mercredi, avril 26, 2006

Vivre en (temps de) paix

Isfahan, Iran - Hall d'attente, gare de bus de Yazd, en plein centre geographique de l'Iran. Teheran est a 10h, Isfahan a 5 heures. Mon visa non-extensible de sept jours arrache a l'aeroport de Shiraz expire dans deux jours. J'espere que l'on pourra s'arranger a Isfahan, sinon je prendrai le premier vol pour la Turquie.

Ce sejour en Iran a bien commence. Restaurant Sharzeh a Shiraz. Des gens aises arrivent en famille pour deguster des plats traditionnels iraniens. On arrive dans le restaurant par une mezzanine. Un orchestre de 3 musiciens et un chanteur se produisent en bas. On m'installe a une table a cote de la petite scene. Il y a un violoniste qui part dans des solos endiables. Un joueur de Tombak, un joueur de santoor... http://www.iranmusic.tv/instruments/ ,un chanteur d'une voix lancinante parfois gaie, parfois triste. C'est un melange de musique tzigane, arabe et le tombak donne une touche indienne a l'ensemble pour celui comme moi, non specialiste.

Retour au hall de gare routiere. Un jeune pere emerveille suit son petit garcon qui semble effectuer ses premiers pas. Il gambade sans trebucher entre les rangees de sieges, va vers la porte de la petite salle de priere attenante a cette grande salle d'attente, il sort dans le soleil. Quelques instants plus tard, il revient dans les bras de son papa.

Sur l'ecran de television, une seance d'aerobic en pleine nature. Un leader et quatre acolytes en carre derriere lui, habilles en pantalon de jogging rose fluo et polo jaune saillant revellant leur carrure d'athlete, executent des figures de gymnastique sur une musique orientale rythmee par des beats. Suis-je le seul a eclater de rire interieurement ?

Ceci dit, le cinema iranien, c'est le style de cinema que l'on observe en se carressant dubitativement la barbe, le sourcil interrogateur, tout en fumant la pipe. C'est tres serieux. Dans le bus entre Shiraz et Yazd, habitue aux navets egyptiens et de bollywood ces trois derniers mois, j'ai pu voir un film ou il etait question d'execution par pendaison, de femme gifflee par un fonctionnaire, femme qui prend ensuite les armes avec ses camarades. Beaucoup de paraboles et d'esthetique a travers une bonne part de non-dits et de non-vus, par exemple un plan fixe de 30 secondes sur une porte fermee a clef.

Au-dela de l'ironie employee ci-dessus, je peux dire qu'il y a certainement une grande recherche estethique presente partout dans le pays et dans tous les domaines artistiques. Beaucoup d'Iraniens rencontres sont passionnes par l'art, la culture et l'architecture. Je n'ai jamais vu autant d'autochtones par exemple dans les lieux "touristiques" historiques de tous les pays traverses jusqu'ici. Il y a une passion pour sa propre culture et pour l'histoire de son pays. Le site de ruines de Persepolis par exemple ne desemplit pas de touristes iraniens venant de tout le pays. L'histoire de cette periode peut vous etre expliquee en detail par n'importe quel iranien.

La ville de Shiraz illustre bien cette atmosphere relax et l'amour des Iraniens et (surtout) des Iraniennes pour l'art. En venant de pays musulmans wahabittes, on est d'abord surpris par la relative emancipation des femmes. N'est-ce pas ici le pays de la revolution islamique, la seule vraie et dure republique islamique au monde ? Je m'attendais a voir des femmes (impures) lapidees aux coins de rues, et bien non, je suis decu ! Ce n'est pas du tout ca. Dans l'habillement d'abord. On est loin des tentes noires couvrant les femmes yemenites ou emirati, qu'on ne voit d'ailleurs jamais. Ici, elles portent des fichus colores, d'ou depassent deux ou trois meches de cheveux. Parfois un hijab, qui couvre egalement les epaules. En tout cas, jamais le visage. Souvent, elles portent un "manteau" vert, bleu clair, coupe le long du corps, qui peut arriver au-dessus des genoux. Et presque toujours des jeans et des baskets. Des lunettes de soleil et autres accessoires viennent completer un ensemble tres mode donnant a beaucoup de femmes un look de cinema italien des annees '50. Les hommes tiennent beaucoup a leur apparence egalement et sont souvent bien batis, resultat en partie de leurs 20 mois de service militaire obligatoire et d'une forme entretenue. Combien de jeunes n'ai-je pas rencontre, comptant les jours en attendant le debut de leur service ou, en permission, la fin.

