mardi, juillet 31, 2007

Il est temps de relacher la pression...

... sauf si l'objectif est vraiment de mettre le Liban à feu et à sang.

Dans l'histoire du Liban, chaque fois qu'une communauté ou une faction a tenté de prendre l'ascendant absolu sur une autre, cela s'est terminé dans un bain de sang. Chaque fois qu'une ou des puissances étrangères se sont immiscées dans les affaires intérieures du Pays du Cèdre, cela s'est soldé par la débacle et l'humiliation de l'étranger, celui-ci n'ayant pas eu le feeling nécessaire de savoir où s'arrêter dans l'ingérence.

Les U.S. viennent de signer une série de contrats d'armement juteux avec les acteurs de la région : 13 Mld pour Egypte, 30 Mld pour Israël et une aide à l'Arabie Saoudite et les autres pays du Golfe (on parle de 20 Mld pour ces derniers). Selon Condoleeza Rice, l'objectif est de contrer la Syrie, l'Iran, Al Qaeda et le Hezbollah, notamment pour donner sa souveraineté au Liban. Elle rajoute : l'Iran est derrière les attentats qui secouent le Liban. C'est clair qu'on a besoin, au Liban, de l'aide d'une super-puissance régionale, pour rassembler 2 kilo de TNT et les faire exploser sous une voiture... Restons sérieux. Condi, la femme qui a un jour annoncé, en plein bombardements du Liban de l'été 2006, que ce dont nous étions témoin était l'enfantement dans la douleur du nouveau Moyen Orient.

Alors que les U.S. viennent d'allonger près de 70 Mld de dollars d'armement au Proche Orient, dont la plus grosse partie pour l'ennemi israélien (1), les déclarations de Koushner relative aux pressions à exercer sur l'Iran et la Syrie pour pacifier la région, ne sont pas non plus -disons- appropriées.

C'est comme si l'on ne retenait pas les leçons du passé dans cette région.

(1) Quelque 500 millions de dollars ont été promis au gouvernement libanais dans la foulée de Paris III en aide militaire. On peut supposer qu'un tel montant ne serve qu'à assurer la sécurité intérieure, et en aucun cas de donner à l'Etat libanais les moyens de résister à une nouvelle agression israélienne.

Un journaliste du magazine LE TEMPS demandait à Michel Aoun dans une interview récente si il croyait l'unité du Liban menacée.

L'entente et l'union que nous proposons sont la seule voie de salut. Or l'Occident n'en veut pas. Je soupçonne les Etats-Unis de travailler à la déstabilisation du Liban, après celle de l'Afghanistan, de l'Irak, de la Somalie, etc. Je crois en fait que les Américains souhaitent un nouvel affrontement dans ce pays. Pour organiser, à la faveur de ce désordre, l'implantation au Liban des Palestiniens qui y résident, parce qu'on ne leur donnera pas d'autre pays.

jeudi, juillet 26, 2007

Un peu de tout (26 juillet 2007)

Une amie, C., de Jounieh, la trentaine accomplie, n'était jamais allée à la Corniche de Beyrouth, l'un des endroits les plus célèbres du Liban. C'est un peu comme si un Brugeois n'avait jamais vu le port d'Ostende ou si un Versaillais n'avait jamais vu l'Arc de Triomphe. Ce n'est pas par peur ou par refus, c'est simplement par habitude de ne jamais y aller, la Corniche, Raouché, c'est Beyrouth Ouest. Et ça fait dix-sept ans que la guerre est finie.
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A la veille des élections dans le Metn pour remplacer le siège du député Pierre Gemayel, assassiné l'année dernière, ainsi que celui de Walid Eido, assassiné en juin, je trouvais nécessaire de rappeler les forces parlementaires en présence.

elections: last held in four rounds on 29 May, 5, 12, 19 June 2005 (next to be held 2009) election results, seats by group (partis principaux) :

Majorité :

Future Movement Bloc 36; Hariri - Siniora (Sunnite)
Parti Socialiste Progressiste 16; Jumblatt (Druze)
Qornet Shewan 6 : Kataeb / Phalanges (Gemayel, Chrétien) et PNL (Chamoun, Chrétien)
Lebanese Forces 5; (Geagea, Chrétien)

Opposition :

Development and Resistance Bloc 15; Amal, Nabih Berry (Chiite)
Loyalty to the Resistance 14; Hezbollah (Chiite)
Free Patriotic Movement 15; Aoun (Chrétien)
Skaff Bloc 5 ; principalement Chrétien, de Zahlé
Murr Bloc 2 ; 2 parlementaires Chrétiens du Metn dont Michel Murr.
SSNP 2

Voir ici de manière plus précise comment les sièges sont répartis.

