jeudi, avril 19, 2007

Opinion juive sur le conflit Israel / Palestine

Ce mercredi 18 avril, le Professeur Yakov Rabkin, de l'Universite de Montreal, tenait une conference a l'Universite Saint Joseph de Beyrouth. Historien des sciences de formation, ayant tente notament de rapprocher culture juive et culture scientifique, Rabkin s'inscrit dans une perspective anti-sioniste de la question palestinienne. Je vais tenter de resumer ici le contenu de sa conference. Il a ete introduit par son eminence Michel Edde.

Le Sionisme

Mouvement politique qui trouve son origine a la fin du XIXe siecle, surtout en Europe de l'Est et centrale, a une epoque ou les nationalismes ont le vent en poupe. Ce mouvement s'inspire du nationalisme des peuples sans etat, opprimes par l'empire russe et austro-hongrois. Une conscience proto-nationaliste se developpe. Le projet se fixe quatre buts :

- Transformer l'identite juive basee sur la Tora en nation
- Selection et utilisation d'une langue verniculaire, qui sera l'Hebreu
- Deplacer les Juifs vers la Palestine
- Etablir un controle economique et politique sur la Palestine.

Pourquoi la Palestine ?

Il y avait un projet "Ouganda", mais la terre de Palestine possede un caractere messianique, c'est la Terre Sainte. Ceci est curieux dans la mesure ou les personnalites qui sont a la base du projet sioniste etaient laiques, voire profondement anti-religieuses. Le Juif traditionnel rejette d'emblee ce projet. On note deux reactions des 'indigenes palestiniens' au commencement de l'arrivee massive de Juifs en Palestine. Les premiers y voient une opportunite de business, d'autres ne voient pas ces arrivees d'un bon oeil. Les premiers se trouvent principalement dans les goupes... arabes palestiniens. Les seconds se trouvent pour la plupart dans les goupes de Juifs traditionnellement etablis dans la region.

Il y a une forte poussee antisemite en Europe au meme moment. L'antisemitisme en cours s'oppose aux Juifs non comme detenteurs d''une religion, mais en terme racial. Ces theses accusent le Juif d'etre un parasite, non productif, occupant des fonctions de marchand, preteur sur gage, usurier. Peu de paysans et d'ouvriers sont juifs. La reponse du mouvement sioniste est d'affirmer que le peuple juif est capable de travailler la terre et de fonder une industrie, et cela se passera en Palestine. Le sionisme est donc avant tout une reaction a l'antisemitisme.

Le mythe

Comme le bolchevisme parle au nom de toute la classe ouvriere (sic), le sionisme parle au nom de tous les Juifs. Le grand danger pour ce type de theorie globalisante, c'est de tolerer l'existence de ne fut-ce qu'une seule personne qui dise "non, pas en mon nom".(1)

En janvier, l'American Jewish Committee , puissant lobby aux Etats-Unis, accuse les Juifs qui posent des opinions anti-sionistes d'etre antisemites. Depuis quelque temps, une serie de mouvements juifs se sont formes, soutenus par de nombreux individus, et reclament leur independance d'opinion et de representation par rapport au sionisme et a Israel.(2)

Il y a 20 ou 30 ans, il y avait encore un debat, il n'y en a plus. La question est devenue une veritable guerre psychologique. Celui qui n'est pas pour la politique israelienne, est anti-sioniste, voire anti-semite. Tolerance zero. Les six rabbins presents a la conference de Teheran [que Rabkin qualifie de mauvais gout] ont subi d'enormes pressions aux Etats-Unis. L'un s'est fait bruler sa maison, la plupart ont recu des menaces de mort, un autre a vu ses enfants expulses de l'ecole juive dans laquelle ils etaient inscrits, un autre encore s'est vu rembourser le montant qu'il avait paye pour son emplacement dans le cimetiere juif de sa communaute.

