mardi, mai 09, 2006

Récit de voyage à travers l'Iran

C'est bizarre quand même ces gens rencontrés. Un physicien français d'origine algérienne, venu suivre une conférence à Téhéran. Un employé d'une centrale nucléaire en Suisse... On plaisantait avec des compagnons d'un jour sur un nouveau style de tourisme particulier et nous avons d'ailleurs rebaptisé notre tour le "Iran uranium enrichment tour 2006". J'avoue que ça fait parfois du bien de partager un peu de route avec des compagnons de voyage, après des mois d'isolation quasi totale.

Déjà à Shiraz, j'ai rejoint une autre route de voyageurs, celle qui descends de l'Europe par la Turquie et qui va rejoindre le Pakistan puis l'Inde et le Nepal. Dans la cour de l'hotel Zand, un anglais retape une Royal Enfield qu'il a été chercher en Inde et qu'il remonte vers les Iles.

Les routes se croisent. Dans cette chambre commune à Isfahan, les voyageurs arrivent, d'autres partent. Ils ont tous des histoires à raconter, tel ou tel pays traversé. Du Nepal, du Pakistan, de Turquie via les Balkans. Les routes sont classiques. Pour ceux qui viennent de l'ouest et du nord, l'Iran constitue un choc culturel. Pour ceux qui viennent du Pakistan ou du sud, l'Iran paraît presque "cool" et tolérant.

Voici Masaki, un Japonais qui ne dira pas un seul mot pendant les 24h qu'il sera dans cette chambre commune. Il est malade comme un chien. Une semaine plus tard, je le verrai souriant et affable, parlant au milieu d'autres japonais dans une guesthouse de Téhéran. Contraste frappant. A Isfahan, il a été pris en charge, conduit à l'hôpital par Sakiko, arrivée en plein milieu de la nuit. Un immense courage, elle voyage seule autour du monde, cela lui prendra un an et demi ou deux. Je reverrai Masaki et Sakiko avec une bande de Japonais par pur hasard à Erevan, en Arménie. La gare de Erevan était fermée, je me suis installé dans le jardin d'un bar-restaurant dont les arcades donnent sur la place devant la gare. En sirotant ma bière russe, j'ai vu cette bande arriver et j'ai été à leur rencontre, retrouvailles et étreintes comme si nous nous connaissions tous depuis des années.

Avec 5 européens et Sakiko, on a joué à "Groupe de touristes" à Isfahan. Samuel, un Suisse allemand, le leader le plus soft du monde, l'anti-leader, mandaté par le groupe pour nous guider tous les 6. Il faut s'imaginer ce que c'est de mener un groupe pareil, tous les plus indépendants les uns que les autres. Le groupe sera vite réduit à deux, le leader et moi, par cascade d'abandons et de pertes de troupes. Voir photos d'Isfahan dans l'album Iran.

Sans entrer dans les détails, les lieux visités sont la Jameh mosque, mosquee bleue resplendissante comme on en trouve pas mal en Iran. Le square Emam Khomeiny, l'une des plus grandes places du monde, le palace "Shehel sotun" (palais au 40 colonnes) et surtout les ponts qui enjambent le Zayandeh, 5 ou 6 ponts, oeuvres architecturales qui figurent sur la plupart des dépliants touristiques. Fin au nargile sur une terrasse surplombant le square Emâm Khomeiny avec comme d'habitude un tas d'interaction avec des habitants locaux. Je revois aussi des têtes rencontrées à Shiraz et Yazd. Le lieu est bien connu des gens d'Isfahan pour celui qui veut exercer son anglais.

Kashan

Je me laisse conduire par le labyrinthe de petites ruelles, scène quasi identique à la vieille ville de Yazd en nettement moins touristique. Je tombe sur une série de trois villas rénovées et n'en visiterai qu'une, la Khan-e-Tabatabai. Apparemment les deux autres sont carrément en pleine rénovation et cela ne vaut pas la peine de les visiter. Encore là, une dizaine de bus déversent des flots de visiteurs iraniens. Plus loin, je visiterai un splendide hammam. Une Iranienne, guide d'un groupe de touristes parlant farsi, viendra me dire qu'il s'agit de la pièce majeure de la ville. Je passerai ensuite à Qom et enfin, Téhéran.

