier. At the other side, I do not understand what would be the meaning of such an initiative (killing somebody else in the lebanese government) as it only fastens the establishment of the court (see the vote, the same night, at the UN security council). For the last assassination of Pierre Gemayel, there are also troubling facts : the operating modus was different (commando vs. bomb), in the heart of a christian quarter, by 3 men even not covered and who could escape without difficulty while there is a cop every 10 meters in the street.

Yesterday I was in the bekaa, in baalbek, within hezbollah bases. The following is also an opinion shared by left wing members of the communist party and also by supporters of the former general Aoun (christian leader in the opposition). The murder could come from close christian bases close to the majority. The goals are : forcing the international court, and above all, attract "lost souls" aka. the important christian minority following the general Aoun to reintergrate the lebanese forces against Hezbollah and Syria. This scenario is also hard to believe, but it is a possible option.

The third possibility, there are different opinions actually : a mafia "reglement" ; or an operation approved, if not supported, by the united states, not happy to see that an UN mission, mainly lead by France and other european powers, is taking leader ship and is managing to keep peace in the region (it could be dangerous for the american hegemony in the region) : not afraid to threaten Israel if they move and determined in impeaching Hezbollah to re-establish its military presence in the south ; the Hizbullah itself, in order to sthrengten the tension strategy with the goal of forming a national unity government where they would be better represented ; or even, the mossad, Israel not willing a pacified Lebanon.etc... As you can see, Lebanon is still the country of rumours and imagination, more than ever.

Practically, we are not far from a civil war. You just need two factions for that. No need for an hostile divided population as we commonly believe, as if an entire community of one country wanted to fight with the members of another community. We know that Hizbullah is armed, and it seems the Lebanese forces are as well. The lebanese "official" army could not stay as fair as they look like. We will see in the next few days and weeks if there are forces in this country willing to lead it to a civil war again.


(photos : images de la manifestation du 23 novembre sauf la derniere, vue du toit de mon immeuble)

mardi, novembre 14, 2006

Beyrouth (2)

Le dernier événement qui tient la presse en haleine et parfois le passant, sont les négociations sur la formation d'un gouvernement d'union nationale, incluant une part plus grande de ministres du Hezbollah, du Courant Patriotique libre (Général Aoun) et de Amal, un mouvement chiite. Il y aurait nécessité de former un tel gouvernement en raison de la guerre de juillet et de l'extreme tension : on a quand meme tire ces dernieres semaines plusieurs fois au mortier, de façon non revendiquee, a cote du parlement et du siège du gouvernement, sur deux casernes de police... Il est curieux de voir comment ces actes sont relativement banals ici. Néanmoins, c'est assez sérieux que pour faire quelque chose. Le parti de Dieu estime également que la donne a complètement changé depuis cette dernière guerre. On se souviendra de la fête du Hezbollah, rassemblant plusieurs centaines de milliers de sympathisants et de curieux à Dachye au sud de Beyrouth il y a un peu plus d'un mois. Il ne serait même pas nécessaire d'aller plus loin, l'enjeu ce sont les élections anticipées. Mais on est au Liban et tout doit se faire de façon théatrale sinon dramatique, ce qui me convient assez bien quelque part.

Le hezbollah demande donc une minorite de blocage d'un tiers au sein du gouvernement. On les soupconne de vouloir bloquer le proces hariri, le tribunal international qui amenerait des syriens et des libanais haut places devant la barre des accuses. Il est aussi question du round Paris III, le programme d'aide économique international pour le Liban. Ce terme "minorite de blocage" est une expression utilisée par la majorité. L'opposition parle plutôt de minorité de participation. Ce qui a du sens. Comment parler de gouvernement d'union nationale si certaines des parties n'auraient qu'un role de figuration dans ce gouvernement ? Le dernier deal sur la table, à savoir de troquer une minorité de participation / de blocage contre la garantie de la tenue du tribunal international, présenté vendredi, semble aller dans le sens que l'opposition ne tient pas à bloquer l'issue de ce tribunal. Il faut dire que les garanties présentées par l'ONU, exactement au moment où ces réunions "de la dernière chance" successives avaient lieu à la place de l'Etoile, facilitent le troc. Les chefs d'Etat gardent leur immunité (comment le conseil de sécurité de l'ONU eut-il pu en décider autrement, il ne faudrait quand même pas créer un dangereux précédant) et l'assassinat d'Hariri et d'une vingtaine d'autres personnes dans une explosion quasi sans précédent due à un camion piégé avec deux tonnes de TNT, ne sera pas jugé sous le principe de crime contre l'humanité, avec raison gardée également. Mais meme ce troc, personne ne sait plus d'ou il vient, par qui il a ete propose, 4 jours apres qu'il ait ete depose sur la table. On interroge le concierge.

Ce week-end, comme vous avez pu le lire dans la presse internationale, les 5 ministres Hezbollah et Amal, ainsi qu'un ministre fidèle au président Lahoud, lundi matin, ont démissionné, devant l'impasse des négociations. Le premier ministre Siniora a refusé tactiquement ces démissions, pour ne pas valider le caractère anti-constitutionnel qu'aurait un gouvernement ne regroupant pas certaines des minorités nationales. Ce lundi même, le gouvernement réduit de ses ministres démissionaires a tenu une réunion extraordinaire validant le draft rendu par l'ONU sur la tenue du tribunal international pour juger de l'assassinat de l'ex-premier Rafik Hariri. C'est donc un feu vert pour le tribunal.

Tout ceci, vous pouvez l'imaginer, dans un rafus de formules chocs, et de grandes paroles de martyrisation, "Ils veulent assassiner Rafik Hariri une deuxième fois", le terme de "5e colonne" revient régulièrement, l'appel à descendre dans la rue, même pacifiquement (de la part d'un mouvement, le Hezbollah, qui détient un arsenal militaire) serait un acte "dont les auteurs devront supporter toutes les conséquences", d'un coté. D'un autre côté on sort les accusations de collusion, voire de trahison organisée avec l'aide de l'ennemi americano-sioniste. Ca vole bas, dans un concert d'appels et de déclarations toutes plus mélo-dramatiques que les autres.

Il y a deux aspects avec lesquels je voudrais terminer cet exercice libre.
Si ce tribunal est reellement le point sensible de toute cette negociation.
Pour certains, notament au sein de la majorité menée par le mouvement du 14-mars, les deux vont de pair, et on peut le comprendre, mais l'objectif pour le liban, devrait etre l'independance nationale et non le debat de principe sur la culpabilite de tel ou tel politicien. La justice et l'indépendance nationale risquent bien d'être des principes incompatibles dans ce cadre. Car cette culpabilite, meme si elle est etablie et condamnee, il faudra encore que la sanction soit executee, ce qui est loin d'etre acquis. Les syriens seraient deja prets a reactiver le front du golan contre israel, en vue de detourner l'attention de la communaute internationale et empecher le proces hariri coute que coute. Que vaut la condamnation de 2 ou 3 pontes, situation qui va encore exacerber les passions et crisper les positions, en comparaison avec l'occasion historique pour le liban d'acquerir pour la premiere fois depuis 30 ans sa veritable independance ? Ne serait-il pas judicieux d'organiser en coulisse la voie de sortie de certaines influences nefastes ?

Deuxièmement, le debat est accapare par l'influence etrangere sur le Liban. Par consequent, toute avancee sur la fonction et l'organisation de l'etat, les infrastructures, la reconstruction, son role social, l'education, passe au second plan. Une veritable independance, sur des bases solides, passe au depart par l'unanimite des composantes de la nation dans un projet commun. La focalisation des débats s'est faite autour du procès de l'assassinat d'Hariri et de la minorité de blocage. Si l'on considere donc que ce procès est admis par l'opposition, et c'est à l'ensemble de la classe politique qu'il faudrait poser la question, au nom du peuple libanais : quel est votre projet ? On a parlé de Paris III, en pointille, et du procès Hariri, mais absolument rien d'autre n'a transpiré de ces réunions marathon, ce qui personnellement me laisse sur ma faim.




(photos : Beyrouth sauf la derniere, detail de la citadelle de Tripoli)

mardi, novembre 07, 2006

Beyrouth (1)

J'en apprends tous les jours sur la politique libanaise. C'est vraiment un concentre de tout ce que la politique peut faire de pire sur une societe. Je commence a decerner les differents courants, qui est qui, qui est allie (temporaire) avec qui. C'est clair que comprendre la politique libanaise est le meilleur exercice que pour mesurer le machiavelisme et le realisme de n'importe quelle situation politique dans le monde. C'est aussi être témoin de l'impuissance absolue de la politique, dans la mesure où elle n'a pas empêché une guerre qui a duré 15 ans, et elle semble de nouveau mal adaptée à la situation actuelle.

Il y a trois semaines, de nombreuses voitures, camionnettes, 4X4,... partent de Jounieh, la cité balnéaire bourgeoise du Liban, à 15 km au nord de Beyrouth, en cortège. On arborre la photo d'un gars qui ressemble vaguement a JFK. Il s'agit de Dory Chamoun, fils de l'ancien president, chef du parti liberal, allie de Aoun en 1989 lorsque ce dernier a commence sa campagne militaire pour mettre l'armée syrienne dehors. Aoun a échoué et est parti, exilé en france. Le clan Chamoun est reste et Dory s'est fait assassiner chez lui, avec sa femme et deux de ses 4 enfants par la milice phalangiste de Geagea et les syriens. Geagea s'est fait condamner a mort entre autre pour ce fait en 1994. Sa peine a ete commuee en peine de prison. 11 ans plus tard, en 2005, Geagea est sorti de prison et est a present le chef du parti des forces libanaises (heritiers des phalanges) qui fait partie de la coalition... anti-syrienne du 14 mars. Aoun est aujourd'hui l'allie du bloc qualifié de "pro-syriens", en tout cas avec le hezbollah. Un exemple de retournement de veste réciproque, tu me passes ta veste, je te passe la mienne.

Tout ceci mene a des situations ou sur un meme mur on verra des affiches surcolees ou quasi cote a cote de Dory Chamoun (liberal chretien), Samir Kassir (laic de centre gauche) et Rafic Hariri (sunnite de droite) tous les 3 assassines, puis sur le meme mur les posters de leurs assassins. Voilà la politique au Liban, c'est la joie. J'ai parfois envie de me munir d'un pinceau et d'un pot de peinture et de tracer des flêches entre les portraits, des liens, des signes "=", des signes "><", des petits coeurs etc... Ce serait une nouvelle démarche éducative intitulée "la politique libanaise expliquée au passant".

dimanche, septembre 24, 2006

From Boulder to Beirut

Voici le blog d'une personne que j'ai rencontree a plusieurs reprises lors de mes premieres semaines a Beyrouth et au gre de mes demenagements, Dan C. Winters. Dan est activiste au sein d'associations americaines qui oeuvrent pour la paix, dans une perspective critique du role joue par les Etats-Unis sur la scene internationale.