Ensuite, la dolce vita a Shiraz. On a du mal a imaginer que cette ville se trouve dans un pays actuellement en haut de la liste des potentielles cibles militaires des Etats-Unis. Un vendredi, jour de repos hebdomadaire, qu'il est agreable de se ballader dans le jardin de l'Emam, cite des poetes, au milieu des familles qui piqueniquent entre les cypres et les etudiants des beaux-arts qui finissent leurs dernieres peintures. Plus loin, en prenant un taxi vers les hauteurs de la ville, une caverne a ete transformee en maison a the et est frequentee par les etudiants dans ce lieu naturellement frais ou regnent les voluptes de qalyan (narguile). Il y a aussi deux mausolees entoures de jardins, eriges en l'honneur de poetes celebres que Shiraz a accueilli.

Celui de Hafez habrite l'un des teahouses les plus atmospheriques que je n'ai jamais vu, meme si j'en verrai d'autres par la suite. Une cour avec une piece d'eau avec au premier rang des lits entoures de coussins et au deuxieme rang des alcoves construites dans les parois au milieu d'un jardin fleuri ou l'on trouve des bougainvilliers, des orangers... les gens, hommes, femmes, parlent autour de pots de the, fument le qalyan, s'observent... Des etudiantes font des photos experimentales et ont l'air de s'amuser. Quelques quartiers plus loin, le mausolee du second celebre poete, Sa'adi, L'ambiance y est la completement familiale, les momes s'amusent a lancer des pieces de monnaie sur les poissons au fond du puit central d'un teahouse sous-terrain au mausolee.

Le fort Arg-e karim Khani situe au centre-ville dans un espace amenage pour les pietons, erige dans la periode Zand pour rivaliser Isfahan, revele dans ses ailes des travaux de restauration en ebenisterie, une autre aile contient des galleries de photographies restaurees du debut du XXe siecle dont l'une qui montre un regiment de cavaliers indiens parader en plein Shiraz. Le colon anglais utilisant l'armee d'une colonie pour faire regner l'ordre dans l'autre. Pour terminer ce tour dans Shiraz, on est presque ramene a la realite, avec mon ami du jour, Miliz, un Iranien originaire de la region du lac d'Orumiveh, assyrien, chretien, se revendiquant d'ailleurs haut et fort comme tel avec sa casquette sur laquelle il est ecrit en grand "I LOVE JESUS", effet assure dans la rue, venu construire le metro shirazien qui entrera en fonction dans quatre ans. M'ayant amene partout en ce jour et refuse que je ne sorte le moindre ryal de ma poche, j'ai insiste, vraiment juste pour lui, pour que nous trouvions la seule eglise de Shiraz, il y avait une croix sur le plan et il ne connaissait pas cet endroit, habitant de l'autre cote de la ville. Apres pas mal de recherches, on se trouve devant un porche et un crucifix. On distingue entre les deux toles un jardin interieur. Un cerbere vient nous trouver pour dire que l'on ne pouvait pas entrer. Il faut un "airshot" (impossible de trouver la veritable orthographe de ce mot), en gros, une autorisation aupres de la police religieuse qui gere les allees et venues dans ce genre de lieu de culte. Inutile de dire qu'ils sont tres peu frequentes.

Yazd est une ville a premiere vue plus conservatrice, et l'une des plus vieilles au monde. On trouve dans la vieille ville un vrai dedale de ruelles entre des maisons et des murs de jardin construits en tourbe. Des cheminees distribuent par aspiration des courants d'air dans les batisses, Il y a quelques magnifiques jardins interieurs transformes en patio d'hotel ou autres batiments de l'administration locale. Ca donne tout de suite plus envie d'aller faire des demarches administratives.

Je n'ai vu a present de Isfahan que les affiches politiques et les posters de martyrs en pleine ville, un chauffeur de taxi qui m'a enjoint de retourner dans mon pays et deux maisons de the geniales pour tuer le temps a fumer le narguile en attendant que cette pluie cesse. Fumer le qalyan des 10h du mat avec les retraites c'est quand meme exagere... faut que je me reprenne.