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Un pote m'a transmis l'adresse d'un chat robot auquel vous pouvez posez les questions que vous voulez.

Human : Hello Alice
ALICE : Hi there
Human : I've a question
ALICE : ask me anything
Human : who killed rafiq el Hariri ?
ALICE : I think the lone gunman acted alone.
Human: do you think Bachar is the lone gunman ?
ALICE: It depends on what you mean by thinking.
Human: is aoun backed by syria ?
ALICE: Signs point to yes. Ask Paola if he is.
Human: I mean, is Michel Aoun, the lebanese opposition leader, backed by Syria ?
ALICE: Oh I get it. Thanks for explaining that. I think so, but I'm not sure. Ask John Lennon if he is.

J'ai trouvé, Walid Joumblatt se cache derrière ALICE !

lundi, juillet 16, 2007

Un peu de geopolitique : les petromonarchies du Golfe.

Je réorganise mon disque dur, j'en profite pour poster un article en relation avec les petites monarchies du Golfe arabo-persique. Ce sont les 5 États du Conseil de Coopération du Golfe, hors Arabie Saoudite : Qatar, Bahrain, Emirats, Koweit et Oman. A peine 10 millions d'habitants a eux cinq, des émirs et des cheikhs qui se trimballent, immaculés de blanc, attache case en main et lunettes de soleil dans les aéroports de la région (même en pleine nuit), pour servir un bon gros cliche. Ils vous fournissent une bonne partie du réservoir de votre tire. Je me suis penche sur leur environnement régional et international et sur leurs moyens d'action.

Facteurs externes

a/ Intégration régionale : le CCG.

Le Conseil de Coopération du Golfe est avant tout un pacte sécuritaire, qui peu à peu s’est développé vers un modèle d’intégration économique à l’Européenne.

Fondé en 1981, il trouve son origine dans la période trouble de l’année 1979 : la révolution islamique en Iran, l’attaque sur la mosquée de La Mecque par des radicaux saoudiens, l’invasion soviétique en Afghanistan. Cependant, le pacte ne jouera jamais un rôle militaire prépondérant, la priorité ayant été donnée, Etat par Etat, à l’alliance avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, avec de lourds contrats d’armements à la clef. La guerre Iran-Irak dans les années 1980 et l’invasion du Koweït donnera raison à cette stratégie. De 1995 à 2004, les six Etats du CCG (y compris Arabie Saoudite) ont importé pour 83 Milliards $ d’armement, principalement des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France (à titre de comparaison, 2,9 Milliard pour l’Iran durant la même période)[1], à titre individuel.

Le CCG « militaire », pris ensemble, est resté lettre morte en pratique, et a développé une stratégie avant tout politique et économique. Au sein du CCG, les acteurs peuvent jouer « cavalier seul », prenons comme exemple la signature d’un accord de libre-échange entre Bahreïn et les Etats-Unis en 2004, ce qui a provoqué, entre autres, l’ire de l’Arabie Saoudite. Comme on peut s’y attendre dans un tel contexte, les autres membres du CCG ont pour la plupart engagé des négociations bilatérales en vue de la signature du même type d’accord.

b/ Une faible marge de manœuvre dans l’environnement régional et international

Sans entrer dans les détails, les Etats de la région ont connu quelques litiges territoriaux : Emirats avec l’Arabie et l’Iran, le Koweït avec l’Irak, le Qatar avec ses voisins. Il faut souligner que le coût stratégique de ces litiges a souvent été beaucoup plus important que la valeur réelle des terres en question. De nombreux litiges ont été apaisés ces dernières années, il faut voir si il s’agit là d’un gage de stabilité.