Tehran

Que dire de Téhéran à part qu'on y est facilement déboussolé. Pas vraiment une ville accueillante. Gigantesque en superficie, malade de sa circulation comme tant d'autres. On ne vient pas à Téhéran pour se relaxer. Un truc curieux, plus flagrant qu'au Caire par exemple, l'organisation des rues en types de commerce. Mon hôtel se trouvait dans le quartier des pneus et des accessoires automobiles. Plus loin, le quartier des accessoires électriques, les internet café tous dans la même rue, ce qui n'est guère pratiques. Imaginez une explosion de gaz qui rase un quartier, et plus de tournevis pour toute la ville ou plus de poignées de porte (gauches). Le souk de Téhéran, un immense labyrinthe, parmi les souks les plus impressionnants depuis le début de mon voyage est organisé selon le même principe. L’hôtel Mashhad, Amir Kabir st., est occupé par des Chinois, qui sont là depuis un mois. Une autre chambre abrite quatre Pakistanais. Si j'étais resté un jour de plus, c'est là que j'aurais déménagé, mais j'ai lié trop tard connaissance avec "Mister Qasr" de Lahore. On a passé une soirée à écouter les oeuvres musicales d'un iranien pianiste qui était là et membre d'un groupe de musique traditionnelle iranienne. Cet hôtel est manifestement connu des backpackers radins (comme tous les backpackers), et surtout, sur la route des Japonais. Masaki dont il est question plus tôt, un autre Japonais qui a traversé l'Asie en vélo. Et alors juste avant que je ne parte, Oli que j'avais rencontré à Isfahan, a débarqué. Dans son style de contradicteur rigide ne concédant pas au cycliste japonais qu'il était possible de monter par paliers de plus de 500m lorsque l'on marche ou l'on roule en montagne, sans avoir de maux de tête ou de nausée. Saturi disait que oui, vu que plusieurs amis l'ont fait. Oli répliquait que ce n'était absolument pas possible et même pas envisageable, sous les fous rires de l'assemblée. Un hall de gare cet hôtel.

Je ne pourrai laisser Oli qui a fait des kilomètres dans Téhéran pour trouver cet hôtel et nous iront manger dans un resto qui fait office de fumoir au-dessus d’un hôtel occupé par des Iraniens en nombre. Les conversations iront bon train avec une bonne moitié de la clientèle de l’établissement, notamment deux employés des mines de cuivre du nord-ouest, conversations entrecoupées par un gars, cheveux noir bouclés et quasi édenté, qui revendiquait qu’il était Oussama Ben Laden. Des bus depuis Téhéran pour tout le pays il y en a « everytime » comme dira le patron sympa de l’hôtel. Je prendrai le mien pour Mashhad, 15h de bus au programme, vers minuit. Voir par ailleurs sur Mashhad.

Mashhad – Gorgan – Sari – Rasht

J’ai appris en quelques mois à repérer les marchands de tapis à 5 kilomètres et à les décourager avant même qu’ils m’approchent. Mais là, j’avoue ne pas l’avoir vu venir, Vasil. Un père de famille qui m’a présenté la chose comme quoi il avait une heure à tuer pour exercer son français et si j’ai le temps, parler un peu avec son fils en français et en anglais. On échange un peu de français contre un peu de perse etc… Vasil a voyagé étant jeune, en Suisse, à Londres, en France… Bon ok, tout cela est bien sympa, mais ça s’est quand même terminé dans son magasin de tapis via un nombre incalculable de détours chez ces potes marchands d’encens et autres pierres bleues de Mashhad, comme par hasard.

Dans le bus entre Mashhad et Gorgan, il n’y avait pas 45 marchands de tapis, mais il était singulièrement communicatif. Pour peu, j’avais des adresses et des numéros de téléphone pour loger et être invité à manger dans des familles jusqu’à Astara, frontière de l’Azerbaïdjan. Le bus traditionnel avec ses deux Afghans taciturnes et son militaire en permission, qui file dans la nuit.