Finalement, non. Ce visa ne peut pas etre etendu, et c'est logique, il est ecrit en grand, en travers : NOT EXTENDABLE. Ca ne peut etre plus clair. Je me trouve en Iran, pays le plus diabolise du monde, en situation illegale ou disons, irreguliere depuis hier minuit. Ca n'a pas l'air d'emouvoir le chef du bureau des etrangers. D'apres lui, tout s'arrangera a l'office central de Teheran. En attendant, relax.

Note: je commence a avoir un serieux retard sur ce blog, il y a tellement de choses a vivre ici en Iran... a la prochaine connection je commente les photos qui se trouvent ici.

mercredi, avril 19, 2006

Abu Dhabi, Dubai

Dubai, Emirats Arabes Unis - On pourrait decrire Abu Dhabi comme le quartier nord de Bruxelles, les prostituees en moins, les kilometres de galleries commerciales sous air-co, au rez de ces immeubles, en plus. Ou comme le quartier de la Defense a Paris, ces quartiers etendus a une ville entiere. Vous remarquerez que je n'emets aucun jugement de valeur... L'automobile y est evidemment plus qu'ailleurs reine, c'est le totalitarisme du vehicule prive. Point de merci en dehors. Comme a Dubai, la question en tant que pieton est de savoir comment on va bien pouvoir passer cette enieme autoroute a 12 bandes en plein centre-ville, a combien de kilometres est le prochain arret de bus "four" en plein terrain vague sous le soleil a 55 degres et sur combien de taxis il va falloir se jetter pour esperer en arreter un.

Dubai se differencie un peu d'Abu Dhabi dans la mesure ou l'on y voit des batiments parfois plus anciens, ce qui lui donne un peu plus de cachet et d'authenticite (dans le cadre des Emirats). Dans les deux villes, le logement est hors de prix. A Dubai, je me suis rabattu sur l'auberge de jeunesse, un lit pour 20 euros dans une chambre partagee, un hall d'entree digne d'un hotel 5 etoiles en Europe. Un peu d'humanite d'ailleurs avec ces compagnons d'un soir dans un tea house de banlieue a fumer la shee-sha devant un bon Barcelone - AC Milan avec toute la communaute egyptienne acquise au Barca. Autour de la table on avait d'ailleurs tout le Maghreb, ne manquait qu'un Algerien. Dans le registre sportif, il y avait aussi un Inde - Pakistan en criquet au stade d'Abu Dhabi pendant deux jours. Je n'ai pas rencontre un Indien ou un Pakistanais en mesure de se payer l'entree, et je me demande qui y etais.

Les pakis et les Iraniens conduisent les taxis. Les Indiens triment dans les restos. Les Bengali travaillent sur les chantiers en plein soleil. Les occidentaux gerent les affaires, grassement payes avec deux retours par an et un 4x4 inclus dans le package salarial. Au sommet, les Emiratis gerent leurs investissements et on ne les voit que tres rarement, et pour cause, ils ne forment meme pas 10% de la population.

Il m'est difficile de croire que tous ces pays visites jusqu'ici font partie d'un meme ensemble arabo-musulman. Ne parlons meme pas de civilisation.

dimanche, avril 16, 2006

Liwa Oasis



Abu Dhabi, Emirats Arabes Unis - Avant de revenir sur Abu Dhabi, Duabi et la societe emirati urbaine en genral, je vais commencer par une bouffee d'oxygene dans cet ocean de vulgarite en vous parlant de l'oasis de Liwa.

Lorsque l'on passe d'Oman aux Emirats, on traverse des paysages plus dramatiques, faits de hautes dunes de sable. Au sud des Emirats, une route en arc de cercle de 150km desert l'oasis de Liwa, dont proviennent les emirs qui regiront les Emirats de Abu Dhabi et de Dubai plus tard, ceci pour la petite histoire. Cette oasis est sans doute le point habitable et visitable le plus avance dans le Empty Quarter, la plus grande mer de dunes au monde, d'une superficie equivalent au Benelux et a la France, dont la temperature varie du 0 degre la nuit a 60 degres l'apres-midi et que meme les bedouins ne peuvent plus traverser depuis le 4e siecle AD. L'un des environnements les plus hostiles au monde, seulement visite par quelques scientifiques, de rares excursions a la bordure en 4x4 a 1000 euros par jour et par les chercheurs et les travailleurs de l'exploitation petrolifere.