On peut esquisser l’environnement international de ces Etats selon trois niveaux. L’un très proche constitué par l’Arabie Saoudite, un voisin « encombrant » mais duquel des distances ont été prises depuis 2001. L’environnement proche est constitué de l’Irak et de l’Iran. Le premier est en état de déliquescence. Vis-à-vis du second, malgré quelques tensions territoriales avec les Emirats et le Bahreïn, la volonté est d’éviter d’hypothéquer les relations, juste pour plaire aux Etats-Unis, dont le comportement est jugé imprévisible. Enfin, le troisième niveau, éloigné, est constitué par les Etats-Unis et l’Europe. On aurait pu inclure des puissances régionales, économiques ou politiques, comme Israël, le Pakistan ou l’Inde, mais il fallait limiter le champ de l’étude.

o Royaume d’Arabie Saoudite

Le sentiment particulariste, national, des cinq monarchies étudiées s’est pour l’essentiel construit contre le voisin saoudien : relative tolérance en matière de mœurs et tolérance religieuse. Après avoir découvert, lors de l’invasion du Koweït par l’Irak en 1990, que les « gens du Golfe » étaient méprisés dans le monde arabe, on a vu se développer progressivement chez ceux-ci le caractère décomplexé d’une identité « khalijienne » (du Golfe). On y trouve une plus grande expression de l’aspiration à la démocratie que dans la plupart des autres Etats de la région, on a vu apparaître des vecteurs comme Al Jaazira, et l’internet y est moins censuré qu’ailleurs, pour l’illustrer par quelques signes.

Les attentats du 11 septembre 2001 de New York et Washington et l’invasion de l’Afghanistan qui a suivi, ont rééquilibré partiellement les rapports américano-saoudiens en faveur des 5 autres membres du CCG. C’est le point de départ d’un mouvement d’émancipation par rapport au grand voisin et frère saoudien.

Les 5 monarchies du Golfe doivent se frayer un chemin entre l’Arabie Saoudite et l’Iran. Les deux grands voisins se présentent comme partenaires, aujourd’hui plus qu’hier, après les tensions dues au contrôle du pèlerinage, au soutien saoudien à l’Irak dans les années 1980, à la saturation du marché pétrolier et la lutte pour l’hégémonie régionale. Ces tensions existent toujours, étant donné que le gouvernement saoudien ajuste régulièrement le niveau de production pour étrangler financièrement la politique économique du gouvernement Ahmedinejad. Les monarchies jouent un rôle mineur dans la querelle et s’emploient à le maximiser, en se rapprochant de l’Iran ou de l’Arabie Saoudite, ou en critiquant l’un et l’autre par voie médiatique, le tout dans le cadre d’un équilibre subtil.

o Irak

Les monarques du Golfe se sont tous félicité de la chute de Saddam Hussein en Irak, et c’est un sentiment partagé par la population en général. Mais la satisfaction s’arrête là.

On l’a vu, une bonne part de l’opinion publique des pays du Golfe est contre la présence durable des Etats-Unis, que ce soit en Irak ou en stationnement dans les Etats voisins.

Les dirigeants, quant à eux, craignent une déstabilisation régionale due au vide relatif du pouvoir à Bagdad et surtout le prolongement sur leur territoire de la guerre civile irakienne[2]. Au Bahreïn, il y a 70% de Chiites et le pouvoir est aux mains d’une dynastie sunnite. Un tiers de Chiites au Koweït. Il y a aussi la crainte de voir l’insurgence islamiste internationale, qui trouve en Irak un terrain fertile, toucher les autres Etats de la Péninsule.

o Iran

L’histoire récente des pays du Golfe a connu des tensions avec l’Iran. Le Bahreïn, où se trouvent 70% de chiites, ethniquement arabes, est toujours plus ou moins considéré par Téhéran comme une province enlevée par le colonisateur. Les Emirats Arabes Unis se sont vu prendre trois îles par la République Islamique en 1994. Khomeiny n’était pas avare de diatribes contre les Monarchies du Golfe, « vendues aux USA ». Les relations se sont détendues avec Rafsandjani, puis encore plus avec Khatami, mais le discours radical d’Ahmedinejad est moyennement apprécié parmi les dirigeants des Etats monarchiques.

L’Iran est le vainqueur, pour le moment, de la guerre en Irak.

Le vide du pouvoir en Irak a pour effet que l’Iran est désormais vue avec moins de craintes que par le passé parmi les cinq pays du Golfe dont il est question dans ce travail.

