jeudi, juillet 12, 2007

La paix entre Israel et la Syrie

Cet article est posté un an apres le début de la guerre de l'été dernier, et le surlendemain des déclarations faites par Ehud Olmert pour engager la paix avec Damas. J'avais écrit ceci il y a quelques semaines.

Il y a un principe fondamental en diplomatie, a fortiori dans un environnement international chaotique, voire hostile, qui veut qu’un Etat a tout intérêt à être en paix avec ses voisins, et le cas échéant, que ces voisins soient en situation de tension avec leurs autres voisins (de préférence non commun), ce qui a pour don de détourner leurs ressources vers d’autres buts qu’une action hostile envers cet Etat. Les joueurs de Diplomacy, ou même de Risk, ne me contrediront pas. Or, ce que l’on observe avec le Liban, depuis de nombreuses années, est une situation exactement inverse.

D’une part, le Liban connaît une situation de tension avec la Syrie, depuis l’occupation militaire et ensuite après le « Printemps de Beyrouth » et le retrait syrien. Le premier accuse le second d’ingérence dans ses affaires intérieures, via ses services secrets et l’armement de la Résistance au Sud Liban et le second ne voit pas le Tribunal International pour juger des attentats qui ont suivi le printemps 2005 d’un bon œil, sans parler de l’affront international d’avoir du retraiter d’un territoire considéré historiquement comme faisant partie de la « Grande Syrie » (certainement en ce qui concerne la Bekaa). La République Arabe Syrienne a tissé en revanche de bonnes relations avec ses voisins directs. Avec la Turquie, depuis la normalisation des tensions dues à la question kurde et à celle des eaux du Tigre et de l’Euphrate, pour laquelle la Turquie a adressé des messages positifs à son voisin syrien. Envers l’Irak, avec lequel la Syrie vient de rétablir des relations diplomatiques après plusieurs décennies d’interruption. Avec la Jordanie, par tradition. Et avec l’Arabie Saoudite avec qui perdurent des relations de respect mutuel « policé » pour des raisons que nous ne développerons pas ici. Il reste le voisin israélien, avec qui la Syrie est en contentieux depuis 1967 et l’Occupation du Golan et au-delà à travers le support de la résistance (ou du terrorisme selon le point de vue où l’on se place) au Liban et en Palestine Occupée. Mais ici, force est de constater qu’aucun coup de fusil, pour ainsi dire, n’a été échangé directement entre la Syrie et Israël depuis une bonne trentaine d’années (cessez-le-feu en 1974), si ce n’est au Liban.

D’autre part, le Liban connaît une situation d’extrême tension avec son voisin israélien, il va sans dire. Je ne vais pas répéter les multiples interventions armées qui ont émaillé leurs relations, ne fût-ce que depuis celles de 1978 et de 1982 et la montée à Beyrouth Ouest pour en déloger l’OLP retranchée. Il y a aussi la présence des services secrets israéliens.[1] Enfin, il ne faudrait pas occulter, derrière la question de la présence du Hezbollah au Sud Liban, et l’aide logistique de la Syrie et de l’Iran à l’organisation chiite, le fait qu’il y a sans doute des motivations concurrentielles à la destruction périodique de l’économie libanaise par l’Etat d’Israël. L’objectif en la matière est de s’assurer le monopole de la « Tête de pont en Orient », et détruire toute concurrence touristique, le Liban ayant en ce domaine des atouts de premier ordre. Israël, en dehors de ses opérations dans les Territoires Occupés, a toute la latitude de se concentrer sur le Liban, dans la mesure où il est en paix avec tous ses voisins. Avec l’Egypte depuis la signature des accords de paix en 1977. Avec la Jordanie depuis les années 1990. Il reste la Syrie avec laquelle perdure une situation de conflit froid, mais régulé, on l’a vu, au Liban.

Le Liban se trouve donc dans une situation inverse à tout ce que pourrait rêver un Ministre des Affaires étrangères ou un stratège militaire, avec les circonstances aggravantes que ses deux seuls voisins sont dans une situation de conflit latent. Et parmi les trois entités, le Liban est de loin le plus faible.

Par conséquent, il ne revient pas réalistement au Liban de prendre l’initiative de signer un accord de paix avec son voisin israélien tant qu’un tel accord ne serait officialisé entre la Syrie et Israël. Il est aussi fortement probable qu’un accord de paix (réel) entre la Syrie et Israël, peu probable à l’heure actuelle[2] se ferait sur le compte du Liban. Car qui à part la Syrie serait en mesure de contrôler militairement, et surtout politiquement, le Hezbollah au Sud Liban tout en sachant que cet accord hypothétique, en affaiblissant les liens existant entre la Syrie et l’Iran, pousserait cette dernière à renforcer son influence sur le théâtre libanais ? En tout cas, pas la FINUL et encore moins l’armée libanaise, qui a déjà tellement de mal à mater la rébellion du Fatah Al Islam dans les camps palestiniens.

Pour échapper à cette quadrature du cercle, il faudrait un accord simultané de toutes les parties en présence (Israël, Syrie, Liban – tous ses leaders communautaires-, Hezbollah), supporté par les puissances occidentales, plus l’Iran et l’Arabie Saoudite, dans une convergence exceptionnelle d’intérêts.

[1] Voir le démantèlement d’une cellule associée au Mossad au Liban en 2006 ainsi que l’ouvrage, très orienté, mais éclairant sur la question, du journaliste israélien Uri Dan, Mossad, 50 ans de guerre secrète, Presses de la Cité, 1995.
[2] Entre autres Talhami Assad, Israël, Cinq raisons pour refuser tout compromis avec la Syrie, in Courrier International, 29 mars 2007, p.31, article original dans Al Hayat, Londres.

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