En m'enfoncant au sud vers Hameem, fin de l'oasis, j'ai croise toute une serie de villages perches et stabilises au sommet de... dunes de 100 ou 200 m de haut. En dehors, c'etait vraiment l'image du desert que l'on imagine quand on est petit en lisant tintin. De grandes dunes de sable fin de 100m de haut balayees par les vents avec de temps en temps un troupeau de chameaux qui passe dans le paysage. Je me suis bien sur ensable en cherchant un endroit pour passer la nuit, et un bengali (!) est arrive avec ses petits pas et sa pelle pour me desabler. Comme la nuit tombait, il m'a offert le the et fait a manger dans sa petite baraque de garde jardinier au bord du champ de palmiers a dattes qu'il surveille et entretient. Et j'ai pu dormir dans la voiture au bord de son terrain.

vendredi, avril 14, 2006

Jebel Shams

Nizwa, Sultanat d'Oman - Le seul bon plan a Oman et je m'en rendrai compte plus tard, aux Emirats aussi, est de louer une bagnole et d'acheter une tente. A Oman, le camping sauvage ne pose absolument aucun probleme et est sans danger. Vous pourriez y dormir sur un trottoir (en marbre) avec vos bagages et vos valeurs etalees autour de vous, vous risquez juste de vous faire reveiller regulierement par des passants qui vous demanderaient si tout va bien. Le prix de location d'une voiture est inferieur au cout du plus minable des hotels. C'est un principe que je n'ai pas applique et j'ai eu toutes les peines du monde a atteindre le sommet du Jebel Shams, sommet du Sultanat a 3200 m d'altitude.

Le moindre commerce dans les villages entre Muscat et la montagne est tenu par des Indiens et des Pakistanais qui ne parlent pas un mot d'arabe, et a peine anglais. On est surpris par la fraicheur (20 degres de moins que les 36 degres celsius sur la cote) mais rien d'exceptionnel. Par contre, la vallee qui longe le Jebel Shams est, elle, exceptionnelle. Je n'ai jamais vu par exemple le grand canyon aux Etats-Unis, mais ce canyon-ci, le Wadi Ghul, donne vraiment le vertige. Il est faramineux. Des photos se trouvent dans l'album Oman, mais elles sont loin de refleter le cote grandiose de cette vallee. On n'y trouve personne, a part des anes qui font des bebes, et des chevres qui ressemblent et se comportent comme des chiens. (voir photos)

J'etais monte au sommet en pick-up qui m'a applique le tarif touriste. Pour la descente, j'etais decide a prendre un raccourci a travers la montagne, avec mon sac de 20 kilos sur le dos. J'ai bien sue et en retrouvant une route, un fermier, un Omani, un vrai, m'a pris en stop pour un prix plus que raisonnable, dans son pick-up Toyota, mais il y avait un arret. Et plutot que de le regarder charger ses 20 sacs de 50 kilos d'engrais a base de crottes de bique, on s'y est mis a deux, devant le regard amuse de la fermiere et de ses quatre petites filles qui rigolaient comme des folles. Vive la montagne, vive les fermiers !

mercredi, avril 12, 2006

Au sujet du Sultanat

Muscat, Sultanat d'Oman - Y'a-t-il des prisons a Oman ? Si oui, y trouve-t-on des prisonniers ? La population semble tellement honnete et pacifique que c'est dur a croire. Le plus grand danger, c'est la route. 25 morts pour 100.000 habitants l'annee passee la ou la moyenne mondiale est de 19 pour 100.000. Un carnage. En deux heures de presence dans la rue a Salalah, j'ai assiste a un tamponnage a un carrefour. Les conducteurs sortent et se serrent la main. Plus fort encore, ils se font une accolade chaleureuse avant de commencer la discussion. Plus grave, a la sortie d'un virage, quatre hommes portent un blesse inconscient dans un minibus qui file vers l'hopital. Il s'est fait accrocher la tete par le retroviseur d'une camionnette. Au bas mot un litre de sang epais sur le tarmac. Tout ceci en moins de deux heures dans une ville de province. La route est toute puissante, ou plutot, la voiture. Le litre d'eau a la station service est plus cher que le litre de carburant. Ce n'est pas demain la veille que l'on inventera la voiture a l'eau ici.