How I spent my summer vacation - Part 1 of 2 parts
Dan Winters
As the plane touched down at Beirut International Airport many of the passengers applauded. This was one of the first flights to land at the airport since the Israeli invasion of Lebanon in July 2006.
My trip to Lebanon was a project of the Rocky Mountain Peace and Justice Center (RMP&JC), headquartered in Boulder, and also the Coalition for Peace and Justice in the Middle East, headquartered in Denver. Members had contributed funds and an airline ticket to get me to Lebanon to distribute funds donated by individual members to grass roots organizations. In addition, I was planning to start a one person office to help facilitate getting information back to the United States.
This is part 1 of 2 parts. What follows are excerpts, and some editing, from a blog I wrote at http://www.daninlebanon.blogspot.com which readers can visit to read the full text of part 1 and also the full text of what will be part 2 in the next newsletter.

samedi, septembre 23, 2006

Les champs de mines du Sud Liban

Mine Action Coordination Center (UN), Tyr - Le centre de coordination des Nations-Unies pour le Liban Sud est implante a Tyr (Sour) depuis quelques annees. Son action consiste a coordonner les interventions d'une deux-centaine de demineurs repartis dans differentes ONG. Ils attribuent les autorisations de deminer en fonction des competences des ONG et ils etablissent egalement une typologie exhaustive des mines trouvees sur le terrain. Voir particulierement http://www.maccsl.org . Un tableau mural indique les plus grandes concentrations de zones qui restent a etre nettoyees : Mad Al silm, region de Tyr, Zawtar, toute le zone entre Bint Jbail et Tibnin.

On denombre 4 millions de sous-munitions eparpillees au Liban, semees par l'armee israelienne. Une par Libanais.

Il est assez curieux de constater que les groupes (ONG) de deminage proviennent, a de rares exceptions pres, des pays producteurs de ces memes mines. Sur les murs, les notices explicatives des mines anti-tank et des mines anti-personnelles proviennent de : Israel bien sur, l'Italie, Grande-Bretagne, France, Belgique, Hollande, quelques mines de l'ex-Yougoslavie, de la Chine et evidemment des USA. Pas vu de mines anti-tank (posees par le hezbollah) ni de mines anti-personelles (bombes a fragmentation balancees par Israel) ayant ete fabriquees en Syrie ou en Iran.

Abu Liban

Des fragments de bombes a fragmentation de fabrication chinoise jonchent le sol dans la zone directe autour du village. Seules 40% de ces petits engins gros comme un telephone portable explosent au contact avec le sol. L'imprecision technologique ou la vetustete de ces bombes restees en hangar pendant plusieurs annees fait que plus de la moitie d'entre ces fragments (clusters) n'explosent pas et se retrouvent ainsi dissemines dans la nature, pendus a des branches d'arbres, enfuis entre des rochers, et constituent un danger pendant plusieurs annees. Une bombe a fragmentation (cluster bomb) peut contenir jusque 640 fragments (clusters). Ces fragments, en explosant et se dechiquetant, projettent dans leur environnement immediat des dizaines de morceaux de metal, aiguises comme des lames de rasoir.

La majorite des bombes a fragmentation dans cette zone ont ete larguees dans les deux jours avant le cessez-le-feu. C'est une technique de "terre brulee" appliquee par Israel a la sauce XXIe siecle. Autour, ce sont des zones de cultures en plateau, desechees, pres du village. Il n'y a apparemment aucune raison pour laquelle la zone a ete tapissee de bombes, voir plus haut.

La petite soeur de Hassan a un jour trouve l'un de ces fragments et immediatement son grand frere de 10 ans lui a dit de lacher immediatement la chose, il a vu a l'ecole ou ses parents lui ont explique que ce n'etait pas pour jouer. Sa petite soeur l'a jete de colere entre eux deux. Plus de peur que de mal pour Hassan qui a ete transporte a l'hopital de Sour (Tyr) et il s'en tire avec une bonne cicatrice de 20 cm au ventre. Hassan est a present le heros, le gamin de dix ans "qui a deja fait la guerre contre Israel", au milieu de ses petits camarades qui s'esclaffent de rire.

Famille a Aita

Le chef de la famille nous fait le topo de tout ce que le Hezbollah lui a promis suite a la destruction totale de sa maison de trois etages, une bien belle masure. Dix mille dollars upfront pour se loger, se nourrir, racheter des meubles plus tard, enfin, ce qu'il veut en faire. Deblaiement gratuit des gravats par une dizaine de volontaires du parti, et reconstruction de sa maison comme elle etait avant la guerre. Clefs en main. Au loin, sur la colline, on appercoit les postes avances de l'armee israelienne, sur la ligne bleue. Du lieu ou l'on parle jusqu'a ces postes faits de tours et de barbeles, les drapeaux jaunes et verts du hezbollah flottent sur les maisons libanaises. Aita est un village qui a ete occupe durant 20 ans par Israel. Les message adresse a chacun etait clair : tu co-operes et tu restes, ou tu te casses. Une cinquantaine de personnes du village sont connues notoirement pour avoir travaille pour l'ennemi. Lors des evenements de juillet / aout, les Israeliens ne pensaient pas rencontrer une telle opposition dans et autour du village.

Pendant les deux heures passees dans cette maison d'Aita, on verra vingt personnes de passage, ca rentre, ca sort, les freres, les cousins d'a cote, les voisins, l'oncle juge en amerique et le neveu businessman du Canada... Oui, c'est clair qu'on est au Liban.

dimanche, septembre 03, 2006

Destruction massive

Station de Cola, Beyrouth sud. Un minibus public nous emmene vers Saida (Sidon). Les Libanais observent les degats en route. On contourne deux ou trois ponts detruits. L'un d'entre eux a deja ete reconstitue temporairement par le genie civil. On passe dessus sous les yeux d'une garnison de casques bleus francais. A droite de la route, sur la plage, des dizaines de camions militaires francais sont alignes. Un dernier pont detruit pres du stade de Saida, et nous arrivons a la sation de bus de la ville.

Entre Saida et Sour (Tyr), la demolition est plus apparente. Les ponts et les maisons detruites ne se comptent plus. Ici aussi le genie civil a fait son oeuvre. A Tyr, pas d'autre possibilite que le taxi pour aller a Bint Jbail, a 40 km de la. Les taxis commencent a avoir l'habitude des "packages journalistes de guerre tout en 1". Et les prix sont de de l'ordre de 50 USD pour un taxi avec 2 ou 3 arrets, 2 heures d'attente a Bint et retour a Tyr. Jack et moi, nous voulons etre libre de nos mouvements et allons faire comme les locaux et partager un taxi aller-simple a 5 dollars avec les menageres qui reviennent du marche de Tyr. La vie continue.

Kherbet Selem - 10 km apres Tyr, les immeubles effondres sous les bombes se succedent. Un soldat libanais se tient devant chaque maison detruite. Il faut empecher les enfants qui jouent et rigolent sur les trotoirs d'aller s'aventurer dans les ruines et de toucher des debris d'obus. Devant ces maisons detruites, des bannieres sur lesquelles on peut lire "Notre sang a gagne", "USA : ceci est votre democratie" ou encore des posters sur les abris de bus, places par le Hezbollah, en anglais cette fois "The divine victory". Ceci revet parfois un caractere un peu pathetique dans le paysage devaste.

Kounine - Bint Jbail, villages fantomes ou l'on trouve quelques libanais et quelques journalistes. Une inscription en arabe sur un immeuble en debris dit que "Nous avons ete forts dans la guerre, nous serons forts dans la reconstruction". La plupart des batiments ont ete construits il y a 6 ans, apres le depart israelien du sud-Liban. Autour de moi, on dit qu'il ne faudra pas plus de deux ans pour tout reconstruire, et ce sera meme en mieux. Les Israeliens ne purent jamais entrer a Bint Jbail, ils furent bloque a l'ouest et a l'est de sa peripherie. Pas un seul soldat de tsahal n'a pu rentrer dans la ville, donc les Israeliens l'ont rasee. Malgre l'ampleur des degats, il n'y aurait eu miraculeusement qu'une vingtaine de morts ici.

Monsieur Roger (non d'emprunt, un chretien libanais de Beyrouth qui a sa maison de "campagne" a Bint Jbail), nous fait visiter sa maison, situee dans la vieille ville. On rentre dans une piece living room, je me disais que jusque la, ca allait. Mais la deuxieme partie de sa maison est a ciel ouvert. Il est arrive il y a deux jours pour constater les degats. Il regrette de ne pas pouvoir nous offrir un the ou un cafe, comme le veux le principe d'hospitalite. Il nous en aurait bien offert, mais sa cuisine est inaccessible, recouverte de debris de beton arme. Au mur pendent encore les photos de ses deux fils. Ils sont aux Etats-Unis. L'un est docteur dans le Connecticut, l'autre mene des etudes d'ingenieur au New Jersey. Monsieur Roger n'aime pas le Hezbollah, mais il faut bien avouer qu'ils se sont bien battus. Le parti de Dieu lui a promis aussi 5000 USD pour la reconstruction de la premiere partie de sa maison. Les murs a l'interieur sont deja numerotes par les officiels du parti. Et l'etat libanais, que va't-il faire pour vous ? Jusque maintenant, on ne sait pas tres bien. Il y aura les fonds internationaux aussi, mais on ne sait pas encore quand et comment ils arriveront ici.

Canaa - Une parenthese, quand on y pense un peu, on marche la ou Jesus a foule la region un peu partout de ses saintes sandales. La ou tsahal a transforme l'eau en sang.

Une vingtaine de femmes en deuil sont venues se recueillir sur le lieu erige en mausolee, proche de l'immeuble 3 etages ou ont peri 25 enfants en juillet. Des petites chaises de jardin sont disposees. Sur chacune d'elle, la photo du petit disparu et un bouquet de fleurs. Moment de recueillement.

Des drapeaux libanais et des drapeaux du Hezbollah flottent autour du mausolee. Des tirs de roquette sont partis d'ici. Le resultat fut une punition collective.

Face a la loi du plus fort, quand ce dernier ne connait que sa propre loi, ne reste au plus faible que d'utiliser des moyens hors-la-loi. C'est ce qu'on apelle communement "terrorisme". Mais le plus fort a-t-il le droit d'utiliser des moyens hors-la-loi pour imposer sa loi ? Le pendant du mot terrorisme dans le droit du plus fort ne s'apelle-t-il pas "crime de guerre" ? Peut-etre qu'un jour des tribunaux se pencheront sur ce qui s'est passe a Qana. On peut toujours esperer.

dimanche, août 20, 2006

Syrie (2) : de Apamee a Beyrouth

Quelques photos d'un dernier developpement.