Gorgan by night. Descente de bus, Gorgan, 1H du matin. L’hôtel renseigné dans mon guide a été démoli. L’autre guesthouse de la ville est soi disant complet, je pense qu’il n’accueille pas d’étrangers. Je tue le temps dans une échoppe à kebab, et l’idée fait son chemin de prendre le bus suivant pour aller plus loin. Un chauffeur de taxi, toujours bon à vous prendre par les sentiments, m’indique qu’il peut m’amener à un hôtel à dix dollars la nuit. On passe deux contrôles policiers en dehors de la ville. Je vois la devanture de l’hôtel. Il affiche 5 étoiles… Pour le fun, j’emmène le chauffeur avec moi à la réception – 75 dollars la nuit – histoire de lui demander en public si il se fout de ma tête. Inutile de dire que cet épisode a encore une fois rehaussé l’estime que je porte aux chauffeurs de taxi (je sais, il y a des exceptions…). Retour gare de bus. Je le plante là.

Entre Goran et Sari, lever du jour aidant, je me rends compte que le paysage a fort changé depuis les paysages poussiéreux de l’est du pays. Tout est à présent vert intense et humide. Il pleut sans arrêt, une bruine déversée par des nuages qui épousent les vallées. On pourrait croire à un paysage des Ardennes belges. A Rasht, la Mer Caspienne se déverse par le ciel. Impression de gris boueux encore plus présente à Astara quelques jours plus tard.

A Rasht, l’hôtel dans lequel je me trouve ressemble plus à un asile de fous qu’à un hôtel. Ca y est, je l’ai trouvé mon asile. J’ai l’impression que les hôtes y sont de façon permanente. Va-t-on m’y enfermer à mon tour ? De longs couloirs blancs devant une rangée de 20 portes, à chaque étage. J’essaie de remonter le niveau de l’ambiance en proposant mon thé. J’irai acheter du sucre, il n’y en a même pas en cuisine. Un type m’arrête dans les escaliers, il me demande « 10 khomeyni » (10000 rials). Je le regarde étonné et je lui dis « non ». Il me dit « demain ». Et le regard vide, il continue son chemin d’un pas hyper lent. J’aide le réceptionniste à réviser ses cours d’anglais. Un gars très nerveux descend, il tousse comme un cancéreux entre deux bouffées de cigarette. Ca entre et ça sort à la réception, trois azéris iraniens passent et extraient dix mille tomans (10 euros) de leur liasse impressionnante de billets, de l’épaisseur d’un bottin téléphonique, pour payer leurs deux dernières nuits. Les hôtes sont tous plus bizarres les uns que les autres.

De Rasht, je fuirai bien vite vers Qazvin, base pour explorer les montagnes Alborz, région où sont implantés les châteaux des Haschischins, parmi les plus beaux paysages d’Iran.

Le plus connu des châteaux est celui qui se perche juste au-dessus du village d’Alamut. Il a été le siège de cette secte ismaélite du XI siècle AD, les Haschischins, dont on dit qu’ils étaient élevés dès leur plus jeune âge dans l’optique d’en faire des tueurs fanatiques. Opium, haschisch ou simplement fanatisme et promesse d’un paradis où ils seront entourés de jeunes femmes vierges, les avis divergent quand aux motivations et moteurs de ces tueurs frénétiques. Ils ont semé la terreur aux quatre coins de l’orient et seront massacrés où qu’ils se trouvent par les Mongols avec l’aide, ou au moins la bénédiction, des populations locales qui voyaient en eux un danger plus grand que celui apporté par les Mongols, c’est dire. On dit ils aussi qu’ils sont les fondateurs du terrorisme moderne. On retrouve par exemple la rhétorique du paradis promis aux kamikazes dans les écrits d’Al Qaeda. Ce château à Alamut a une histoire qui a survécu à la bande de criminels de Hassan Sabbah, le chef local des Haschischins, à savoir qu’il a servi de lieu de repli pour les bandits de grands chemins de toute la région du nord de l’Iran. Cette citadelle offrant à chaque fois aux insurgés un lieu quasi imprenable par les autorités officielles au cours du Moyen-Âge. Un vieil Iranien vivant à Londres, en visite au pays, tout fier avec sa jeune femme prof de gymnique (mon correcteur me dit que fitness est un anglicisme), rencontré sur les ruines du château d’Alamut me dira qu’au cours des siècles, les autorités ont fait murer les accès au château lui-même et que ce que l’on visite actuellement n’est qu’une aile de ce château dont la majeure partie serait recouverte de débris de pierres et d’humus.