La cote dans la region de Salalah est bordee de multiples chateaux-forts. Certains ont encore servi et ont ete le theatre de combats dans les annees 1970, lorsque l'actuel Sultan, Qaboos bin Said, deposa son pere regnant depuis Salalah a 1000 km de la capitale, avec l'aide a couvert des Britanniques et sans doute de Shell. Le sultan Qaboos, qui regne depuis lors, est pour l'instant le chef d'etat le plus apprecie au sein de la population des pays que j'ai traverse. Il a investi une bonne partie des revenus petroliers dans l'infrastructure et dans l'education. Les journaux titrent que des milliards de dollars vont etre investis dans de nouvelles recherches petrochimiques et craignent juste le manque de main d'oeuvre et d'ingenieurs. Ce n'est pas grave, repondent les autorites, nous avons la jeunesse et nous allons les former. C'est comme cela depuis 30 ans. Le Sultan a fait passer Oman d'une situation quasi moyen-ageuse a une position phare de richesse et de bien-etre dans le moyen-orient. Le petrole et le gaz sont effectivement clef. Quand on parle avec de jeunes locaux, une phrase qui revient souvent est "on prepare l'avenir". Il y a une organisation scientifique, rationnelle et froide de la societe et de son developpement. Des cartes de developpement touristique sont affichees meme dans le plus petit des campings. Ou investir, quelle activite a mener, dans quel delai, des statistiques sont fournies par l'etat. On parle formation, avancement professionnel, le niveau d'anglais est excellent. On sent cette analyse realiste du fait que cette periode faste due aux ressources petrolieres ne pourtrait pas durer indefiniment.

Toutes les renovations et constructions de palais ont ete pensees avec un raffinement pousse a l'extreme, parfois un peu "too much" (des trottoirs en marbre, c'est classe, mais bon...). Les jardins sont superbes, le mobilier urbain rutilant, ca brille et c'est dore partout. Un sommet etant l'hotel Hyatt dans le quartier des ambassades. Un hall d'aeroport vous accueille, recouvert de marbre, de boiseries et des tissus les plus fins. Un autre exemple est le palais du Sultan dans la ville historique de Muscat. Muscat est divisee en 4 ou 5 agglomerations separees. Le Muscat historique proprement dit ressemble a un quartier de palais, et on continue a en construire, comme si il n'y en avait pas assez. Les jardins publics sont tranquiles, les familles s'y reposent et la serenite y est le maitre-mot. Tranquilite juste interrompue par une bande de filles en burqa integrale qui ont investi les auto-tamponneuses, sous le regard lubrique d'une bande de jeunes gars dans leur robe blanche et leur keffieh blanc serti d'un cordon noir autour de la tete pour le faire tenir.

C'est maintenant que ce pays connait une periode faste. Je ne sais pas si l'on peut parler de reelle democratie. La presse par exemple ressemble plus a une revue des soirees et des galas donnes en l'honneur de tel president de telle firme petroliere, digne de magazines people qu'a une presse d'investigation. Mais il se degage en tout cas de cette societe une forte impression de tranquilite d'esprit. Et franchement, pour paraphraser, quand tout va bien, pourquoi se prendre la tete ?

Je me demande ce qui restera de tout ceci bien apres la fin de l'exploitation des ressources petrolieres. La fin du petrole, encens de ce siecle pour Oman, sonnera-t-il le glas pour ce pays ? La magnificence des palais triomphants de couleurs dans cette lumiere eclatante sera-t-elle reduite a quelques tas de blocs de beton informes et gris, que des touristes fouleront dans quelques siecles, comme on le fait aujourd'hui a Luxor ou a Persepolis ?

Voir album Oman

lundi, avril 10, 2006

La region du Dofhar, Salalah

Salalah, Sultanat d'Oman - Il y a deux options pour passer du Yemen a Oman. Par la montagne et par la cote. Il y a encore cinq bonnes annees, c'etait un exercice a faire en 4x4. Il y a a present deux routes en asphalte qui relient les deux pays. C'est parfois une route qui se transforme en piste, mais c'est carrossable. Avec les arrets aux frontieres, il faut compter quinze heures de bus pour relier Al Mukalla au Yemen a la premiere ville au Sultanat voisin, Salalah. Le bus emprunte est un mini-bus 20 places, tout confort et air conditionne, avec de grandes fenetres. On demarre avec quatre passagers, et la premiere heure est cadencee comme il se doit par notre ami Al Bakkara, chanteur saoudien populaire dans tout le monde musulman, qui chante-recite le Coran.