Souq d'Aleppo








Le pont sur l'Euphrate a Deir es-Zor, de l'autre cote, la Mesopotamie.

Vue sur la vallee de l'Euphrate entre Deir es-Zor et la frontiere irakienne.

Le desert syrien a Duro Europos.

jeudi, août 10, 2006

Syrie (1)

Hama, Syrie - Il y a parfois des moments dans mes etapes ou je ne parviens plus a bouger d'un iota, ecrase par une fleme pas possible ou par la chaleur, ou les deux. Halep (Aleppo) en fait partie, comme ce fut un peu le cas a Sarajevo. Je me suis refugie dans l'hotel al-kasr al-andaloos, literallement, le palais andalou. En terme de "palais", l'expression est un peu galvaudee, c'est quand meme un hotel typiquement moyen-oriental, pas dans les guides, un peu defrechi. Enfin, deja il y a pas de cafards, je m'en tire bien. Aux murs du patio, une sorte de crepi rose completement degueu, des tentures roses pas beaucoup mieux descendent du haut des portes. Dans ce patio, d'ou donne une mezzanine qui dessert les chambres du deuxieme etage, non occupees il me semble, deux irakiens glandent toute la journee. De vrais arabes du golfe, jamais un mot plus haut que l'autre, doux, tres discret. A mille lieux de l'image des enrages qui mettent l'Irak a feu et a sang apres le passage des americains. Il y a aussi Habou Rachid, qui m'a envoye porter mon linge a laver 3 rues plus loin avec comme mission de dire au blanchisseur que je venais de sa part, sous le ton de la confidence. Un vieux monsieur sautillant est la en permanence aussi dans le hall. Il recopie un bouquin en arabe, ou il prend des notes, je ne sais pas. C'est une personne de la famille. Il fait les cent pas devant l'ecran de television acroche a 2 metres de haut et me commente l'actualite en arabe. Apres 4 jours, malgre que je lui ai dit quelques fois que je suis belge, il me presente toujours comme etant australien. Au debut, je rectifiais "La, la, ana min belgica", maintenant, je laisse dire. J'ai des bouquins a lire. Et un oeil constant sur Al Jazzirah, et sur l'internet deux rues plus loin, sur l'evolution de la situation au Liban, car c'est pour cela que je suis ici a Halep. A savoir, attendre que cela se calme au Liban.

Mais que se passe-t-il dans la rue ? Est-ce dangereux ?

Au 3e jour, je me suis quand meme decide a sortir et a aller visiter cette bonne vieille ville d'Aleppo. Au coin de la rue xxx, un gars vend des DVD et des CDs de films, avec un appareillage de campagne, un petit ecran couleur et un lecteur branches je ne sais trop ou. La foule s'amasse regulierement a chaque nouvelle representation. Hier soir c'etait un petit film a la gloire du Hezbollah en boucle. On voit un attentat sur une place de village, les djihadistes, tous embusques, sortent des armes d'en-dessous de leur djellabahs et descendent des soldats israeliens. S'en suis une course poursuite de l'un des instigateurs de l'attentat poursuivi par des militaires israeliens, qui s'echappe de toit en toit et en descend grace a une corde a linge. Ca tient de la bouffonerie. Sous une musique typiquement syrienne et un chant bien entrainant pour casser de l'Israelien. Au tout debut j'ai vraiment cru qu'il s'agissait d'une pub pour le recrutement de djihadistes, mais ce n'etait qu'un film. En tout cas je donnerais cher pour jouer dans un film pareil, ils avaient l'air de bien s'amuser.

Ce soir quand je suis passe, il y avait a l'ecran des femmes bien en chair, tee-shirt trop court et jeans moule-fesse du meilleur effet je vous dis pas, qui faisaient "chouf chouf", expression typique pour designer une sorte de danse du ventre, les bras a l'horizontale, ici sur fond de paysages de desert montagneux. Et chaque fois cette foule qui s'arrete sur le trottoir, on ne peut que partir en souriant.

Une autre scene surrealiste en rentrant un soir tard dans mon palais andalou, un camion nettoyeur s'engage dans la rue juste au moment ou je la traverse. Il fallut de peu que je ne sois balaye par le jet d'eau. Car en fait de jet d'eau, c'est un veritable karcher qui est branche sur ce camion citerne. Il fait 10 metres ce camion. A la cabine du conducteur, a droite, un drapeau syrien flotte au vent, a gauche, le drapeau jaune du hezbollah. Le Hezbollah nettoie la rue au karscher, qu'on se le dise. Ca donnera peut etre des idees a Sarkozy.



Halep est une ville passablement hostile, surtout sous le soleil ecrasant. Les gens sont nerveux, meme pour eux il fait trop chaud. La circulation est dense, les klaxons continus. On se bouscule constament, on sue. Il ne faut pas oublier de boire, beucoup, tout ce qui traine. Les vendeurs de limonade au gingembre qui repose autour d'un bloc de glace. Boire aux fontaines des mosquees. Boire du the brulant, ca aide a surmonter la soif aussi. Le souq d'Halep est passablement frais, avec ses rue super etroites et ses "Khan" (anciens refuges de voyageurs, en general des batiments construits autour d'une cour-jardin). Les gens restent eveilles jusqu'a 2 heures, 3 heures du matin. A 4h30, le muezzin s'egosille pour la premiere priere de la journee, elle va etre longue.

Cette annee, il n'y a pas de touristes. Dans la fournaise de juillet et aout il n'y en a deja pas beaucoup. Mais cette annee, en plus, il y a les evenements au Liban. Pas beaucoup de possibilites de visiter les sites autour d'Halep en taxi avec d'autres touristes pour partager les couts. Et le faire seul, en transports en communs, j'en ai un peu marre de visiter des ruines seul. J'imagine aussi ce que ca doit etre, la, au milieu des ruines d'apamee ou dans les villes mortes en plein desert.

Heureusement il y a les hammams et les maisons de the ou on fume le narguile pendant des heures. Mais dans un cas comme dans l'autre il ne faut pas en abuser, une fois par semaine ca suffit. Et heureusement aussi, les Syriens sont conformes a leur reputation d'hospitalite et de gentillesse. Il est impossible de se sentir seul dans ces circonstances.

Il y a quelque chose qui ne marche fondamentalement pas en Syrie, le delabrement est perceptible a tous les niveaux. Prenez les telephones publics par exemple, je parle d'Halep, je ne sais pas si c'est pareil ailleurs. Mais toutes les cabines publiques sont depourvues de telephone. Alors je ne sais pas si ceux-ci ont ete arraches ou si ils doivent toujours etre places, j'en ai fait 40 plutot qu'une, mais partout pareil. Par contre j'ai vu des voitures superbes, de vieilles mercedes et des ancetres qui roulent toujours utilement. Les taxis pullulent et heureusement sont legers. A mon arrivee a la gare de bus, je ne m'etais pas rendu compte que l'un d'entre eux etait en train de me pousser la jambe tout en me roulant sur le pied. Il
me roulait dessus le con. Je pense meme qu'en faisant marche arriere il m'a roule sur le pied une deuxieme fois. On apprend a la longue a user de ce regard noir avec le geste indispensable qui consiste a joindre les 5 doigts en l'air.

Hama

Voila une petite ville que je recommande pleinement. On y mange bien, l'atmosphere y est tres paisible en regard d'Halep. N'importe quel habitant vous le dira. Les hotels sont plus que corrects a des prix hors competition. Et elle a un atout indeniable dans la mesure ou elle est traversee par une vraie riviere, avec de l'eau, c'est assez singulier que pour etre signale. Le long de cette riviere, d'immenses roues, des norias, brassent l'eau et la versent dans des aqueducs qui serviront a irriguer les cultures un peu en-dehors de la ville. Norias sur lesquelles des gamins jouent a se laisser remonter par les battants des moulins a eau et en sautent une fois arrives a 10 metres de hauteur. Avec cette effusion d'eau de partout, les moulins a eau, les fontaines et autres jets d'eau, regulierement, vous avez de minuscules bruines d'eau fraiche portees par le vent qui vous caressent tendrement le visage un peu partout au centre-ville. Ajouter a cela quelques parcs et cela donne a cette ville une allure d'oasis luxuriante au milieu du desert. Impression plus forte encore quand vous regardez au loin du haut de la colline ou il y a du y avoir un jour une citadelle. Quitte a attendre la fin des hostilites au Liban, c'est ici que j'attendrai quelques jours. Il y a moyen de faire une excursion au Krak des Chevaliers a partir d'ici ainsi qu'un chateau ismaelien, periode secte des assassins. Un autre jour si je suis toujours ici, il est possible de pousser une visite a Apamee, site archeologique majeur apres Palmyra ainsi que l'une ou l'autre des villes mortes a une cinquantaine de kilometres au nord.

Le lendemain, ce sera donc le Krak des chevaliers. Je passe les details historiques, toute bonne encyclopedie comme wikipedia.org est apte a donner de precieux renseignements.

La journee avait bien commence, en fait j'ai pris, une fois n'est pas coutume, une excursion et l'organisateur s'est rendu compte qu'il avait inscrit plus de gens qu'il n'y a de places dans la camionette. Je suis reste la sur le trotoir avec un couple de polonais.

On n'a pas perdu au change, une SUPERBE bagnole s'est amenee, une mercedes blanche immacule, avec le vieux sigle mercedes devant, le radiateur comme un juke box, interieur cuir, changement de vitesse avec un levier au volant, petite manivelle dans la portiere pour ouvrir les petites fenetres laterales, elle devait dater des 50's. Vraiment une superbe bagnole. Donc on monte, les polonais derriere, moi devant. Tout se passe bien pendant la journee, on recroise les autres qui n'en croient par leurs yeux. Ca frime, je fais le malin en discutant avec les gens, de toute facon, "ma" bagnole attend.