En Israel

Il s'agit du seul etat du monde fonde sur une idee religieuse. Recemment, trente-huit Israeliens (juifs et arabes) ont petitionne la Cour Supreme d'Israel pour que l'on n'indique plus leur confession sur la carte d'identite. La Cour a rejete leur demande. Si l'on retire cette mention, le mythe de l'Etat d'Israel s'ecroule. Israel ne serait plus "l'Etat de tous les Juifs", mais "l'Etat de tous ses citoyens". Pour maintenir ce mythe, il est necessaire de garder (a coups de murs et de regulations des migrations) une majorite non-arabe importante dans les frontieres [voir le droit au retour des refugies palestiniens a l'interieur des frontieres d'Israel d'avant 1967]. Et l'Etat d'Israel "importe" de maniere massive n'importe quelle communaute, meme vaguement juive, de partout dans le monde, pour maintenir ce quota face a une demographie arabe plus prolifique. Pour terminer sur ce theme, chaque fois que l'on appelle Israel l' "Etat juif", on contribue au sionisme.

Aux Etats-Unis

La majorite des sionistes qui appuient Israel aux EU ne sont pas juifs, mais chretiens (si l'on regroupe les differents courants, on obtient 40 millions d'Americains) ! C'est le mouvement des "born again" [qui entre autre identifie la conquete de l'Ouest americain dans l'histoire fondatrice des Etats-Unis comme remake de la conquete de la Terre Promise dans les textes bibliques (3)]. Nous avons l'un de ces illumines a la tete de la Maison Blanche. Cet appui est avant tout religieux et non politique, meme si il peut etre utilise comme tel dans la politique etrangere americaine.

La Shoah a bien entendu joue un grand role dans le developpement du Sionisme [le conferencier ne va pas quand meme jusqu'a reprocher l'Holocauste aux sionistes] car il est pour les sionistes la preuve ultime du caractere eternel de l'antisemitisme. Pour les sionistes, l'antisemitisme devrait etre eternel [on est ici face a une boucle epistemologique]. De nombreux Juifs ont clame depuis la naissance du Sionisme qu'il serait extremement dangereux de fonder un Etat ethnique ou religieux reserve aux Juifs.

(1) Voir notament http://www.notinmyname.com

(2) Le conferencier introduit Independent Jewish Voices (UK) et Tikkun, mouvement religieux.

(3) Georges Corm, Orient-Occident : La fracture imaginaire.

dimanche, avril 15, 2007

Sud-est turc, les Kurdes de Turquie



Plus de photos ici.

Gaziantep - Une semaine, juste le temps de venir dire bonjour et au revoir, c'est court, mais cela en vallait la peine. Je vais parler du voyage en lui-meme. Excusez les quelques raccourcis.

Dans un cybercafé de Nusaybin, directement après la frontière turco-syrienne, je suis assis à côté de trois ou quatre gars en civil qui surfent sur le net avec leurs fusil-mitrailleur posé contre le mur derrière eux. Ca donne l'ambiance. Ce sont des militaires en permission.

Dyarbakir

Ville livrée à la prostitution. Dans l'un des seuls bars du centre, non indiqué comme bordel, je rentre pour simplement boire une bière avant d'aller me coucher. Le décors me surprend, je m'attendais à un simple bar à la limite miteux et rempli de vieux qui sirotent du raki, avec de la fumée de cigarette du plafond au sol, mais il s'agissait plus d'un restaurant chic, avec des "hommes d'affaire" aux tables, des gens bien habillés. Trois personnes au moins m'accueillent. Je leur dis de go que je viens juste boire une bière et vu que c'est apparemment un restaurant, je leur demande si c'est ok. Et c'est ok. Une fois installé, je remarque que la grande table centrale est occupée par 5 ou 6 prostituées. L'une d'elles invite un gars à la table d'à côté pour accomplir un rond de danse. Deux serveurs viennent sur scène jeter en l'air des tissus en papier (des serviettes en papier pour nos amis belges). Kitchissime. L'endroit est de style vaguement art-deco, un mec assis derrière son clavier joue des airs lancinants. Lorsque je sors une cigarette, un serveur vient me l'allumer. C'est classe. Une des filles vient me parler et je lui dis de se casser. Merde quoi, j'ai juste envie de boire ma bière tranquile. Elle s'installe et commence à me parler. Etant donné que la conversation tourne court, une autre vient s'installer, une russe, de Mongolie. J'appelle le serveur pour lui dire que je m'étonne de cette intrusion dans ma vie privée, mais évidemment pas un seul ne parle anglais, ni arabe, ni flamand. Pendant ce temps, on apporte des mezzés, que évidemment, je n'ai pas commandé. Je n'y touche pas. Bon, je termine ma bière, je vais au comptoir, j'y laisse 5 livres turques (le prix affiché est de 3 livres). Tout à coup, le serveur senior retrouve comme par enchantement ses notions d'anglais et me dit "non, non, non !" et me fait une facture fantaisiste sur laquelle est inscrit 80 livres (plus de 40 euros). Pour une bière. Y figure, cet énorme plat surmonté de cocktails dont je ne connais pas la substance ni la provenance. Les mezzés. Les boissons des filles qui sont venues me parler (dont un super mega cocktail de 15 euros alors qu'il me semblais qu'elles sirotaient une bière). Je tiens bon, malgré les menaces et la pression. Pas question de partir en courant, il y a encore deux gorilles à l'entrée, et il faut prendre un assensceur. Voyant que je ne lacherai rien d'autre, après un quart d'heure de discussions, et pour sans doute ne pas indisposer les autres clients, l'un d'eux me ramène à la sortie en me jurant que je vais avoir de gros problèmes. Mafia. Dans l'hotel GAP, en plein centre commercial, que j'occupe, même topo, ça rentre et ça sort. Elle est partout.