Pour une bonne part de la population, son modèle religieux et relativement « pluraliste », par rapport à celui du voisin saoudien, est plus séduisant. La répartition des richesses y est perçu de façon plus équitable en terme de création d’emplois et d’investissement dans les services publics. La distanciation de la République islamique vis-à-vis des USA est en outre appréciée, tant qu’elle n’est pas conflictuelle. L’Iran serait en mesure de retrouver son statut de puissance régionale, non sans rappeler l’époque du Shah. Enfin, le discours radical d’Ahmedinejad est apprécié par la rue, en contraste avec les discours soumis à l’Occident des monarques de l’ensemble de la Péninsule arabique.

L’Iran joue de ce réchauffement des relations avec ses co-riverains du Golfe persique (en tout cas sur le long terme), en laissant comprendre, aux gouvernements irakiens et saoudiens, qu’elle ne permettra pas de laisser réduire l’autonomie des pétromonarchies. Elles constituent en outre un marché ouverts pour l’Iran, un marché de contacts avec des compagnies occidentales, le tout dans le cadre d’une « mondialisation non menaçante »[3].

Le programme nucléaire militaire iranien est probablement en route, et ce, depuis 20 ans. Un Iran nucléaire engendrerait sans doute une prolifération nucléaire, notamment vis-à-vis de l’équilibre régional traditionnel, valable depuis l’Antiquité, le triangle constitué par les actuels Iran, Egypte et Turquie. Au milieu de ce triangle, l’Arabie Saoudite se doterait également de l’arme nucléaire, avec l’appui des Etats-Unis[5].

En décembre 2006, le sommet du CCG a décidé de lancer un programme de recherche nucléaire. Le secrétaire général du Conseil s’est rendu à l’AIEA à Vienne pour discuter d’un programme nucléaire allégé « pour faire face au tarissement des ressources pétrolières » en décembre 2007. Le message, juste dans cette période, ne pouvait être plus clair envers Téhéran.

Une attaque sur l’Iran engendrerait des ripostes iraniennes sur les installations pétrolières dans le Golfe persique, ce qui multiplierait le prix du pétrole par trois[6]. Malgré ce bénéfice, les Etats monarchiques dépendent de leurs ressources et de l’exploitation pétrolières, c’est un intérêt vital avec lequel ils ne pourraient raisonnablement prendre de risque. En outre, le Qatar, site du QG général américain (force aérienne), serait la première cible iranienne, avec le Bahreïn, port d’attache de la 5e flotte américaine. Sans parler de la menace terroriste dans les autres états du Golfe. Ils préfèrent donc reconnaître un leadership à l’Iran plutôt que d’aller vers la confrontation.

o Etats-Unis

Les Etats-Unis ont des intérêts de quatre ordres dans la région :

- l’accès au pétrole et l’assurance que celui-ci soit disponible en masse et à bon marché ;

- les bases militaires de projection, notamment au Bahreïn et au Qatar ;

- le marché de l’armement ;

- la sécurité d’Israël.

L’impopularité des Etats-Unis auprès de l’opinion publique est proportionnelle au degré d’engagement des gouvernements auprès des Américains. Une bonne partie de l’opinion publique, et pas seulement islamiste, voit en la présence américaine dans le Golfe non moins que la Xe croisade, après les huit croisades de 1099-1291 et la colonisation.

Il y a trois développements prévisibles des relations entre les pétromonarchies et les Etats-Unis.

- La continuation actuelle d’une politique US faite de mise en concurrence intensifiée entre clientélismes, avec une forte présence militaire, au risque d’augmenter encore l’antipathie à l’égard de la super-puissance, avec ce que cela comporte de risque terroriste contre les intérêts américains.

- Une intégration régionale de sécurité avec l’aide des Etats-Unis, sur le modèle de l’OTAN après la seconde guerre mondiale, avec l’Arabie Saoudite. Ceci permettrait aux Etats-Unis de rester un peu en retrait de la scène, tout en conservant un fort lien avec ces Etats du Golfe. Ceci ne tient pas compte de changements de régime, hostiles aux Etats-Unis, qui pourraient se produire. Et pour les cinq pétromonarchies, cela signifierait sans doute un retour dans le giron de l’Arabie Saoudite qui y jouerait un rôle central. Sous condition de réglages et de garanties, c’est sans doute le scénario préféré des monarques au pouvoir actuellement.

- La montée du radicalisme anti-américain, plus prévisible dans le premier cas que dans le second ci-dessus. Avec comme corollaire une répression accrue, mais sera-t-elle compatible avec l’évolution démocratique actuelle ? et/ou une distanciation par rapport aux Etats-Unis, avec changement de régime ou non.