J'ai l'impression de traverser un desert dans une sorte de papamobile avec air conditionne. A droite le bleu clair du ciel, le bleu marine du large, le bleu turquoise du rivage, puis, decline sous tous les tons, le beige, du sable, des terrains rocailleux... A gauche, du desert de roc, des montagnes. De temps en temps, une petite agglomeration, ou parfois un petit bosquet de palmiers. Plus etonnant, des rassemblements de tentes de bedouins ou d'immigres echoues sur la cote. Voila le decors pendant un petit millier de kilometres. Pendant le trajet, le bus se remplit. On a le temps de reflechir.

Passage de la frontiere apres la tombee de la nuit. Les Omanis de retour au pays et les quelques Yemenis qui font la route vers Oman ont enfile leur belle robe blanche, passe au dash. On se peigne la barbe et les jambias sont rangees dans les valises. Le poste de frontiere de sortie du Yemen est plus pointilleux que le poste d'entree d'Oman... Mon cas, tout a fait en regle, a du faire patienter les 19 autres occupants du bus au premier poste, le prepose ne voulant aps croire que mon visa yemenite etait valable 3 mois, lisez, il esperait un back-sheesh, mais au bout du compte, on est tous passes.

Salalah ressemble a un vaste zoning commercial et industriel avec air conditionne, traverse par des voitures aux vitres fumees et avec l'air co. Meme les mosquees sont hermetiquement fermees et ont l'air co. Il est vrai que sans air conditionne, il est tout simplement impossible de faire quoi que ce soit entre 10h du matin et 10h du soir. Le soleil est ecrasant, il fait humide, en milieu de journee, il est difficile de garder les yeux ouverts sans lunettes de soleil, l'environnement, les batiments virant du jaune clair au blanc.

Les Indiens, Pakistanais et autres Bengalis sont partout et ont largement envahi tous les aspects de la vie omanaise. Les fast foods, les restaurants, la musique, les films a la tele, tout est berce de tabhlas, de bollywood et autres chicken byriani. A Mirbat par exemple, a 70 km de Salalah, il y a une communaute de bengalis qui trompent leur temps autour de the aux tables devant un troquet un peu a l'ecart de la rue, typiquement le shop de the que l'on trouve partout en Inde. De ce cote-ci, c'est bengali et pakistani. De l'autre cote de la rue, c'est le Kerala, deux restaurants et un flat hotel possedes ou habites par des Indiens de cet etat du sud de l'Inde. Mon interlocuteur, un Bengali ne l'annee de la separation du Bengale et du Pakistan (allez, un petit concours), est depuis 17 ans au Sultanat d'Oman. Il connait 5 langues. Outre le Bengali et l'anglais appris au pays, et l'arabe appris dans son pays hote, il parle couramment Urdu et Hindi rien qu'au contact des communautes presentes ici ! Ouvrier dans la construction, il m'explique que les conditions se sont reserrees pour les travailleurs immigres depuis quelques annees. Hautes taxes de sejour en vigueur et refoulements aux frontieres sont le lot quotidien de ces travailleurs qui batissent les buildings et les routes de ce pays sans air co. La plupart sont ou se disent musulmans.

Khor Ruri



Jadis l'un des premiers ports du monde il y a deux mille ans, il ne reste absolument rien de cette periode faste, a part quelques ruines disseminees, et meme pas de quoi imaginer a quoi cela pouvait bien ressembler. La cote sud de la peninsule arabique, ou je me trouve, etait fertile en arbres a frankinsense . Salalah occupant une position centrale, elle etait sur la route de depart. Encens, substance tres prisee a l'epoque, faut-il rappeler la place dans l'imaginaire occidental des rois mages partant exactement de cette region avec de l'or, de la myhre et de l'encens, du frankinsense en fait, vers la Palestine. Comme des centaines et des centaines de marchands faisant le meme trajet a l'epoque, vers la Palestine ou le Liban actuel...