B., musulman convaincu, Turc d'Izmir, qui me servira d'interprète au cours de la journée, étudiant en anglais, qui parle turc et kurde (Kurmandji), m'a fait ouvrir une porte derrière un jardin de la vieille ville. Derrière cette porte, les ruines d'une église de culte arménien, en style que je qualifierais de "pré-gothique". Elle doit remonter à la période byzantine. Elle est aujourd'hui en très mauvais état. Je l'accompagne ensuite à la mosquée (Camii) Omar où la prière de midi l'attend. Il me fait ensuite rencontrer un ami, qui gère un magasin, un stock en fait, au premier étage de la rue principale. Il y a un cousin et sa secrétaire. Au cours de la conversation, après tous les salamalecs et les thés d'usage, je lui parle de l'incident de la veille. Il commence par s'excuser et se montrer faché, je savais qu'il réagirait de la sorte, question d' "aspect collectif de la responsabilité", et je lui dis que vraiment, c'est un phénomène qui existe partout, qu'il n'endosse aucune responsabilité. Je savais que j'étais à la limite de l'affront, mais merde au culturalisme, c'était, au coeur de ce bureau, devant un membre de la chambre de commerce de la ville, le moment d'en parler.

La mafia est effectivement fort présente. Sans parler de l'impôt révolutionnaire, il y a une pression sur la prostitution dans la ville, le besoin d'augmenter les prix du fait du racket, quand les affaires ne sont pas gérées directement par la mafia elle-même. Toute milice finit par intéresser ses cadres, ses membres, à la perception d'une partie de l' "impôt" pour leur poche. De là le conflit entre l'Etat et la milice. Plus le premier est de droit et respectueux de ses administrés, plus il sera légitime. Mais c'est loin d'être le cas dans la région. D'où l'influence de la seconde. Le "Ici, tout le monde est kurde" est vraiment un leitmotiv auquel je devrai m'habituer. L'identité kurde se construit, dumoins, se renforce, contre la répression de l'Etat turc. La stratégie d'un groupe indépendantiste, comme partout ailleurs, est claire : stratégie de tension, et promotion de l'identité kurde par des organes politiques ; répression de l'Etat central ; adhésion de la population de plus en plus convaincue de la réalité de leur identité. Trois fils de son cousin ont été tués dans la montagne au cours de clashs avec l'armée régulière.

Mais depuis Erdogan, "c'est nettement mieux". Le premier ministre a laché un peu de lest. Il est plus intelligent que ses prédecesseurs. On peut à présent dire qu'on est Kurde, on peut parler kurde en public, ce qui était plus ou moins interdit, ou suspect, il y a encore quelques années [dans diverses périodes de 1924 à 1991, il était légalement interdit de parler kurde en public, après 1982, il fut pratiquement interdit de porter un nom kurde, qui peut comporter des lettres qui n'existent pas en turc, la raison donnée est administrative]. Cependant, le gouvernement n'investit pas assez dans la région, à part en casernes et équipements militaires, et est en train de la perdre. Le mouvement indépendantiste kurde, a perdu son caractère marxiste-leniniste. Cette affirmation ne m'étonne qu'à moitié de la part d'un businessman. Les cadres du PKK sont docteurs, avocats, notables... Le but est clairement indépendantiste, peu importe l'idéologie.