L’imposition extérieure d’un agenda politique américain, qui vient s’ajouter à un équilibre régional et un équilibre interne fragile, notamment du fait d’une jeunesse en Etat de frustration, qui se raccroche à l’islamisme et les problèmes de succession (qui empêchent la transition) est un mélange qui peut s’avérer explosif.

Orientations et options diplomatiques dans ce contexte

a/ Moyens de mener une politique extérieure

Etant donné le peu de puissance militaire propre, la faible dimension en superficie (sauf Oman) et en population de ces Etats, l’essentiel de leur diplomatie repose sur les alliances, et en ce qui concerne leur propre politique, sur des moyens financiers.

Malgré les problèmes de chômage et de structure de l’économie, la croissance dans la zone CCG est assez unique au monde, avec des taux entre 5 et 10% en PIB réel[7]. La pression (à la hausse) sur le prix du pétrole ne risque pas de s’affaiblir à moyen terme, en raison des besoins chinois et indiens, le conflit dans le Golfe et la tension autour de l’Iran. Ceci laisse présager des moyens financiers maintenus, sinon accrus.

b/ Diplomatie de projection et de protection

Le Qatar et le Sultanat d’Oman usent d’une diplomatie de projection. Ils projettent à l’extérieur une influence politique, économique ou culturelle.

Le Qatar est engagé dans une partie diplomatique compliquée avec ses voisins. La motivation pour mener une telle stratégie diplomatique est qu’elle est largement protégée par les Etats-Unis et a compris tout l’intérêt de jouer un rôle moteur pour le développement de la démocratie dans la région. Al Jaazira, de par sa liberté de ton et l’accès qu’elle donne à tous les courants politiques, est un outil de propagande et de lutte contre le despotisme des Etats voisins, qui n’apprécient pas du tout ce développement.

Pour Oman, on peut y voir des raisons culturelles et historiques, Mascate est la seule entité de la région à avoir jadis été un empire, on peut y déceler les traces d’une histoire profondément ancrée et un passé glorieux. Le Sultanat ne subit en outre pas de menace directe de la part de ses voisins ni de revendications territoriales.

Les Emirats Arabes Unis, le Koweït et le Bahreïn exercent plutôt une diplomatie de protection. Elle est basée sur la sécurité et l’intégrité territoriale.

Les Emirats sont dans une situation de tension avec l’Iran dans la mesure où trois de ses îles restent annexées par celle-ci. Le Bahreïn est considéré encore vaguement comme une province par l’Iran et, sa population étant constituée de 70% de Chiites, avec un pouvoir sunnite, elle craint la montée des Chiites en Irak. Le Koweït est constitué d’un tiers de Chiites et craint les troubles de l’Irak voisin. C’est en outre un Etat encore traumatisé de la guerre de 1990.

c/ Guerre médiatique entre Etats

L’un des moyens de mener cette diplomatie de projection (dans le cadre d’une soft diplomacy), est la présence médiatique.

Il n’est pas étonnant que les Etats pétroliers investissent des sommes considérables pour orienter les idées et contrer celles qui leur sont défavorables.

Il existe de forts liens culturels et de langue parmi les pays arabes. Ce terrain, occupé naguère exclusivement par la diffusion de films populaires égyptiens ou libanais, ou d’informations formatées d’origine saoudienne, a laissé la place depuis les années 1990, à une information pluraliste et largement diffusée. Ainsi s’est formé un espace public arabe qui juge les politiques des gouvernements du Moyen Orient.

Nous avons déjà abordé le cas d’Al Jaazira, pour le Qatar depuis 1996, qui a mis fin à la domination saoudo-libanaise, mais cette chaîne de télévision, désormais diffusée également en anglais, n’est pas le seul vecteur de « contre-pouvoir ». Il faut noter entre autres Al Hayat, organe de presse qui donne le ton dans les principales rédactions du monde arabe, MBC Television, Al Chark al Wasat (Moyen Orient), organe de presse également très influent.

Or, ce que l’on observe, c’est que tous les journaux et médias panarabes vivent de subventions de l’Etat. Aucun n’est viable per se. Si l’on parle de « contre-pouvoir », c’est essentiellement à l’encontre d’Etats étrangers voisins, et également à l’échelle globale dans le cadre du conflit israélo-palestinien et de l’occupation de l’Irak, mais certainement pas dans une remise en cause du régime du territoire duquel la plupart de ces médias sont diffusés. Il subsiste encore une censure importante, voire une répression physique à l’égard des journalistes, et ce, dans la plupart des pays du Golfe[8].