On peut etre rattrape par le mythe 'Planete des singes' en decouvrant Khor Ruri. Une place qui a du grouiller de monde, une ville portuaire, l'une des plus importantes au monde. Aujourd'hui, une plage de sable blanc deserte a perte de vue devant une falaise. Quelques pierres perdues. Un parc naturel pour oiseaux sauvages ou paitrent quelques boeufs le long des berges. Pour peu on decouvrirait un morceau de la statue de la liberte ou la main de Brabo.

Wadi Dharbat

Plus loin sur la cote debouche le Wadi (vallee assechee la plupart du temps) Dharbat. On vient de tout le moyen-orient dans cette region en juillet et en aout car le Khareef (la mousson) y sert une bruine rafraichissante qu'apprecient fort les populations aisees du reste du Moyen-Orient en cette periode ou la temperature atteint des pics partout dans la region. Il s'agit essentiellement d'un parc naturel. Je ne parle pas du parc naturel ici, mais des routes en general. C'est toujours amusant de voir un ou plusieurs chameaux ou un boeuf marcher sur le cote de la route vers on ne sait ou, seuls, sans bedouin. Les chameaux sont des animaux adorables (oui, je sais, ce sera le quote de l'annee). A l'approche d'une voiture, il arrive frequemment qu'ils decident a la derniere seconde de traverser la route du pas cool qui leur sont propres et leur sourire permanent aux levres. Les boeufs par contre sont souvent isoles et marchent droit devant eux, en suivant la ligne d'accotement. C'est hallucinant, on pourrait croire qu'ils font du stop. Ceci a cote des troupeaux de chevres et des chiens errants, rien d'extra-ordinaire. Au detour d'un tournant dans le wadi dharbat par contre, j'ai vu un loup traverser la route furtivement devant moi.

Voir album Oman.

mercredi, avril 05, 2006

Wadi Hadramouwt

Sayun, Yemen - Cette vallee est citee a la fois dans la Bible et dans le Coran (je vous laisse controller), pour la qualite de son encens et sa fertilite. Elle est jalonnee de villages dont la plupart presentent des maisons fabriquees en tourbe. En terme de maison il faudrait parler d'immeubles, parfois de 6 ou 7 etages.



Shibam Hadramouwt

Construite aux alentours du 4e siecle AD, sur les ruines d'une ville plus ancienne, elle a ete decrite comme le "Manathan du desert" par l'aventuriere Freya Stark. Declaree au debut des annees 80 patrimoine mondial de l'Unesco, elle est sujette aujourd'hui a un programme gouvernemental appele "culture heritage preservation" a travers lequel les habitants contribuent a 65% dans les frais de renovation, et l'etat pour 35%. Une misere, a peine le montant de l'aide octroye pour n'importe quelle demeure chez nous a travers aide directe et deductions fiscales. Shibam et l'entretien par ses habitants de leur patrimoine historique, et l'utilisation de ce patrimoine (ils y vivent) possede un interet bien plus important que n'importe quel temple ou tombe. J'ai en memoire le temple de An Nadura pres de l'oasis de Al Kharga en Egypte. Le coeur est probablement d'origine egyptienne, mais le temple en lui meme est romain. Les musulmans en ont fait une place fortifiee. Puis les Ottomans s'en sont servi tout en continuant a fortifier la place. Pendant deux millenaires, avec des interruptions, ce lieu a servi de fort militaire et y a vu s'agiter une cite vivante. Et qu'en a fait l'ere moderne ? Un tas de ruines livre au desert, foule par les quelques touristes de passage. Quel en est l'interet a cote d'un musee vivant comme Shibam ?

Sayun

Capitale administrative de la vallee (wadi), cette ville est plus moderne et n'a pas de charme particulier.

Tarim

En continuant plus loin apres Sayun, il y a Tarim, centre religieux et ville historique. C'est assez curieux d'y croiser des indonesiens, des malaisiens. Un occidental a la barbe blonde aussi qui m'a fait de grands signes de bienvenue... Tous etudiants en religion a Tarim. Depuis des siecles, on y enseigne le Coran. Et par consequent, en dehors d'un bon nombre de mosquees, on y trouve plusieurs palais imposants batis par des notables, ou des enseignants renommes, ayant ramene d'Inde et de plus loin en Asie des idees en matiere d'architecture.