Tout est question d'action et de réaction. Le tourbillon dans lequel le sud-est turc est plongé justifie l'imposante présence armée de l'Etat central dans la région, les dépenses militaires, et la pression sur l'ensemble de la société civile turque. Un moyen pour le régime de la junte militaire de se perpétuer. Il ne serait pas intéressant pour cette junte d'avoir une région kurde, autonome et stabilisée. Les recettes sont pareilles que partout ailleurs : éducation et progrès économique. L'Etat central ne gère pas correctement ces aspects dans la région. Peut-être que plus d'autonomie le permettrait.

Une idée révolutionnaire, et je ne sais pas lequel se retourne le plus, qui dans sa tombe, qui dans sa cellule, mais "Apo" Ocalan serait le nouvel Attaturk des temps modernes ! Ou comment instrumentaliser une religion d'Etat à la cause indépendantiste. Ocalan, le leader laïc de la nation kurde, comme Attaturk l'était pour la nation turque. Un bel exemple de récupération d'une valeur culturelle forgée profondément sur tout le territoire turc, pour le démentellement précisément de l'oeuvre du personnage fondateur auquel il est fait référence.

Batman

J'en ai rêvé, je l'ai fait. Me voici à Batman. A présent je peux rentrer. Je remets mes idées en place le soir devant la télévision dans ma chambre. Cravate mauve à pois blancs, pochette mauve, chemise blanche, costume noir rayé, un représentant du DTP (Parti régionaliste kurde authorisé) est interviewé durant des heures à la télé kurde diffusée par satellite de l'étranger. Je repense aux paysages de la journée. Dans le genre "paysage dont on ne se lasse pas", fait d'immenses étendues avec des zones de roche, le tout recouvert d'un vert flamboyant, presque fluorescent avec tout la flotte qui tombe, c'est pas mal.

Hasankeyf

Impossible de savoir si mes interlocuteurs parlent turc ou kurde, j'avoue. Souvent, un peu d'anglais, un peu d'arabe, complété par des gestes, permet de se comprendre. Alimentairement s'entends. C'est curieux d'utiliser l'arabe comme langue véhiculaire. Par exemple, ce monsieur kurde, cheveux et moustache courts, blancs, qui a travaillé en Irak pendant quatre ans, maintenant vaguement occupé à la réception du seul motel de la bourgade. Il était chauffeur de camion citerne entre Tikrit "la ville de Saddam, yani, la où le pétrole jaillit noir" et la Turquie, et d'autres coins de l'Irak.

Siirt - Ehru

Les paysages sont les mêmes que la veille, avec ces villages isolés que l'on voit à flanc de montagne et de douces vallées, mais de plus en plus entrecoupés de postes militaires. J'ai déjà vu de tels paysages, mais oui, dans le nord-ouest de l'Iran. Ces montagnes, leurs strates, qui semblent plonger dans des gorges énormes, recouvertes de vert sur leurs flancs et de blanc sur leurs sommets. De nouveau deux barrages militaires entre Siirt et Ehru. Au deuxième poste, je reconnais l'insigne du scorpion sur la casquette des militaires, que j'ai vu l'été dernier à Egirdir, en Anatolie Centrale, ville-caserne des Kommandoyuz, les troupes de choc de l'armée turque. Ceci donne un aspect d'occupation. "L'armée est partout dans et entre nos villages". Pouquoi ? "Parce que nous sommes Kurdes !". Quand je parlais d'action-réaction... L'aspect d'un territoire occupé par une force étrangère, qui en rappelle d'autres. Je ne peux m'empêcher de penser à la vacuité de ces contrôles le long des routes, exercé sur la population lambda, alors qu'il y a mille vallées, mille sentiers de montagne, empruntables par les vrais motivés.

Le relief n'est pas étranger au fait que ce soit ici qu'est né un peuple. Véritable zone tampon, barrière naturelle, no man's land entre trois empires à des moments différents de l'histoire, l'Ottoman, le Perse et les premiers califats arabes. Aucun d'entre eux n'a jamais pu complètement maîtriser ces gorges et ces sommets.

Je repense à ce vieux monsieur à Siirt, dans un doner kebap, à qui je montrais la carte de Turquie. Je lui demande où est le Kurdistan. A le croire, la moitié de la Turquie est kurde. Dyarbakir, oui, Erzurum... oui, Konya.... un moment d'hésitation, puis un geste de la main au-dessus du point sur la carte pour dire "va au diable !". Ca amuse l'entourage.