Au retour, atmosphere super chaude, super fatigue, je m'endors.
Au reveil, le polonais me demande si je peux demander au chauffeur, qui ne parle pas anglais, si il peut les deposer a la gare des bus pour acheter un billet pour le lendemain. Je me tourne vers le chauffeur, je lui sors un truc en arabe, il se tourne vers moi une seconde, je suis sur le siege passager. La, je vois le polonais qui tend le bras en avant avec sa figure qui se decompose. Le temps de me retourner vers l'avant, une bagnole quasiment a l'arret est a 3 mettres devant nous, plein freins, mais trop tard, l'emboutissement parfait et violent dans un bruit de tole effroyable. Pas de degats physiques, mais la bagnole est pas loin du sinistre total. Une femme a traverse la rue subitement d'apres la polonaise qui a vu la scene, la voiture devant a fait un grand ecart et a freine, et nous on est rentre dedans a pleine vitesse.

mardi, juillet 25, 2006

Grece

Une révolution a eu lieu en Grèce, sous la forme d'un soap opera. Chaque soir, sur la chaine de télévision la plus populaire du pays, un feuilleton met en scène la préparation d'un marriage entre un Grec et une Turque. On est quotidiennement tenu en haleine par les rebondissements, les affronts et mécompréhensions culturelles qui naissent entre les deux familles. Mais on sent bien que ce mariage en 46 épisodes, après toutes ces péripéties, aura bien lieu. Tout a changé en fait depuis le tremblement de terre qui a agité la Turquie et qui a vu une aide massive de la Grèce en faveur de son voisin. La tendance est à la détente, et ce feuilleton populaire en est bien entendu un témoignage.

Le deuxième fait rapelle la Grèce de toujours, ses Iles paradisiaques et en particulier celles du Dodecannese. Il n'y est quasiment pas une ile qui n'a pas ses églises et ses chapelles. Certaines de celles-ci continennent une vierge noire, à savoir l'icone de Ste Marie dont le visage a été noirci, de l'oeuvre des iconoclastes, la plupart du temps probablement sur place, et parfois lors d'un voyage forcé chez l'ennemi héréditaire ottoman. Cette dernière option me semble peu probable, mais soit. Ce qui est par contre tout à fait probable, c'est que beaucoup de ces icones sont revenues, par mer, seules, en pilotant leur barque à travers la méditérannée orientale. On voit d'ailleurs quelques tableaux dans ces églises et ces chapelles qui montrent l'icone (le tableau), debout sur une embarcation, approchant la berge devant un parterre d'ecclesiastiques rejouis de voir revenir leur Sainte Vierge.

jeudi, juillet 20, 2006

Makedonia

Appelons le pays par son nom, comme l'écrasante majorité du concert des Nations, et non "Skopje" ou FYROM comme on s'obstine à l'appeler en Grèce. De Nis a Skopje en train, on traverse les plaines arides du Kosovo. Je n'ai pas vu même un village kosovar de loin, je ne pourrai donc pas en parler. Ca m'a laissé tout le temps de penser à ce que m'a dit Dica à Nis : le Kosovo, que notre gouvernement ait l'intelligence de le vendre, au meilleur prix politique. A Skopje, j'ai croisé la route d'un des gars les plus sympas du monde, un kosovar. Un gars constament sur la route, de Westerlo où il fut un temps réfugié de guerre, à Istanbul, de New York à Kabul où il s'est engagé dans une mission de l'ONU. Il hait les Serbes comme la plupart de ses congénères. C'est parfois dur de naviguer entre ces différentes sensibilités...

Skopje est une ville étonnante dans la mesure où un centre commercial de 3 étages occupe le quart de la ville en son centre. C'est un peu anti-convivial. Le kilomètre de terasses alignées le long de ce centre, face à la rivière xxx, essaie un peu de compenser sans le faire vraiment.

Il y a un endroit en Macédoine où tous les Balkans se donnent rendez-vous, et au-delà. C'est l'endroit où les Serbes et les Croates passent leurs vacances en bon voisinage, on y trouve des Bulgares, et des Hongrois, des Russes. Cet endroit, c'est le lac d'Ohrid et son parc naturel. Il faut imaginer une sorte de Blankenberge, avec des églises byzantines plantées tout autour, quelques rares mosquées et des flots de touristes de l'Est avec les commerces qui conviennent. Les Hongrois font un plongeon de 15 ans dans le temps. C'est, ceci dit, un magnifique coin de terre, doux, au décors impressionnant. C'est moins cher que la Croatie, d'où le succès populaire.


dimanche, juillet 16, 2006

Nis, la Serbie

De retour chez l'un des peuples les plus "rock and roll" d'Europe, avec ce que cela comporte d'excès et de travers. Autant le faire rock 'n roll, je ne vous recommende pas l'hotel Athina en face de la gare de Nis. C'est le moins cher de la ville, 500 dinara, un bon 6 euros par nuit, attenant a une boite de strip-tease. Il m'a été renseigné après deux heures de recherche infructueuse par un tzigane sédentarisé qui comme il se doit a de la famille partout en Belgique, à Hoboken, à Haecht, à la gare du midi et à Liège. Six euros, c'est le montant que les "clients" paient pour la chambre le temps de la passe, mais on m'a fait un bon prix. Tous les autres hotels de la ville sont soit a 60 euro la nuit, soit ce sont les hotels de l'office étatique serbe du tourisme, tous en grêve depuis huit mois (sic). Ce qui est quand même gentil, c'est qu'un réceptionniste reste posté derrière le comptoir de la réception pour vous le dire. Il y a un bon business à faire en ouvrant des chambres d'hôte ou une pension clean entre 10 et 15 euros la nuit. Nis est idéalement placée sur la route des backpackers vers la Turquie depuis Belgrade, la Bosnie, la Croatie... Si il est réouvert d'ici-là, je conseille le "Centroturist hotel", situé au coeur du Parc Cair et près de la grande piscine municipale. Cet établissement a du potentiel...

Piscine d'ailleurs excellente, la première aussi de ma vie de nageur de km de brasse dont le droit d'entrée m'a été vendu au marché noir quelque cinquante mètres avant les guichets. comme la plupart des piscines des pays de l'ex bloc socialiste, elle est olympique, 50m, on est là pour le sport, sauf que depuis quelques années, il y a quatre fois plus de gens sur la terasse dehors que dedans, tout ce qu'il reste de sportif étant la tenue en maillot de bain. Les lunettes de soleil, ça fait déjà moins Matt Biondi. Et la chope 33 cl posée sur la table à côté du paquet de clopes élimine toute illusion. Disons-le, les mecs sont là pour mater les sirènes slaves qui passent en maillot de bain échancré.

Tant que je suis dans les lieux à recommander, j'ignore si ce qui suit se trouve dans un guide quelconque ou non, je n'en dispose pas. Tout d'abord, un restaurant de quartier, au fond de la rue Jeronimova qui est une voie sans issue. Les "Nisois" seront eux-mêmes épatés que vous connaissez cet endroit de cuisine traditionnelle serbe. Avec une bonne bière, ça fait l'affaire. Ensuite, au coin de la place centrale, à gauche de l'hôtel Ambassador (en grêve), il y a un bon bar. On a l'impression que c'est l'entrée des bureaux d'un ministère, et en fait ça l'est. Ce sont les locaux de l'ancienne télévision d'état locale, privatisée et rebaptisée "Belle amie" (en français) de mémoire. La buvette a été conservée avec son décors et son mobilier design des années 80 socialiste. C'est de façon très surprenante continuellement vide, mais le coup d'oeil vaut le coup.

Tout se trouve au marché noir, ce qui fait vivre les gens, c'est l'économie parallèle. Il y a douze ans à peine, le revenu mensuel moyen était inférieur a 30 dollars. Certains ont fait leur beurre durant la guerre. Des gens partis de rien se sont trouvés propulsés à la tête de fortunes considérables, fondues depuis. Il y a près de 50% de chômage. Loin de tout discours misérabiliste, les jeunes qui m'accueillent, la trentaine, me content les bombardements de 1999 comme s'il s'agissait d'un feu d'artifice un peu hors du commun. C'était un "show à l'américaine", les cibles étaient connues 24h à l'avance, même l'armée yougoslave avait le temps de mettre ses équipements les plus précieux à l'abri. "Ces trois mois furent les plus beaux de notre vie". Une fête permanente, les gens plus proches les uns des autres que jamais. Pas vraiment de pénurie ou même de rationnement, c'est au niveau psychologique que cela a été le plus dur. Et dans de telles circonstances, sans doute qu'un effet auto-protecteur, de fuite dans la futilité de la vie nocturne s'est mis en place chez une partie de la jeunesse serbe. Voilà une belle explication, néanmoins, il faut être en Serbie pour entendre des trucs pareils...

vendredi, juillet 07, 2006

Bosnie & Herzegovine

Uzice, Serbie - Hotel Zlatibor, chambre 911, c'est dans cette chambre au style socialiste post-moderniste decrepi, au tapis et murs tisses de ficelles couleur marron, des ampoules sortent des murs, le tout est d'un design cauchemardesque des annees 70, ne manque que la 9e de Beethoven sur des airs d'Orange Mecanique, c'est dans ce decor tout simplement hallucinant, que je vais tenter de me rappeler la Bosnie - Herzegovine (BIH - Bosna i Hercegovina) ou je viens de passer 10 jours sur mon chemin vers Beyrouth.

Tout d'abord, en Bosnie, on ne sait jamais tres bien en voyant les immeubles si ils sont a moitie demolis en raison de la guerre, si ils sont toujours en construction, ou si ils sont a l'abandon depuis 20 ans. Partout des bris de balles et d'obus, certains rebouches avec des briques oranges sur des facades en beton gris. Parfois rebouches au ciment, laissant comme des cicatrices d'une ancienne acne juvenile. C'est la premiere impression.

La beaute absolue de la nature compense quelque peu cette impression. Il y a ces paysages grandioses de l'Herzegovine, faits plutot de pierres et de steppes arides. On traverse parfois de veritables cirques lunaires, des plateaux encaisses au milieu de montagnes, la rare vegetation rappelant que l'on est sur terre. La Bosnie elle-meme est beaucoup plus verte, recouverte de forets denses. Par exemple entre Mostar et Sarajevo, les forets des versants montagneux donnent l'impression de plonger directement dans la Neretva. C'est ce qui doit donner cette couleur bleu turquoise pendant 100 km a la riviere.

Sarajevo

On vient d'un autre pays en traversant la republique serbe de bosnie (Republika Srbska). Le bus s'arrete loin, dans la banlieue est de Sarajevo. Il faut prendre un bus au terminal local pour aller dans la capitale de la BIH (contrairement aux bus venant de partout ailleurs de la federation croato-musulmane qui vous deposent au centre), alors que l'on vient du meme pays. Difficile d'ecrire beaucoup sur Sarajevo. Je suis reste terre 3 jours dans une pension de voyageurs, incapable de sortir, a boire et ecouter les gens qui passent. Il y a eu ici beaucoup plus de Serbes qu'a present. Certains se sont joints a la resistance pour leur ville quand l'armee serbe de Bosnie bombardait des collines avoisinantes. Beaucoup ont fui ou ont ete enroles de force. J'ai lu enormement et je me suis laisse dire a la pension que les vrais sarajevins n'avaient pas le moral. La Bosnie, c'est fini, l'idee d'une Bosnie ou cohabitent paisiblement trois nationalites, ce n'est pas pour demain. Sarajevo a ete repeuplee de paysans, surtout des villages musulmans suite a l'epuration ethnique serbe et croate. Sarajevo a perdu son ame.