Approche commune ou cavalier seul

La politique extérieure des cinq petites monarchies du Golfe arabo-persique est tiraillée entre la nécessité de faire bloc pour avoir un poids significatif (CCG, au sein de la Ligue des Etats arabes) et celle de « jouer en solitaire » avec les principaux acteurs régionaux et globaux (Arabie Saoudite, Iran, Etats-Unis) pour maximiser leur gain.

Entre elles, étant donné qu’elles sont concurrentes sur le même marché, elles sont tentées par le jeu de la concurrence, économique et politique. Cependant, elles partagent assez de caractéristiques et de défis en commun que pour adopter des stratégies communes.

Vu de l’extérieur, les Etats-Unis et l’Europe, premiers exportateurs d’hydrocarbures à l’heure actuelle, ne verraient pas d’un bon œil une politique commune trop concordante entre les acteurs de la région (CCG, Iran et Irak) qui pourraient s’entendre sur la production et le prix du pétrole.

Sur le plan régional, l’Iran et l’Arabie Saoudite sont souvent tentées de semer la division entre ces petites monarchies (incitants et menaces), en vue d’obtenir des gains stratégiques dans leur lutte pour l’hégémonie sur la région.

C’est entre ces tendances centripètes et centrifuges qu’évolue la politique extérieure de ces Etats monarchiques du Golfe.

Sources :

Da Lage Olivier, L’Arabie et ses voisins, la revanche des vassaux, Les Cahiers de l’Orient numéro 82, 2006.

Dossier sur l’Arabie Saoudite, Les Cahiers de l’Orient, numéro 82, 2006.

Greenwald Jonathan et Malley Robert, U.S. Security Policy in the Persian Gulf, International Crisis Group, 2004.

Kechichian Joseph A., Can conservative Arab Gulf monarchies endure a fourth war in the Persian Gulf ?, The Middle East Journal, vol.61, numéro 2, printemps 2007.

Khouri Rami G., Top three Gulf security dilemmas, Jordan Times 02/12/2005.

Leveau Rémy et Charillon Frédéric (dir.), Monarchies du Golfe, Les micro-Etats de la péninsule arabique, Paris, La Documentation Française, 2005.

Ménoret Pascal, L’Enigme saoudienne, Les Saoudiens et le monde, 1744-2003, Paris, La Découverte, 2004.

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[1] Greenwald Jonathan et Malley Robert, U.S. Security Policy in the Persian Gulf, International Crisis Group, 2004.

[2] Dénomination appropriée, par exemple, Fearon James D., Iraq’s Civil War, Foreign Affairs, Mars/Avril 2007.

[3] Leveau Rémy, Les monarchies du Golfe, les micro-Etats de la péninsule arabique, La Documentation Française, 2005, p. 18.

[5] Kechichian Joseph, Can conservative arab Gulf monarchies endure a fourth war in the Persian Gulf ?, The Middle East Journal, vol.61, printemps 2007.

[6] Oil prices could triple upon a US invasion of Iran, Arab News, 21 juin 2006.

[7] Azzam Henry T., Gulf States to Continue Strong Economic Growth in 2007, Arab news, 08/01/2007.

[8] Mubarak Ebtihal, Independent Gulf Media Watchdog Soon, Arab News, 15/06/2007.

jeudi, juillet 12, 2007

La paix entre Israel et la Syrie

Cet article est posté un an apres le début de la guerre de l'été dernier, et le surlendemain des déclarations faites par Ehud Olmert pour engager la paix avec Damas. J'avais écrit ceci il y a quelques semaines.

Il y a un principe fondamental en diplomatie, a fortiori dans un environnement international chaotique, voire hostile, qui veut qu’un Etat a tout intérêt à être en paix avec ses voisins, et le cas échéant, que ces voisins soient en situation de tension avec leurs autres voisins (de préférence non commun), ce qui a pour don de détourner leurs ressources vers d’autres buts qu’une action hostile envers cet Etat. Les joueurs de Diplomacy, ou même de Risk, ne me contrediront pas. Or, ce que l’on observe avec le Liban, depuis de nombreuses années, est une situation exactement inverse.