Ehru. Dans la baraque en taule qui sert d'abris au centre, la moitié du village défile pour me voir et me poser des questions. Même le fou du village que tout le monde frappe "amicalement". Y'a un gars qui parle arabe et qu'on est allé chercher après que j'eusse fait comprendre qu'on aille trouver une personne qui parle anglais ou arabe dans le bled, doit bien en avoir une ! On attend pendant des heures et 45 thés offerts, l'arrivée hypothétique d'un mini-bus qui m'emmenera à Sirnak [Chernak]. Il arrive enfin. Deux bises, tapes dans les mains et yallah.

Sirnak

"Sirnak is not safe", "pourquoi tu viens ici ?". J'ai eu au moins deux fois ce genre de question. L'une, amicale, amusée, de l'un ou l'autre habitant local. L'autre, menaçante, au dernier poste contrôle, revidage de sac y compris trousse de toilette, avant d'arriver dans cette petite ville de 50.000 habitants où une part importante de la vie sociale se déroule sur la petite place centrale qui offre un panorama sur la montagne. Ou il est bien entendu impossible de travailler ou de lire sans être abordé de façon permanente.

Il m'en reste la vision d'une région extrêmement pauvre par rapport au reste de la Turquie, que j'ai traversée deux fois, au nord en mai dernier, et au sud-ouest en juillet dernier. Je pense qu'il y a aussi une réaction par rapport à cet état de fait. Monde rural contre monde urbain. Islam (sunnite chaféite), traditionnellement bien implanté, qui regagne de la vigueur (1), contre laïcité. Il y a par exemple une émission humoristique diffusée en Turquie qui montre et raille des caractères paysans, dans des situations de la vie quotidienne. J'ai ressenti à travers cette série télévisée une sorte de mépris d'une certaine intelligentsia urbaine envers la ruralité et la tradition, verniculaire ou liée à la religion.

Avec un jeune étudiant, accompagné de son père, médecin, on attend le même van, qui nous conduira a Cergis sur le Tigre, d'où un car nous emmenera à Gaziantep. Eux continuent à Ankara, moi je biffurquerai vers la Syrie, puis le Liban. Je suis assis à côté d'un négociant en textile irakien, chrétien, qui voyage entre sa ville du nord de l'Irak et Ankara pour les besoins du commerce. Une trentaine d'heures pour les uns et pour les autres. Quand j'arriverai à Beyrouth, eux arriveront à Ankara, leur capitale.
-----------------------------------------------------------------------------
Quelques éléments de tourisme : Transport entre le Kurdistan turc et Beyrouth.

  • Sirnak - Gaziantep (van puis car) : 25 YTL (new turkish lyra), 9 heures (2)
  • Gaziantep - Killis (frontière turc), en van : 5 YTL
  • Killis, frontière en taxi : 10 YTL, 15 kilomètres
  • Frontière - Azaz (Syrie) en taxi : 100 SYP (syrian pound)
  • Aziz - Aleppo, en mini-bus : 20 SYP
  • Aleppo - Beyrouth en bus : 350 SYP, 7 à 8 heures, en fonction des aleas (3)

Compter 16 dollars de visa de transit syrien, sauf si vous êtes ressortissant d'un pays ouvertement hostile au régime syrien, comme la France par exemple, et vous ne payerez que 10 dollars.

Coût total : 40 YTL (30 dollars), 470 SYP (10 dollars), entre 10 et 20 dollars de visa de transit, ce qui fait entre 50 et 60 dollars de transport. Entre 40 et 50 euros au cours actuel.

Si comme moi vous êtes imprévoyant, il est possible de retirer de l'argent à Qamishli à la frontière turco-syrienne, côté syrien, auprès du seul commerçant (connu) au moyen d'une carte visa.

Akoub Farej
Vendeur de métal précieux dans le centre bouillonant de Qamishli
tel. 052 426315 et mobile 094 224828

Attendez vous à une légère commission. Dans le village turc de l'autre côté, comme partout en Turquie, il y a des distributeurs de cash tous les 100 mètres.

Un bon resto à Sirnak, Faysal Usta, où on choisit sa viande au comptoir. On n'y parle aucune langue sauf le kurmandji, le turc et le russe.Au centre ville, discuter le prix avant, même si il vous fera de toute façon une ristourne.