Travnik

Ici ce sont les Croates qui s'en sont pris aux Musulmans. Il s'agit clairement d'une ville musulmane avec ses minarets, ses nıght shops ou on ne vend pas de biere. Ses snacks a Cevapi (variante balkanique du kebab) sous toutes ses formes. Sarajevo, Travnik, Mostar, Gorazde, toutes ces villes sont baties de la meme facon, le long d'une riviere, encaissees au fond d'une vallee, et facılement assiegeables depuis les collines avoisinantes.

Mostar

Comme a Travnik, les catholiques croates sont 'intervenus' pour secourir leurs freres menaces par les milices musulmanes, c'est ce qu'en dit l'histoire officielle croate. Un combat entre deux rives, lıees par un pont, le fameux ponts que l'on a vu etre detruit en direct a la tele sous les coups de mortier croate. Quel acharnement sur ce pauvre petit pont, son calvaire a dure sıx mois. On voit dans une expo photo les dıfferentes etapes de sa destruction. C'est typiquement fasciste tiens de vouloir detruire des ponts, eriger des murs et des frontieres. Une absence totale de confiance en l'humain. Quand on est a ce point peu sur de sa propre identite, c'est un moyen bien commode que l'on a trouve pour empecher aux gens de se meler et de coucher ensemble. Le risque d'avoir une generation de batards, vous voyez ? Au fait, de quelle ethnie fait partie la progeniture d'un slave du sud et d'une slave du sud ? Ha oui, orthodoxe, musulmane ou catholique.

La republika Srbska

Visegrad, la ou les paysans sont bas du front et rigolent sous la cape de ce qu'ils ont fait a Sebrenica et a Gorazde et ou Mladic et Karadzic signifient la paix... Je confirme que cet etat, la Bosnie-Hercegovine, est bien improbable, il y a eu trop de mal fait... Si l'eufor n'etait pas la il y a longtemps que les gens se mettraient sur la figure a nouveau. Ceci m'a ete confirme aussi par les serbes que j'ai rencontre en serbie, en tout cas les 4 ou 5 Serbes avec qui j'ai entame cette conversation. Les conditions economiques font que les gens n'ont rien trop a perdre non plus. Les musulmans sont pauvres et isoles, les croates s'en tirent encore grace parfois a l'aide de la famille de l'autre cote de la frontiere. Les Serbes sont considere comme la lie de l'humanite, meme par leurs freres de serbie. "Les Serbes la-bas ? ce ne sont pas les memes gens, d'ailleurs ce ne sont pas des gens...". ca me fait penser a qq chose. Je trouve que la Serbie s'en sort encore bien malgre tout. La Bosnie est la grande perdante de la fin de la yougoslavie.

(a completer et a modifier avec mes notes)

mardi, juillet 04, 2006

Voivodine

Novi Sad, Serbie - Le transit Slovenie - Croatie - Serbie se fait sans probleme de visa, il n'en faut tout simplement pas pour les citoyens de l'UE. Et c'est avec une deconcertante facilite que l'on passe entre les ex-republiques yougoslaves. Je n'ai vu de Belgrade qu'un hub. Les deux gares de bus principales sont tres proches l'une de l'autre ainsi que la gare centrale. Entre Belgrade et Novi Sad, ce sont des marais et des forets, des plaines qui viennent de Hongrie et du sud-ouest roumain, traversees par le Danube. Timisoara est a quelques heures de bus. Ca doit etre cela, la Voivodine, cette vaste plaine. Novi Sad n'est pas vraiment faite pour le tourisme. J'ai parcouru toute la ville a la recherche d'un logement abordable. Au bord du desespoir, je croise deux personnes qui parlent francais. Je me jette dessus. L'une d'elles travaille au centre culturel francais de Novi Sad et me dit qu'en face de chez elle, un resto possede quelques chambres mais elle n'y est jamais alle. Elle maitrise le serbo-croate ce qui tombe bien. En entrant dans le resto, je me suis apercu qu'il y avait tout ce qu'il fallait pour passer une bonne soiree : des murs remplis de bouteilles de vin, une tele dans un coin avec du foot et des grillades yougoslaves. Ce soir-la, c'est Allemagne - Italie en demi-finale de coupe du monde. Au premier goal italien dans les prolongations s'elevera une clameur generale dans le restaurant. Au second goal, par Del Piero, on dansera brievement. Et tout cela n'est pas par sympathie pour la squadra azzura, mais bien par haine pour l'Allemagne. C'est ici que je m'installerai.

En quelques jours, j'integrerai la famille qui gere l'hotel, finissant a leur table et salue par les visiteurs comme si je faisais partie de la famille en quelque sorte. L'un des murs du restaurant est couvert de medailles, de trophees et de diplomes. La serveuse, Isabella, d'origine hongroise, a ete en effet une grande championne de judo, regionale, championne nationale en categories d'age du temps de la grande Yougoslavie. Il y a ensuite son petit ami, la quarantaine, Serbe de Bosnie, qui a fait la guerre et qui en sera marque a jamais d'apres Sofja, la fille ainee de la famille. Il ne daigne recevoir la moindre injonction de cette derniere. Seule la mere, nee en Croatie, a de l'authorite sur lui. Aller en Croatie avec une plaque serbe est sinonyme de degradation, griffes, pneux creves. "Nous les Serbes, on est detestes partout". A Novi Sad, la population est majoritairement serbe. Dans le reste de la Voivodine, la majorite a une identite hongroise. Deja les conversations vont bon train sur un rattachement de la Voivodine a la Hongrie, ou d'un etat independant, un etat confetti de plus dans l'Europe de demain. Et peut etre de nouvelles catastrophes en perspective ? Les Serbes semblent vraiment etre a bout de souffle concernant la moindre revendication territoriale. Un jour, la mere de la famille, matronne du restaurant, me fait dire par son fils, alors que je passais par la cuisine, que j'etais quelqu'un avec de bonnes manieres et que ca se voyait. Je ne sais trop comment interpreter cette declaration subite.

Un soir, attable au restaurant avec deux hotes d'un soir, la table d'a cote est occupee par un gars, style cammioneur avec qui on a pas envie d'avoir de problemes, on lui sert de la Slivovice (alcool brandy a 40%) a volonte et des canapes pour la faim, il n'y touche pas. Six musiciens tziganes l'entourent. Ils sont types indiens, il n'y a aucun doute, ce sont de vrais tziganes. Le musicien a l'accordeon assis a 50 cm de lui, lui chante des chansons a faire rire et pleurer en meme temps. Parfois, il leur glisse un billet de 100 dinars et cela continuera pendant des heures. Une femme a oublier, un deces a pleurer, la simple nostalgie dramatique slave (du sud) qui fait partie de la vie de tous les jours. Quand la musique s'arretera, il s'en prendra verbalement a Ben en serbe, l'anglais a la meme table que moi, sans raison apparente. Il est temps de sortir.

Il y a par hasard a Novi Sad, un festival de musique pop-rock, sur le site de la citadelle Petrovardian. L'EXIT FESTIVAL. C'etait la 6e edition. Les tetes d'affiche sont dignes de celles des festivals a l'ouest. La ville est prise d'assaut pendant ces quelque 4 jours par les Anglais, les Irlandais... 150.000 personnes participerent cette annee a cette edition. Il y a 7 ans cette ville etait encore bombardee par l'OTAN. Et c'est justement de l'autre cote du Danube, au-dela des quatre ponts detruits par les bombardements qu'a lieu le festival. Le nom du festival a ete donne pour dire "Exit Milosevic", sortir de l'ere Milosevic. C'est donc une tres bonne idee que ce festival. Etant donne les echanges entre les jeunes serbes et etrangers, c'est un investissement a long terme pour la ville de Novi Sad, pour la Voivodine et pour la Serbie toute entiere.

samedi, juillet 01, 2006

Metelkova Mesto

Ljubljana, Slovenie - Je reviendrai combler les trous plus tard entre ma sortie d'Iran et mon arrivee en Slovenie. A partir d'ici, je donnerai la priorite a un fait ou un element particulier plutot que de viser l'exhaustivite de ce que je vois.

Le quartier de Metelkova est constitue d'anciennes barraques militaires yougoslaves. C'est aujourd'hui un repere pour jeunes artistes et/ou rebelles plus ou moins riches. Ca fait toujours sourire les slogans muraux du style "prendre l'argent aux capitalistes" qu'il faut traduire sous la main de l'auteur, parfois, par "prendre l'argent a papa". Ce qui deviendra "prendre la place de papa" dans quelques annees. Le quartier est couvert de ce genre de tags. Treve d'ironie. Ces barraques militaires sont reconverties. Ici une auberge de jeunesse, la des ateliers, plus loin des squats. Ce quartier est aujourd'hui menace par plusieurs projets immobiliers, cela fait 10 ans en fait qie regulierement les promoteurs reviennent a la charge, mais a chaque fois, la mobilisation, au-dela des cercles artistiques, fait que ces projets sont remis sine die. Je pense aussi que le confinement de tout ce que Ljubljana comporte de rebelles, de marginaux, de drogues (l'heroine fait des ravages) et de fauteurs de trouble en un seul lieu, ou une seule zone arrange bien la majorite des habitants paisibles de la capitale slovene. Il y a un aspect "plaine de jeu" a Metelkova, et une fois passe les "jongleurs de chaussette" en dreadlocks et autres spacs (sales punks a chien) etales par terre au milieu de canettes de Pivo Svetla 4,9% d'alcool, on peut aborder les ateliers, veritables centres de recherche artistique. Cela part dans tous les sens. Assemblages de metaux heteroclites, grandes mosaiques inspirees de l'art bysantin, photographie, peinture, sculpture, compositions, recherches architecturales... Tout ceci ne serait pas pareil sans cette atmosphere crypto-anarchiste qui baigne le quartier.

Les vendredi soir le quartier est envahi par la jeunesse de Lubljana et des environs et par les back-packers de passage, dont certains y ont une residence quasi permanente. Ou improvisent un petit concert sur le tarmac au milieu de la nuit, par exemple ce Francais et ce Polonais, amis de toujours, qui revenaient de Katowice pour Florence en passant par toutes les villes ou il y a moyen de faire la manche. Mais ce soir la, c'etait concert gratos pour une dizaine de personne a tout casser, un talent musical incroyable, tout y passait. Certains etages de batiment se transforment en disco-bars hyper-tendance evidemment. Il y a aussi quelques bars permanents, fait de brics et de bracs. Dans l'un deux, j'observais des posters de LAIBACH, groupe punk industriel slovene, nom en allemand de la capitale slovene. Toujours le sens de l'image forte : "Erste bumbardierung uber um Deutschland" sur une photo en contre-plongee des membres du groupe bras croises regardant vers l'horizon sous des grappes de bombardiers americains. Des posters de tournee dont le "1984, Belgrade, Ljubljana, Zagreb" ou encore le "NATO occupied Europe tour 1991".