D’une part, le Liban connaît une situation de tension avec la Syrie, depuis l’occupation militaire et ensuite après le « Printemps de Beyrouth » et le retrait syrien. Le premier accuse le second d’ingérence dans ses affaires intérieures, via ses services secrets et l’armement de la Résistance au Sud Liban et le second ne voit pas le Tribunal International pour juger des attentats qui ont suivi le printemps 2005 d’un bon œil, sans parler de l’affront international d’avoir du retraiter d’un territoire considéré historiquement comme faisant partie de la « Grande Syrie » (certainement en ce qui concerne la Bekaa). La République Arabe Syrienne a tissé en revanche de bonnes relations avec ses voisins directs. Avec la Turquie, depuis la normalisation des tensions dues à la question kurde et à celle des eaux du Tigre et de l’Euphrate, pour laquelle la Turquie a adressé des messages positifs à son voisin syrien. Envers l’Irak, avec lequel la Syrie vient de rétablir des relations diplomatiques après plusieurs décennies d’interruption. Avec la Jordanie, par tradition. Et avec l’Arabie Saoudite avec qui perdurent des relations de respect mutuel « policé » pour des raisons que nous ne développerons pas ici. Il reste le voisin israélien, avec qui la Syrie est en contentieux depuis 1967 et l’Occupation du Golan et au-delà à travers le support de la résistance (ou du terrorisme selon le point de vue où l’on se place) au Liban et en Palestine Occupée. Mais ici, force est de constater qu’aucun coup de fusil, pour ainsi dire, n’a été échangé directement entre la Syrie et Israël depuis une bonne trentaine d’années (cessez-le-feu en 1974), si ce n’est au Liban.

D’autre part, le Liban connaît une situation d’extrême tension avec son voisin israélien, il va sans dire. Je ne vais pas répéter les multiples interventions armées qui ont émaillé leurs relations, ne fût-ce que depuis celles de 1978 et de 1982 et la montée à Beyrouth Ouest pour en déloger l’OLP retranchée. Il y a aussi la présence des services secrets israéliens.[1] Enfin, il ne faudrait pas occulter, derrière la question de la présence du Hezbollah au Sud Liban, et l’aide logistique de la Syrie et de l’Iran à l’organisation chiite, le fait qu’il y a sans doute des motivations concurrentielles à la destruction périodique de l’économie libanaise par l’Etat d’Israël. L’objectif en la matière est de s’assurer le monopole de la « Tête de pont en Orient », et détruire toute concurrence touristique, le Liban ayant en ce domaine des atouts de premier ordre. Israël, en dehors de ses opérations dans les Territoires Occupés, a toute la latitude de se concentrer sur le Liban, dans la mesure où il est en paix avec tous ses voisins. Avec l’Egypte depuis la signature des accords de paix en 1977. Avec la Jordanie depuis les années 1990. Il reste la Syrie avec laquelle perdure une situation de conflit froid, mais régulé, on l’a vu, au Liban.

Le Liban se trouve donc dans une situation inverse à tout ce que pourrait rêver un Ministre des Affaires étrangères ou un stratège militaire, avec les circonstances aggravantes que ses deux seuls voisins sont dans une situation de conflit latent. Et parmi les trois entités, le Liban est de loin le plus faible.

Par conséquent, il ne revient pas réalistement au Liban de prendre l’initiative de signer un accord de paix avec son voisin israélien tant qu’un tel accord ne serait officialisé entre la Syrie et Israël. Il est aussi fortement probable qu’un accord de paix (réel) entre la Syrie et Israël, peu probable à l’heure actuelle[2] se ferait sur le compte du Liban. Car qui à part la Syrie serait en mesure de contrôler militairement, et surtout politiquement, le Hezbollah au Sud Liban tout en sachant que cet accord hypothétique, en affaiblissant les liens existant entre la Syrie et l’Iran, pousserait cette dernière à renforcer son influence sur le théâtre libanais ? En tout cas, pas la FINUL et encore moins l’armée libanaise, qui a déjà tellement de mal à mater la rébellion du Fatah Al Islam dans les camps palestiniens.

Pour échapper à cette quadrature du cercle, il faudrait un accord simultané de toutes les parties en présence (Israël, Syrie, Liban – tous ses leaders communautaires-, Hezbollah), supporté par les puissances occidentales, plus l’Iran et l’Arabie Saoudite, dans une convergence exceptionnelle d’intérêts.