J'ai perdu la carte de visite, mais si vous voulez faire une pause à Batman, ie. profiter d'une vraie salle de bain avec WC occidental dans le cadre frais et luxueux d'un hotel 3 étoiles pour à peine 20 euros petit dej compris (demander 10% sur le prix affiché), il y a un bon hotel, bien tenu, dans la rue qui part de la place du commissariat central. Fréquenté par des wealthy people bien fréquentables. Je ne pourrais recommander aucun autre hotel ou pension dans la région, on les trouve facilement. Les prix des low cost varient entre 5 et 10 euros la nuit, mais il faut s'attendre au pire.
-----------------------------------------------------------------------------
(1) "Alors que les Kurdes ne soutiennent plus les luttes violentes lancées ces derniers temps et que la politique à courte vue du DTP a créé un vide politique, aujourd’hui c’est l’identité religieuse qui passe au premier plan. Ce vide politique, ce sont des forces qui tiennent les motivations religieuses au-dessus des autres qui l’ont comblé. Tant et si bien que des gens qui savent utiliser la sensibilité religieuse des Kurdes parviennent aujourd’hui à tenir des rôles majeurs. Ce sont des dizaines de fondations et d’associations religieuses qui ont été créées. Ce sont quelques 100 000 personnes qui ont participé aux marches de protestation contre les caricatures du Prophète. 85 000 manifestants encore contre la guerre menée par Israël. Ce sont ces fondations et ces associations qui ont organisé tout cela. Elles ne se situent pas dans la ligne d’un parti politique." source : http://www.turquieeuropeenne.org/

(2) 1 YTL = 0,76 US dollars et 1 US dollar = 50 SYP

(3) Poste frontière libanais d'Abboudieh. Vers minuit. J'ai été témoin d'une scène, du jamais vu dans une zone frontière entre deux états. Un gars, jeune, est poursuivi par deux ou trois autres. Il arrive sur les marches de notre bus, et se fait fracasser la tête à coups de chaîne. La victime est libanaise. L'auteur est, selon les discussions qui suivirent, un moukhabarat (service secret). Je n'ai pas compris si ce dernier était libanais ou syrien. Je suppose libanais vu qu'on avait passé le poste de sortie syrien. Trois militaires sont intervenus, tardivement. Les auteurs se sont évanouis dans la nature, probablement dans l'un des commerces qui longent cette courte portion de route, à l'intérieur des deux poste frontières. La victime, la tête ensanglantée, est emmenée pour lui prodiguer des soins. L'attente sera assez longue, on se demande même si le gars n'a pas été arrêté. Des discussions et des engueulades naissent dans le bus. Certains ne veulent pas attendre, mentalité exécrable. Un vieux sage, un religieux, se lève et engueule l'une des personnes contestataires et lui demande, si il s'agissait d'un frêre ou d'un fils, si elle le laisserait là ! Ca me tue qu'il faille l'avis d'un homme de religion, respectable, pour admettre la plus basique notion de solidarité. Solidarité arabe, mon oeil ! Il reviendra une demi-heure plus tard.

mercredi, avril 11, 2007

The Redirection

Il est interessant de jeter un coup d'oeil a l'article suivant, quelque peu alarmant, mais qui permet de comprendre certains des mecanismes qui font pression sur la region.

The Redirection - Is the Administration’s new policy benefitting our enemies in the war on terrorism? by Seymour M. Hersh
http://www.newyorker.com/reporting/2007/03/05/070305fa_fact_hersh

"In an interview in Beirut, a senior official in the Siniora government acknowledged that there were Sunni jihadists operating inside Lebanon. "We have a liberal attitude that allows Al Qaeda types to have a presence here," he said. He related this to concerns that Iran or Syria might decide to turn Lebanon into a "theatre of conflict."

The official said that his government was in a no-win situation. Without a political settlement with Hezbollah, he said, Lebanon could "slide into a conflict," in which Hezbollah fought openly with Sunni forces, with potentially horrific consequences. But if Hezbollah agreed to a settlement yet still maintained a separate army, allied with Iran and Syria, "Lebanon could become a target. In both cases, we become a target."