Plus loin un drapeau de la Yougoslavie frappe de son etoile, a proximite d'un montage photo du visage de TITO, la moitie en president, l'autre, le jeune Tito en Partizan pendant la guerre. Ha que ca devait etre cool la Yougoslavie. Il y a encore une certain consensus aupres d'une partie de la jeunesse non abreuvee de coca-cola et de consumerisme, dumoins pas en public, que le communisme a la sauce yougoslave etait soft. Il etait permis de l'ouvrir, d'ailleurs essayez seulement d'empecher un Slovene de parler. C'est ce criminel de Milosevic qui a tout foutu en l'air. Enfin, j'ai peur d'aller demander l'avis de l'homme de la rue, la-bas, au centre-ville, je serais probablement trop decu. J'ai reconnu le clavieriste de Laibach. Je l'avais vu en concert il y a quelques annees au Botanique a Brusel. Le gars en bottes et pantalon a cuisses larges, en costume oustachi ou on ne sait quoi de provocant qui monte sur la scene et la traverse les mains derriere le dos et va prendre sa place derriere son clavier en attendant de commencer l'execution dont on ne sait quoi d'obscur. De joyeux fous, salutaires pour la societe.

Liens :
http://www.nskstate.com/ projet de citoyennete internationale
http://www.metelkova.org

samedi, mai 13, 2006

S'échapper de l'Iran

Tabriz, Iran - Les Iraniens m'aiment tellement qu'ils ne ne veulent pas me laisser quitter le pays. Trois heures de psycho-drame au poste frontière iranien à Astara n'y ont rien fait. Je dois posséder un visa azeri dans mon passeport pour me présenter au poste frontière de l'Azebaidjan, 50 m après la sortie du batiment qui fait office de poste frontière terrestre. Curieuse ville que Astara. Une ville coupée en deux par des grillages de 3 m de haut, garnis de barbelés, et interrompus par quelques miradors. On sent néanmoins que cette frontière est friable, qu'il doit y avoir maints traffics en tout genre dans les caves, la nuit, avec la bénédiction ou non des garde-frontière. Il faut traverser un terrain vague au fond d'une ruelle couverte de boue pour se présenter aux douaniers. Mais je ne suis que touriste, et malgré ma lettre d'invitation azerie, malgré que mon contact à Bakou m'a répété que pour un citoyen de l'Union Européenne, il n'y a pas de problème pour obtenir le visa au poste frontière, la douane iranienne décide des règles douanières applicables pour d'autres pays. Enfin, j'exagère un peu, sans doute que cet état de fait est-il conséquent à un accord entre les deux pays. Celui qui emprunte les frontières terrestres comme cellle que j'ai pu voir à Astara, observera que les gens qui y transitent sont des ouvriers, des paysans, le peuple. Je fais la grève dans le hall de sortie de la douane. Les douaniers ferment toutes les issues, il est 19H, la frontière ferme. De la mezzanine en haut, des soldats invisibles s'amusent à m'imiter en criant que eux aussi ils veulent aller en Azerbaidjan.

Retour Tabriz


Bureau des affaires étrangères à Tabriz, Iran - Tout se passe au deuxième étage. Une femme sort du bureau en pleurant. Elle se tient le sein gauche. Ca va mal. Je rentre. Une Turque explique son cas à l'officier, et cela n'a pas l'air commode. de l'autre côté du bureau, le commandant de fonction semble écouter attentivement ce qu'elle dit. Tout est vert dans cet office. Les stores sont verts, les vitres qui séparent les bureaux sont vert-eau. Même la chemise du commandant est verte. Et lui-même a le teint vert. Les autres couleurs sont neutres : les boiseries et le gris des dalles par terre. Le téléphone est rouge, seul point de couleur chaude de la pièce.

- Salaam Aleikoum !
Le commandant vient de décrocher une nouvelle fois et donne ses instructions avec autorité. Un commis entre à plusieurs reprises. Il vient parler à l'officier avec un sourire qui veut dire : "Oui, je suis stupide, pardonne-moi Commandant, dis-moi ce que je dois faire". C'est tout juste si il ne fait pas une courbette à chacune de ses entrées. Il y a un proverbe iranien qui dit quelque chose comme : "Si tu ne peux mordre la main qui se tend devant toi, baise-la en attendant que le ciel, dans son incommensurable bonté, n'inverse peut-être un jour les rôles". Et j'ai vraiment l'impression que toute la fellonie ou le pragmatisme de ce proverbe, se trouvent dans l'expression du commis. Le commandant répond, son sourire est sarcastique, son ton semble dire : "Tu n'es vraiment qu'un imbécile mon ami, fais ceci et fais cela et disparait de ma vue". C'est au milieu de ce dialogue en maitre et servant qu'un Français vient s'installer sur mon invitation auprès de moi. Il vient du Pakistan et est là pour demander également une prolongation de visa. J'en suis à ma deuxième prolongation après le visa de base. Et on n'aime pas cela en Iran et nulle part d'ailleurs. C'est suspect. Pourquoi ce type avec un visa de 7 jours non-prolongeable à la base vient demander une deuxième prolongation, ici dans mon bureau, à Tabriz. C'est pour m'attirer des ennuis à Teheran si quelqu'un s'en apperçoit, doit se dire la petite voix intérieure du commandant. Après un délai de réflexion, il m'accorde ce privilège et nous fait payer tous deux les 10 dollars requis, je pense que la présence d'un autre touriste a facilité les choses. A l'enlèvement du visa quelques heures plus tard, le commandant nous demande 3 dollars en plus et montre qu'il s'agit des "frais de dossier". Je m'insurge. Il nous dit que que quoi, nous sommes touristes, que nous faisons tomber les dollars en cascade, et quoi ? Je lui fais comprendre que mes dollars servent à payer les hotels, les taxis, le manger et la culture iranienne, pas la police. Depuis Astara, je suis déterminé à ne plus rien lâcher, même sur des montants dérisoires. Et je lui montre que je n'ai pas un rial pour lui. Le backsheesh tombe de 3 dollars à 30 cents. Mon collègue français "avance" l'argent pour moi. Le commandant me demande de lui rappeler ma nationalité, je lui dit que je suis Français pour rigoler. Et le voilà en train de maudire tous les Français du monde devant les yeux choqués de mon bon samaritain. Visa prolongé en main, il faut que je quitte l'Iran, c'est maintenant une nécessité. Je n'attendrai pas le bus de nuit qui relie Tabriz à Yerevan en Arménie.

Une frontière comme la frontière irano-arménienne, ça doit se faire à pied. Et en taxi. Chauffeurs de taxis, bandits, voleurs, vous ne m'aurez pas. Un premier m'a emmené de Tabriz à Jelfa. Il m'avait promis Noghdooz, à la frontière. En cours de route c'est devenu Jolfa, à 60KM de ce qui avait été convenu. Et bien tiens, je retranche la moitié du montant qui a été convenu, et tu as beau t'énerver et ameuter tous tes potes de Jolfa, c'est égal. de Jolfa à Naghdooz, c'est plus compliqué. Un taximan iranien, ou plutôt azeri, professeur de volley-ball, de tae-kwan-do et de karate, style armoire à glace, me prend en charge. Il me promet un terminal de bus qui n'existe pas et m'emmene vers Naghdooz. Beaucoup plus difficile de négocier. Il crie dans mon oreille, il me fait des tappes dans le dos à vous mettre la tête dans le tableau de bord. Ou alors des coups de coude dans le biceps à vous donner des bleus. Le tout avec un grand sourire. "Iran good hein ?!". Paf ! Un militaire pris en route déclare forfait et se fait débarquer 10 km plus loin. Les paysages sont splendides ceci dit. De la montagne, on longe une rivière. L'azerbaidjan est sur la rive gauche. Et l'Arménie devant nous. L'Arménie, que j'ai coeur d'y arriver en ce moment précis... Dix kilomètres avant la destination, après je ne sais combien de coups sur les biceps et sur l'épaule, le chauffeur me débarque à mon tour. Je ne suis pas assez communicatif. Il arrêtera deux camions. Le premier l'envoit au diable. Le second s'arrête et demande d'où je viens. Le con répond que je suis Français. Le cammioneur fait mine de continuer, je gueule de désespoir. Intrigué, il s'arrête quand même. Je monte finalement dans son camion. Le camionneur, un gars de Tabriz, rigole et me fait comprendre qu'ils sont tous fous dans le coin. Il s'attire évidemment ma sympathie. Je lui montre que je veux lui payer pour le trajet, mais il n'en est pas question. Après quelques lacets dans les montagnes et des côtes péniblement montées en première vitesse, il me débarquera au poste frontière de Naghdooz, enfin. Le jour tire vers la fin.

Les photos de mon appareil digital seront revues au crible. Personne ne franchit cette frontière à part des camions, à la limite quelques Azeris et quelques Russes perdus, ce que d'après mon aspect j'aurais pu être à la limite, or je suis Belge d'après mon passeport. La rivière Aras Rud constitue la frontière naturelle entre l'Iran et l'Arménie. Un pont de deux cents mètres sépare les deux pays. Au milieu du pont, à pied, je me retourne, pour me recueillir et regarder une dernière fois la république islamique sous le coucher de soleil. Je vois encore ces deux soldats iraniens, à 100 m, faire des bonds et de grands signes de ficher le camp et de surtout ne pas me retourner. Voilà qu'il y a cinq jours, leurs collègues ne voulaient pas me laisser partir d'Iran, et qu'eux me forçaient à partir en courant. A l'autre bout du pont, une cabane, je surprends les deux gardes, l'un a le look slave, cheveux blonds rasés, yeux bleus. L'autre est brun, grand, teint blanc aspirine et la mèche soigneusement rabattue sur le front. Je viens de passer une rivière qui sépare deux planètes. Ils n'ont visiblement jamais vu un touriste occidental passer là à pied. Surpris mutuellement, nous rions de bon coeur tous les trois.

mardi, mai 09, 2006

Récit de voyage à travers l'Iran

C'est bizarre quand même ces gens rencontrés. Un physicien français d'origine algérienne, venu suivre une conférence à Téhéran. Un employé d'une centrale nucléaire en Suisse... On plaisantait avec des compagnons d'un jour sur un nouveau style de tourisme particulier et nous avons d'ailleurs rebaptisé notre tour le "Iran uranium enrichment tour 2006". J'avoue que ça fait parfois du bien de partager un peu de route avec des compagnons de voyage, après des mois d'isolation quasi totale.