[1] Voir le démantèlement d’une cellule associée au Mossad au Liban en 2006 ainsi que l’ouvrage, très orienté, mais éclairant sur la question, du journaliste israélien Uri Dan, Mossad, 50 ans de guerre secrète, Presses de la Cité, 1995.
[2] Entre autres Talhami Assad, Israël, Cinq raisons pour refuser tout compromis avec la Syrie, in Courrier International, 29 mars 2007, p.31, article original dans Al Hayat, Londres.

lundi, juillet 09, 2007

Un peu de tout (9 juillet 2007)

Ce matin j'ai effacé une douzaine de numéros de mon répertoire telephonique. Fameux coup de balai. Tout le monde se casse depuis quelques semaines. C'est triste. Comme m'a dit W., Libanais de 30 ans et des poussières : "tu as un aperçu de ce que nous vivons depuis des décennies, habibi...".

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De source bien informée, des mouvements ont lieu dans les camps palestiniens de Saida (Sud) et près de Zahlé dans la Bekaa. Des tunnels seraient creusés par des Palestiniens pour pouvoir fuir le cas échéant. Des barricades seraient levées. L'armée serait en train de creuser des tranchées autour de ces camps. Loin de moi l'idée d'émettre la moindre critique envers la grande et brave armée libanaise, garante de l'intégrité territoriale du Liban contre tous ses ennemis extérieurs, mais ça rime à quoi tout cela ?

D'après la même source, la télévision syrienne aurait recommandé à tous les Syriens résidant au Liban de rentrer au pays avant le 15 juillet. Bachar a l'intention de lancer un grand recensement apparemment...

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Quelques sujets de dissertation en cette période d'examens :

Il y a un mythe solidement ancré dans la stratégie américaine, c'est que l'économie de marché et la démocratie sont un antidote au terrorisme. Or, ce dernier n'a pu être empêché dans de fortes démocraties comme la France et l'Espagne (ETA, FAR), en Italie (Brigades rouges), en Allemagne (RAF), en Grande-Bretagne (IRA)... Ce terrorisme avait une source nationale, dans des pays à la longue pratique démocratique et de marché libéral. Ce qui n'est pas un principe dans de tels pays, comment imaginer qu'il puisse l'être dans des pays qui n'ont jamais connu de phase démocratique ?

Pour beaucoup de gens dans le monde arabe, les Etats-Unis pensent imposer leur idéologie à travers la violence. Comment peuvent-ils critiquer les fondamentalistes qui cherchent aussi à imposer leur idéologie à travers la violence ?

La démocratie ne peut-être imposée de l'extérieur, sauf si une culture démocratique pré-existait avant la phase non démocratique.

Bonnes vacances,

lundi, juillet 02, 2007

Un peu de tout (2 juillet 2007)

Ce matin devant mon zaatar wou jebneh (sandwich roule a l'oregan et au fromage fondu, fourre d'olives, de tomates et de concombres haches fin) et mon cafe au Za'atar wa Zeit (chaine de fast food libanais, qui devient "Waterzoei" quand on rentre beurre a 6h du matin), la chaine de television LBC montrait les premieres images de l'interieur du camp de Nahr El Bared. Ici, on ne rigole plus.

Si vous voulez avoir une idee de ce que pensent pas mal de Libanais sur les Palestiniens, il faut aller voir cet article qui en dit long. On dirait que l'auteur (Dr. Joseph Hitti is a democracy activist, mort de rire), a zappe Oslo et Geneve et le fait que 99% des refugies palestiniens ne pourront jamais rentrer en Palestine et encore moins en Israel.

Pour Nahr el Bared, y a une video ici et des photos la. Sinon n'importe quel moteur de recherche avec les mots clef "nahr el bared" feront l'affaire.

Le Liban independant


Ce week-end, les Etats-Unis ont interdit sur leur sol dix ressortissants libanais et syriens. La plupart des Libanais pour tentative de "destabilisation" de leur poulain Fouad Siniora, le chef du mouvement "de l'Independance". Les reactions vont du "no comment" au "mais tout l'honneur est pour moi". Etre dans l'opposition, c'est "tenter de destabiliser le gouvernement", le concept est interessant. tandis que les Europeens voient en l'Administration Bush la plus grande menace pour la paix dans le monde (article du Financial Times).

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