Une note en Francais a ete postee ici, c'est d'ailleurs ce site qui a attire mon attention sur l'article : http://tokborni.blogspot.com/2007/04/le-changement-de-cap-de-ladministration.html#links

mardi, avril 10, 2007

Damas - Qamishli

Une grande nouvelle, ce blog, cher lecteur, est censure en Syrie. Ce qui n'etait encore qu'une vague rumeur, rapportee par l'un ou l'autre de mes contacts a Damas "qui ne pouvaient pas y acceder" m'a ete confirme de visu : access to this site is not authorized. Je ne sais pas trop ce qui a choque. Peut-etre d'avoır mıs le regime dans le meme sac que celui de Tel Aviv, ou peut etre pour avoir ose dire qu'en ete "Aleppo, c'est chaud !". Ma ba3rif. Quoı qu'ıl en soit, c'est non sans fierte que je peux me targuer a present d'etre considere comme un mini-opposant a une dıctature militaire. C'est un label de qualite pour ce site. Mercı, merci, merci.

Hier au programme une journee de bus de Sham (Damas) a la frontiere turco-syrienne, en solo. Neuf heures de desert en bus frigorifique.

Flashback sur Damas. Il y a deux choses qui ont change depuis cet hiver, a premiere vue. Le nombre de chantiers et de reamenagements conviviaux en cours au centre-ville. Je ne sais pas si c'est l'approche des elections, mais ca pourrait ressembler enfin a quelque chose d'ici un an ou deux. D'autre part, le nombre d'Irakiens qui se promenent partout est impressionant.

La Syrie a accueilli plus de 800.000 réfugiés irakiens depuis le début du conflit dans leur pays, a rapporté mercredi le quotidien officiel "Al-Baas", citant le ministère syrien de l’Intérieur. Sur ce total, environ 648.000 Irakiens ont gagné la Syrie dans les mois suivant le renversement du régime de Saddam Hussein en 2003, selon un responsable du ministère cité par le quotidien. Cet afflux de réfugiés est attribué aux lois syriennes facilitant l’obtention de visas pour les populations arabes, ainsi qu’à la proximité géographique et culturelle de la Syrie avec l’Irak. Les réfugiés irakiens
peuvent obtenir un permis de séjour annuel renouvelable s’ils disposent d’un revenu financier fixe dans le pays, s’ils sont propriétaires ou s’ils ont inscrit leurs enfants dans une école syrienne, selon le responsable cité par "Al-Baas". Les réfugiés irakiens se sont majoritairement installés à Damas et dans ses environs. La plupart seraient issus des classes moyennes et vivraient de leurs économies. Source http://www.aloufok.net/ Un million huit-cent mille İrakiens refugıes hors d'Irak et un million deux-cent mille deplaces en Irak d'apres le rapport Hamilton - Baker.

On peut critiquer tant qu'on veut le regime syrien mais, nobobstant leur influence sur la region et certains pays voisins, il y a une chose qu'on ne peut leur reprocher, c'est d'assumer le caractere arabe de leur republique. Le statut des Palestiniens refugies y est ainsi parmi les plus "enviables" de la region. Il faut voir a quel point ceci ne constituera pas un facteur destabilisant pour le pouvoir syrien. J'ai entendu le chiffre de 1 million d'Irakiens en Syrie, presqu'autant que de Kurdes, ca commence a faire nombre.

Commercial Bank of Syria, Kamishli branch

Dans ma volonte d'avancer, j'ai un peu brule les etapes, et n'ai pas pris la peine de prendre quelques dollars en route, persuade que je trouverais un ATM dans cette ville frontiere de Qamishli. Que nenni. Pas de distributeur, ceci m'est confirme a l'hotel et par l'un ou l'autre commercant. Aıe ca commence bien, pas un kopek, meme pour retourner a la ville d'avant. Je rentre donc dans cette banque, je m'adresse au guichet, meme reponse : ce mouvement de la tete et des sourcils vers le haut qui ne demande aucun commentaire.

De l'autre cote de la piece, une porte avec l'inscription "Manager", j'y rentre sans invitation. Ceci dit, c'est quand meme fou ce qu'on peut se permettre en tant que touriste. De l'autre cote du bureau massif, une femme, entre 35 et 40 ans. Elle gere les entrees et les sorties dans son bureau, appelle et renvoie son personnel exclusivement masculin. Plusieurs portraits d'Hafez el Assad, et un culte manifeste a Bassel, le fils d'Hafez qui devait lui succeder, mais qui est decede dans un accident de voiture en 1994. Une seule photo de Bachar, dans la bibliotheque. Bachar avec sa femme et ses enfants, qui pose devant un paysage de montagnes suisses.