Déjà à Shiraz, j'ai rejoint une autre route de voyageurs, celle qui descends de l'Europe par la Turquie et qui va rejoindre le Pakistan puis l'Inde et le Nepal. Dans la cour de l'hotel Zand, un anglais retape une Royal Enfield qu'il a été chercher en Inde et qu'il remonte vers les Iles.

Les routes se croisent. Dans cette chambre commune à Isfahan, les voyageurs arrivent, d'autres partent. Ils ont tous des histoires à raconter, tel ou tel pays traversé. Du Nepal, du Pakistan, de Turquie via les Balkans. Les routes sont classiques. Pour ceux qui viennent de l'ouest et du nord, l'Iran constitue un choc culturel. Pour ceux qui viennent du Pakistan ou du sud, l'Iran paraît presque "cool" et tolérant.

Voici Masaki, un Japonais qui ne dira pas un seul mot pendant les 24h qu'il sera dans cette chambre commune. Il est malade comme un chien. Une semaine plus tard, je le verrai souriant et affable, parlant au milieu d'autres japonais dans une guesthouse de Téhéran. Contraste frappant. A Isfahan, il a été pris en charge, conduit à l'hôpital par Sakiko, arrivée en plein milieu de la nuit. Un immense courage, elle voyage seule autour du monde, cela lui prendra un an et demi ou deux. Je reverrai Masaki et Sakiko avec une bande de Japonais par pur hasard à Erevan, en Arménie. La gare de Erevan était fermée, je me suis installé dans le jardin d'un bar-restaurant dont les arcades donnent sur la place devant la gare. En sirotant ma bière russe, j'ai vu cette bande arriver et j'ai été à leur rencontre, retrouvailles et étreintes comme si nous nous connaissions tous depuis des années.

Avec 5 européens et Sakiko, on a joué à "Groupe de touristes" à Isfahan. Samuel, un Suisse allemand, le leader le plus soft du monde, l'anti-leader, mandaté par le groupe pour nous guider tous les 6. Il faut s'imaginer ce que c'est de mener un groupe pareil, tous les plus indépendants les uns que les autres. Le groupe sera vite réduit à deux, le leader et moi, par cascade d'abandons et de pertes de troupes. Voir photos d'Isfahan dans l'album Iran.

Sans entrer dans les détails, les lieux visités sont la Jameh mosque, mosquee bleue resplendissante comme on en trouve pas mal en Iran. Le square Emam Khomeiny, l'une des plus grandes places du monde, le palace "Shehel sotun" (palais au 40 colonnes) et surtout les ponts qui enjambent le Zayandeh, 5 ou 6 ponts, oeuvres architecturales qui figurent sur la plupart des dépliants touristiques. Fin au nargile sur une terrasse surplombant le square Emâm Khomeiny avec comme d'habitude un tas d'interaction avec des habitants locaux. Je revois aussi des têtes rencontrées à Shiraz et Yazd. Le lieu est bien connu des gens d'Isfahan pour celui qui veut exercer son anglais.

Kashan

Je me laisse conduire par le labyrinthe de petites ruelles, scène quasi identique à la vieille ville de Yazd en nettement moins touristique. Je tombe sur une série de trois villas rénovées et n'en visiterai qu'une, la Khan-e-Tabatabai. Apparemment les deux autres sont carrément en pleine rénovation et cela ne vaut pas la peine de les visiter. Encore là, une dizaine de bus déversent des flots de visiteurs iraniens. Plus loin, je visiterai un splendide hammam. Une Iranienne, guide d'un groupe de touristes parlant farsi, viendra me dire qu'il s'agit de la pièce majeure de la ville. Je passerai ensuite à Qom et enfin, Téhéran.

Tehran

Que dire de Téhéran à part qu'on y est facilement déboussolé. Pas vraiment une ville accueillante. Gigantesque en superficie, malade de sa circulation comme tant d'autres. On ne vient pas à Téhéran pour se relaxer. Un truc curieux, plus flagrant qu'au Caire par exemple, l'organisation des rues en types de commerce. Mon hôtel se trouvait dans le quartier des pneus et des accessoires automobiles. Plus loin, le quartier des accessoires électriques, les internet café tous dans la même rue, ce qui n'est guère pratiques. Imaginez une explosion de gaz qui rase un quartier, et plus de tournevis pour toute la ville ou plus de poignées de porte (gauches). Le souk de Téhéran, un immense labyrinthe, parmi les souks les plus impressionnants depuis le début de mon voyage est organisé selon le même principe. L’hôtel Mashhad, Amir Kabir st., est occupé par des Chinois, qui sont là depuis un mois. Une autre chambre abrite quatre Pakistanais. Si j'étais resté un jour de plus, c'est là que j'aurais déménagé, mais j'ai lié trop tard connaissance avec "Mister Qasr" de Lahore. On a passé une soirée à écouter les oeuvres musicales d'un iranien pianiste qui était là et membre d'un groupe de musique traditionnelle iranienne. Cet hôtel est manifestement connu des backpackers radins (comme tous les backpackers), et surtout, sur la route des Japonais. Masaki dont il est question plus tôt, un autre Japonais qui a traversé l'Asie en vélo. Et alors juste avant que je ne parte, Oli que j'avais rencontré à Isfahan, a débarqué. Dans son style de contradicteur rigide ne concédant pas au cycliste japonais qu'il était possible de monter par paliers de plus de 500m lorsque l'on marche ou l'on roule en montagne, sans avoir de maux de tête ou de nausée. Saturi disait que oui, vu que plusieurs amis l'ont fait. Oli répliquait que ce n'était absolument pas possible et même pas envisageable, sous les fous rires de l'assemblée. Un hall de gare cet hôtel.

Je ne pourrai laisser Oli qui a fait des kilomètres dans Téhéran pour trouver cet hôtel et nous iront manger dans un resto qui fait office de fumoir au-dessus d’un hôtel occupé par des Iraniens en nombre. Les conversations iront bon train avec une bonne moitié de la clientèle de l’établissement, notamment deux employés des mines de cuivre du nord-ouest, conversations entrecoupées par un gars, cheveux noir bouclés et quasi édenté, qui revendiquait qu’il était Oussama Ben Laden. Des bus depuis Téhéran pour tout le pays il y en a « everytime » comme dira le patron sympa de l’hôtel. Je prendrai le mien pour Mashhad, 15h de bus au programme, vers minuit. Voir par ailleurs sur Mashhad.

Mashhad – Gorgan – Sari – Rasht

J’ai appris en quelques mois à repérer les marchands de tapis à 5 kilomètres et à les décourager avant même qu’ils m’approchent. Mais là, j’avoue ne pas l’avoir vu venir, Vasil. Un père de famille qui m’a présenté la chose comme quoi il avait une heure à tuer pour exercer son français et si j’ai le temps, parler un peu avec son fils en français et en anglais. On échange un peu de français contre un peu de perse etc… Vasil a voyagé étant jeune, en Suisse, à Londres, en France… Bon ok, tout cela est bien sympa, mais ça s’est quand même terminé dans son magasin de tapis via un nombre incalculable de détours chez ces potes marchands d’encens et autres pierres bleues de Mashhad, comme par hasard.

Dans le bus entre Mashhad et Gorgan, il n’y avait pas 45 marchands de tapis, mais il était singulièrement communicatif. Pour peu, j’avais des adresses et des numéros de téléphone pour loger et être invité à manger dans des familles jusqu’à Astara, frontière de l’Azerbaïdjan. Le bus traditionnel avec ses deux Afghans taciturnes et son militaire en permission, qui file dans la nuit.

Gorgan by night. Descente de bus, Gorgan, 1H du matin. L’hôtel renseigné dans mon guide a été démoli. L’autre guesthouse de la ville est soi disant complet, je pense qu’il n’accueille pas d’étrangers. Je tue le temps dans une échoppe à kebab, et l’idée fait son chemin de prendre le bus suivant pour aller plus loin. Un chauffeur de taxi, toujours bon à vous prendre par les sentiments, m’indique qu’il peut m’amener à un hôtel à dix dollars la nuit. On passe deux contrôles policiers en dehors de la ville. Je vois la devanture de l’hôtel. Il affiche 5 étoiles… Pour le fun, j’emmène le chauffeur avec moi à la réception – 75 dollars la nuit – histoire de lui demander en public si il se fout de ma tête. Inutile de dire que cet épisode a encore une fois rehaussé l’estime que je porte aux chauffeurs de taxi (je sais, il y a des exceptions…). Retour gare de bus. Je le plante là.

Entre Goran et Sari, lever du jour aidant, je me rends compte que le paysage a fort changé depuis les paysages poussiéreux de l’est du pays. Tout est à présent vert intense et humide. Il pleut sans arrêt, une bruine déversée par des nuages qui épousent les vallées. On pourrait croire à un paysage des Ardennes belges. A Rasht, la Mer Caspienne se déverse par le ciel. Impression de gris boueux encore plus présente à Astara quelques jours plus tard.

A Rasht, l’hôtel dans lequel je me trouve ressemble plus à un asile de fous qu’à un hôtel. Ca y est, je l’ai trouvé mon asile. J’ai l’impression que les hôtes y sont de façon permanente. Va-t-on m’y enfermer à mon tour ? De longs couloirs blancs devant une rangée de 20 portes, à chaque étage. J’essaie de remonter le niveau de l’ambiance en proposant mon thé. J’irai acheter du sucre, il n’y en a même pas en cuisine. Un type m’arrête dans les escaliers, il me demande « 10 khomeyni » (10000 rials). Je le regarde étonné et je lui dis « non ». Il me dit « demain ». Et le regard vide, il continue son chemin d’un pas hyper lent. J’aide le réceptionniste à réviser ses cours d’anglais. Un gars très nerveux descend, il tousse comme un cancéreux entre deux bouffées de cigarette. Ca entre et ça sort à la réception, trois azéris iraniens passent et extraient dix mille tomans (10 euros) de leur liasse impressionnante de billets, de l’épaisseur d’un bottin téléphonique, pour payer leurs deux dernières nuits. Les hôtes sont tous plus bizarres les uns que les autres.

De Rasht, je fuirai bien vite vers Qazvin, base pour explorer les montagnes Alborz, région où sont implantés les châteaux des Haschischins, parmi les plus beaux paysages d’Iran.