Certaines femmes dans la region, au-dessus de leur burqa, portent un chapeau de sorciere, un chapeau pointu en osier. Je n'ai pas pris de photo pour illustrer cet accessoire vestimentaire assez surprenant. On m'a rapporte que les femmes ici lancent des pierres aux touristes qui oseraient les prendre en photo. Une attitude tout a fait positive ! ;-)

samedi, avril 01, 2006

Aden

Aden, Yemen - C'est decide, je ne parle plus a un yemeni ou a un local en presence de touristes ou d'etrangers. C'est peut etre un signe du sort, mais le gars qui s'est assis a cette table sur une place du quartier de Khormaksar, a peine 5 minutes apres le debut de notre conversation s'est fait embarquer par la police. Bon il est vrai qu'il ne tenait pas des propos tout a fait coherents, me parlant de kidnapping et en fait je n'etais pas encore completement dans la conversation. J'ai juste suivi, en attendant mon requin, qu'il avait commence des cours d'allemand. Mais ce fut quand meme un choc d'assister a cet enlevement en direct. Il est fou, bizarre, m'a-t-on explique. J'avais presque envie de dire que les policiers se sont peut-etre trompes. Comme je l'expliquai a mon voisin de table, Assad, cela fait 3 mois que je suis interpelle constamment, que je passe parfois des heures a ecouter des quidams me raconter leurs histoires, alors que je ne les connaissais pas un instant auparavant. Cela ne me derange pas. Et il ne me derangeait pas, ce "fou". Ou alors c'est le poisson d'avril du jour, qui sait, les yemeni ont peut etre un sens de l'humour tres subtil.

Les personnes avec qui je suis attable sont les employes et stagiaires du centre culturel francais d'Aden. C'est vrai qu'ils en voient tous les jours. Le mortel ennui aidant et la chaleur oppressante, et surtout, les messages incessants leur indiquant qu'ils doivent etre sur leur garde, les poussent peut etre a redoubler de prudence. Des gens un peu depressifs, mais sympathiques, n'hesitez pas a passer leur dire bonjour si vous etes de passage a Aden, ils vous en remercieront.

Cote population, j'ai ete supris par le degre de mecontentement. Je m'attendais a un truc dans le style, les gens d'Aden bases a Sana'a m'ayant fourni un apercu de la situation sociale et economique au sud, mais a ce point. En fait ce n'est pas etonnant. Il y a a peine 15 ans, les Adenois ont recu des tonnes de bombes sur la tete de la part du gouvernement central, et ceci laissera des traces pour longtemps encore. Alors que c'est a partir de cette ville que le colonisateur anglais a ete mis a la porte du Yemen, c'est sous la republique populaire, basee a Aden, fiere et conquerante (soutenant la rebellion socialiste a Oman depuis la region occidentale de Salalah) que les gens de la rue semblent avoir connu leur meilleure periode. Aujourd'hui Aden est une zone franchisee commercialement, envahie par les Somaliens, et comme dans tout environnement ou les conditions economoqies sont dures pour tout le monde, les natifs vouent un peu de rancoeur a ces immigres, encore plus pauvres et desoeuvres qu'eux. Alors que la mendicite est quasiment absente dans tout le reste du Yemen (ce que j'en ai vu), elle est chose courante dans le sud, principalement du fait des enfants africains.

Sinon je pense avoir trouve le Liege ou le Marseille yemenite ! Des gens fort bavards, raleurs, qui vouent une certaine mefiance par rapport a la capitale, qui aiment la discussion, l'atmosphere m'y a fait penser aussi. Du point de vue de l'architecture, on retrouve le style colonial anglais typique, absent dans les autres villes que j'ai vues au Yemen.

Un bon repas chez Reem a Aden dans le quartier du Cratere (l'un des 5 arrondissements d'Aden, effectivement situe dans le cratere d'un ancien volcan) ponctue mon sejour dans la capitale meridionale. Reem est repute pour ses kebabs (mouton). Des pommes de terre servies en "mouchakal" (sorte de bouillabese), un plat de salade et sa pure de tomates pimentee en guise de condiment, et une galette de pain feront l'afaire. Repas arrose d'un mix de jus de mangue - citron - banane et des boules de glace comme desert. Le tout pour moins de 2 euros evidemment. Cale pour aller reserver le billet de bus pour Al Mukalla.

Voir photos dans l'album Yemen, page 10. Si il y a un quelconque probleme a visionner les photos, faites le moi savoir, merci.

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