Elle me demande de m'installer et je lui explique mon cas. Bon, d'abord, on va se prendre un the et apres on commencera a reflechir. On oublie completement la raison de ma presence et comme elle parle un peu anglais, c'est l'occasion de poser quelques questions. Du style : vous vous sentez comment a devoir gerer cette banque au coeur de cet environnement d'hommes ? Ce qui ne provoquera qu'un sourire. Un peu comme chez nous je presume.

Noura continue, elle n'est pas arabe, mais syriaque. Il y a ici a Qamishli des arabes bien entendu, des syriaques orthodoxes et catholiques, enormement d'İrakiens, des Kurdes en majorite et des Armeniens. Quelques Turcs perdus. Un beau melting pot. Au milieu de tout et de rien, je lui demande si elle est mariee ou plutot, plus subtilement, si elle a une famille. Bien sur qu'elle a une famille, mais ni marriee, ni enfants. Ce n'est pas par manque de temps comme je lui suggerai, elle ne sait pas pourquoi.

dimanche, avril 08, 2007

Damas Ommeyade



Petite visite aujourd'hui a la Grande Mosquee Ommeyade de Damas, sans doute la plus belle, sinon la plus imposante du monde. Je me suis enfin decide, lors de ma quatrieme visite a Damas depuis que je suis au Liban, a la visiter. Cette mosquee fait dans l'oeucumenisme (oui, les puristes, on reste calme), dans le sens ou l'on trouve, encoffree dans un impressionant sarcophage la tete, parait-il, de Saint Jean Baptiste. Puis plus loin, la tombe de Hussein, le fils d'Ali, prophetes emblematiques de la religion chiite. Parfois je reste pantois devant la tolerance inter-religieuse qui existe en ces lieux. Alors que je vois dans l'actualite que des heurts entre sunnites et chiites ont cause la mort de 70 personnes hier au Pakistan dans la zone frontiere afghane.

Je suis reste avec un pote a discuter une bonne heure, assis sur l'un des innombrables tapis qui couvrent la salle principale des prieres, a discuter de l'incroyable intolerance religieuse et de la betise de la religion, en rapport avec la grande serenite qui baigne les lieux. Au milieu des gens qui viennent pratiquer leur priere, des gosses qui jouent et crient dans tous les sens, des gens dorment, d'autres lisent, d'autres discutent a voix basse dans les coins. On n'est absolument pas inquietes, tout est tranquille. Ces tapis, je me rapelle lors de la visite du souq de Mashhad en Iran, proviennent d'Iran. Ca fait un bon 200 m sur 50 m de tapis, 10km carre de tapis persan tresse a la main, pas mal.

Je suis donc toujours a damas, l'objectif est, des demain matin, d'avancer vers le Kurdistan turc.
Ca faisait 3 jours qu'on fetait l'arrivee d'un pote, la fete jour et nuit, on a fait le tour de beyrouth, les quartiers, il nous est arrive un million de truc, les controles du hezbollah, les rencontres avec des penseurs communistes, du karaoke super naze au bar ou les gens dansent sur les tables et tombent dans la biere sur de la musique traditionnelle arabe. Alors on decide d'aller a damas sur un coup de tete "pour fuir l'enfer de beyrouth" en gros pour fuir l'alcool, la fete etc (sic).

Tres bien. On arrive a Damas, un week-end de Paques, sans avoir reserve, l'erreur. On a donc pris d'assaut, on force le manager a ouvrir, le toit de l'hotel ar-rabie, un hotel de la zone des touristes, le souq saroujah. Mais non, mon ami, il fait pas trop froid, 16 degres la nuit, avec une ou deux couvertures, c'est extremement clement. Apres avoir ete refoules a l'entree d'une boite de nuit, ouf, pour une fois, on est cleans, merci les sorteurs (joli clin d'oeil : l'Arabe qui pour une fois empeche l'Occidental d'entrer dans un night club), on rentre, et il se met a pleuvoir une bonne partie de la nuit. En avril, a Damas, le climat global est vraiment deregle...

Demain je prends le premier bus pour le nord de a Syrie, Qamishle ou Raqqa. De la je me rendrai a Dyarbakir, retour a la vraie vie, si on peut dire.

Stats