Le plus connu des châteaux est celui qui se perche juste au-dessus du village d’Alamut. Il a été le siège de cette secte ismaélite du XI siècle AD, les Haschischins, dont on dit qu’ils étaient élevés dès leur plus jeune âge dans l’optique d’en faire des tueurs fanatiques. Opium, haschisch ou simplement fanatisme et promesse d’un paradis où ils seront entourés de jeunes femmes vierges, les avis divergent quand aux motivations et moteurs de ces tueurs frénétiques. Ils ont semé la terreur aux quatre coins de l’orient et seront massacrés où qu’ils se trouvent par les Mongols avec l’aide, ou au moins la bénédiction, des populations locales qui voyaient en eux un danger plus grand que celui apporté par les Mongols, c’est dire. On dit ils aussi qu’ils sont les fondateurs du terrorisme moderne. On retrouve par exemple la rhétorique du paradis promis aux kamikazes dans les écrits d’Al Qaeda. Ce château à Alamut a une histoire qui a survécu à la bande de criminels de Hassan Sabbah, le chef local des Haschischins, à savoir qu’il a servi de lieu de repli pour les bandits de grands chemins de toute la région du nord de l’Iran. Cette citadelle offrant à chaque fois aux insurgés un lieu quasi imprenable par les autorités officielles au cours du Moyen-Âge. Un vieil Iranien vivant à Londres, en visite au pays, tout fier avec sa jeune femme prof de gymnique (mon correcteur me dit que fitness est un anglicisme), rencontré sur les ruines du château d’Alamut me dira qu’au cours des siècles, les autorités ont fait murer les accès au château lui-même et que ce que l’on visite actuellement n’est qu’une aile de ce château dont la majeure partie serait recouverte de débris de pierres et d’humus.

Je ne sais pas si ce sont les fantômes des Haschischins qui les inspirent, mais les deux gardes au sommet, là, sont de grands enfants. Après m’avoir servi le thé, l’un deux sort une catapulte de sa cabane. Très vite, on se met tous les trois à tirer à tour de rôle sur des petits objets placés à 10 m. Une boîte d’allumettes, un caillou, un bout de bois… Je mets un dollar sur la table. Le gars les aligne et les propulse dans le vide avec une précision diabolique.

Le lendemain matin, le retour vers la vallée se fera selon la bonne vieille technique de la descente en rouler-débouler du sommet vers le bas. A savoir : prendre tout ce qui descend au vol. Tout avait pourtant bien commencé, un bus régulier à 6h du matin, le seul de la journée vers la vallée, devait nous prendre avec les locaux vers Qazvin, 100km et 4 heures de lacets dans les montagnes. Après une dizaine de kilomètres, je me rends compte que j’ai oublié mon téléphone portable à la pension du village d’Alamut. Damned. J’arrête le bus et me voilà contraint de remonter au sommet. Si j’avais su que quelques jours plus tard, il volerait en éclats sur un poste de douane iranien… Heureusement, un motard passait par là et m’a gracieusement remonté au village. C’est là qu’intervient le rouler-débouler. Deux pick-up Toyota avec des paysans dans la benne et un taxi partagé à cinq me ramènent à Qazvin.

Dans le bus, j’ai laissé Evan, un Norvégien rencontré au refuge, qui passe quelques jours de vacances en Iran. Il est basé en Syrie pour apprendre la langue arabe. Ce mec a défendu son ambassade à Damas en janvier lors de l’affaire des caricatures de Mahomet devant une foule amassée. Porté par des potes syriens, il a tenté d’expliquer à la foule en arabe pourquoi il ne fallait pas s’en prendre à cette ambassade et il a visiblement réussi à pacifier l’atmosphère. Dans l’urgence, on n’a pas pu se laisser nos coordonnées, on se trouvera peut-être un jour à Damas, incha’allah.

Petit épisode paranoïaque à Qazvin

J’ai un peu de temps devant moi à Qazvin. Mon train de nuit, pour Tabriz, part tard. Une après-midi à traîner. Je suis tellement en confiance en Iran que je ne demande plus les prix depuis longtemps avant de manger, boire, tout le monde est réglo. Le gérant d’un snack m’arnaque, me demande l’équivalent de 4 euros pour 3 morceaux de viande hachée grillée, un bout de pain et une limonade iranienne. Le tout ne peut pas faire plus d’un euro et demi et encore. On s’engueule, je lui laisse l’équivalent de 2 euros et basta, je m’en vais en lui disant que si il insiste, on va aller dire bonjour ensemble chez nos copains les flics à la caserne 50m plus loin. Je n’en ai évidemment pas la moindre intention, mais par hasard ça se fera.

En sortant, j’engage justement la conversation avec le garde qui m’avait fait de grands signe amicaux lorsque je suis passé devant la première fois avant d’arriver au snack. Dans la conversation, je lui parle de ce qui vient de m’arriver et lui demande si c’est bien normal. Je ne sais vraiment pas ce qui m’a pris. Il me dit de rester là et appelle 4 ou 5 de ses collègues dans la caserne, je lui dit avec empressement que non, ce n’est pas nécessaire, mais il est trop tard. Un attroupement se forme devant moi derrière la grille, on me demande des précisions. Pendant ce temps, le gars du snack s’amène. Il invente à mon avis une histoire à laquelle je ne comprends évidemment rien et l’un des policiers, qui avait l’air le plus sensé, m’invite à payer le reste des 4 euros. Avec le recul, il est probable qu’une réduction sur leur repas du soir ait été négocié à ce moment précis, qui sait… Pas grave, ça m’apprendra à la fermer.

Le jeune policier en question, maîtrisant bien l’anglais m’invite à entrer dans la caserne pour prendre un thé. Le ton est amical. Pourquoi pas, allons voir comment ça se passe là-dedans. Tout se passe bien, l’ambiance est conviviale. Le gars qui m’a invité fait son service militaire et fait un peu office de professeur d’anglais dans la caserne. On plaisante, on parle, tout se passe bien. Une personne semble ne pas du tout apprécier ma présence. Il s’agit apparemment d’un gradé, j’apprendrai plus tard que c’est le chef de la garnison. Visière enfoncée bas sur le front, barbe à la Ahmedinejad, style jeune cadre qui veut encore tout prouver. Je n’aime pas ça. En fait ce qui le dérange, c’est qu’un jeune appelé est capable de tenir une conversation en anglais alors que lui ne parle quasiment pas un mot de cette langue. Ca l’énerve, je le sens. Bon, ok, je me lève et je suis prêt à dire au revoir à la cantonade quand le gradé me demande via l’interprète de se rasseoir et il commence à me poser des questions. Celles-ci sont de plus en plus précises. Où j’ai été en Iran, depuis quand, où je vais. - Vous êtes touriste ? - Oui. - Vous êtes certain ? - Ma réponse est énervée : oui, bien sûr ! - Donnez-moi votre passeport.
Il y a des moments comme ça où l’on sent que les événements peuvent vite devenir incontrôlables, vous échapper complètement, et c’est l’un de ces moments que je vivais même si je n’avais absolument rien à me reprocher, mais ce n’est peut-être pas une raison suffisante en Iran.

Je lui ai dit que je souhaitais seulement prendre le train pour Tabriz. Il me demande de bien vouloir le suivre, nous allons à la gare. Bizarrement, nous n’allons pas au guichet, mais il m’emmène sur les quais, je ne comprends rien à ce qu’il me veut. Finalement, on rentre à nouveau dans la grande salle d’attente et m’indique de m’asseoir. Il prend son walkie talkie et commence à parler. Il disparaît. Je regarde discrètement par la fenêtre, et je vois qu’il entre à la caserne. Bon, je me lève, je repère les toilettes et bien vite j’y vais pour me débarrasser des bouts de papier dans ma poche sur lesquels j’avais justement commencé à écrire mes impressions sur la république islamique. Un coup de flush et c’est parti. Je regagne ma place dans la gare, je le vois juste en train de ressortir de la caserne et entrer à nouveau dans la gare. Il disparaît derrière les guichets. Il revient vers moi en me tendant… mon billet de train pour Tabriz et s’excuse de ne pas parler anglais.

Tabriz

Je reviendrai sur ma tentative avortée de quitter l’Iran par l’Azerbaïdjan, mais mes quelques jours passés à Tabriz seront parmi les plus agréables de tout mon voyage.
J’y retrouverai la farniente et la liberté de ton qui prévalait à Shiraz en Perse. C’est une ville qui fait partie de l’Azerbaïdjan iranien, avec une population à majorité ethnique turque et azérie (qui se considère elle-même faisant partie du groupe turkmène). Passer comme cela plusieurs jours dans une même ville, sans devoir sauter sur le bus suivant qui vous mène à la ville suivante, c’est quand même une perspective plus cool du voyage. Si je dois refaire un jour l’itinéraire d’un long voyage, c’est comme cela que je l’envisagerais. Passer plus de temps, sur moins d’étapes, en évitant de s’éterniser, comme ce fut le cas au Caire en février. Tout un équilibre à trouver quand il n’y a absolument aucune contrainte, enfin, on croit.

C’est avec deux groupes d’étudiants distincts que je passerai le plus clair de mon temps dans cette ville. Et la vie à la pension Delgosha fut tranquille, même si les chambres en elle-même sont bruyantes sur la rue Ferdosi.

En soi il n’y a pas grand chose à voir à Tabriz, à part les gens. Il faut certainement aller, un vendredi aux jardins El Goli, un peu en-dehors de la ville, ou tout Tabriz se fixe rendez-vous autour du lac qui occupe le parc. Avec quatre étudiants rencontrés la veille, nous ferons une séance de photos, comme des stars de cinéma, chacun avec son appareil digital. Saed fera je ne sais combien de dizaines de photos. Nous posons avec d’autres groupes aussi. Chose même que je n’avais pas rencontré jusqu’ici, ça drague, voire, ça flirte discrètement dans les coins. D’autres fument le narguilé seuls ou en famille. Les enfants sont partout. C’est la fête.

Tout n’est pas rose pour autant. On en apprends. Babek qui est avec nous s’est fait prendre la veille par la police en compagnie de sa copine. Ils ont du dire qu’ils ne se connaissaient pas. Ni mariés, ni faisant partie de la même famille, sa copine risque de perdre sa place à l’université. Amin me fait le topo justement sur le système d’accès à l’université. Le résultat d’un examen général, comportant des matières aussi diverses que l’histoire, les mathématiques ou le Coran, détermine l’orientation que prendra l’étudiant. Je ne sais plus quel était le classement des débouchés. Pas mal d’étudiants clament haut et fort leur opposition au système. La répression, le contrôle rétrograde des mollahs sur la société, la censure, ils s’en donnent à cœur joie en ma présence, ils peuvent parler sans retenue. Au moins deux gars rencontrés parlent d’ailleurs sans retenue dans la rue, peu importe ma présence. Quand je les quitterai plus tard, je leur conseillerai de faire attention, qu’ils ne se brûlent pas trop vite les ailes dans leur quête de vérité.

Stats