Je ne sais pas si ce sont les fantômes des Haschischins qui les inspirent, mais les deux gardes au sommet, là, sont de grands enfants. Après m’avoir servi le thé, l’un deux sort une catapulte de sa cabane. Très vite, on se met tous les trois à tirer à tour de rôle sur des petits objets placés à 10 m. Une boîte d’allumettes, un caillou, un bout de bois… Je mets un dollar sur la table. Le gars les aligne et les propulse dans le vide avec une précision diabolique.

Le lendemain matin, le retour vers la vallée se fera selon la bonne vieille technique de la descente en rouler-débouler du sommet vers le bas. A savoir : prendre tout ce qui descend au vol. Tout avait pourtant bien commencé, un bus régulier à 6h du matin, le seul de la journée vers la vallée, devait nous prendre avec les locaux vers Qazvin, 100km et 4 heures de lacets dans les montagnes. Après une dizaine de kilomètres, je me rends compte que j’ai oublié mon téléphone portable à la pension du village d’Alamut. Damned. J’arrête le bus et me voilà contraint de remonter au sommet. Si j’avais su que quelques jours plus tard, il volerait en éclats sur un poste de douane iranien… Heureusement, un motard passait par là et m’a gracieusement remonté au village. C’est là qu’intervient le rouler-débouler. Deux pick-up Toyota avec des paysans dans la benne et un taxi partagé à cinq me ramènent à Qazvin.

Dans le bus, j’ai laissé Evan, un Norvégien rencontré au refuge, qui passe quelques jours de vacances en Iran. Il est basé en Syrie pour apprendre la langue arabe. Ce mec a défendu son ambassade à Damas en janvier lors de l’affaire des caricatures de Mahomet devant une foule amassée. Porté par des potes syriens, il a tenté d’expliquer à la foule en arabe pourquoi il ne fallait pas s’en prendre à cette ambassade et il a visiblement réussi à pacifier l’atmosphère. Dans l’urgence, on n’a pas pu se laisser nos coordonnées, on se trouvera peut-être un jour à Damas, incha’allah.

Petit épisode paranoïaque à Qazvin

J’ai un peu de temps devant moi à Qazvin. Mon train de nuit, pour Tabriz, part tard. Une après-midi à traîner. Je suis tellement en confiance en Iran que je ne demande plus les prix depuis longtemps avant de manger, boire, tout le monde est réglo. Le gérant d’un snack m’arnaque, me demande l’équivalent de 4 euros pour 3 morceaux de viande hachée grillée, un bout de pain et une limonade iranienne. Le tout ne peut pas faire plus d’un euro et demi et encore. On s’engueule, je lui laisse l’équivalent de 2 euros et basta, je m’en vais en lui disant que si il insiste, on va aller dire bonjour ensemble chez nos copains les flics à la caserne 50m plus loin. Je n’en ai évidemment pas la moindre intention, mais par hasard ça se fera.

En sortant, j’engage justement la conversation avec le garde qui m’avait fait de grands signe amicaux lorsque je suis passé devant la première fois avant d’arriver au snack. Dans la conversation, je lui parle de ce qui vient de m’arriver et lui demande si c’est bien normal. Je ne sais vraiment pas ce qui m’a pris. Il me dit de rester là et appelle 4 ou 5 de ses collègues dans la caserne, je lui dit avec empressement que non, ce n’est pas nécessaire, mais il est trop tard. Un attroupement se forme devant moi derrière la grille, on me demande des précisions. Pendant ce temps, le gars du snack s’amène. Il invente à mon avis une histoire à laquelle je ne comprends évidemment rien et l’un des policiers, qui avait l’air le plus sensé, m’invite à payer le reste des 4 euros. Avec le recul, il est probable qu’une réduction sur leur repas du soir ait été négocié à ce moment précis, qui sait… Pas grave, ça m’apprendra à la fermer.

Le jeune policier en question, maîtrisant bien l’anglais m’invite à entrer dans la caserne pour prendre un thé. Le ton est amical. Pourquoi pas, allons voir comment ça se passe là-dedans. Tout se passe bien, l’ambiance est conviviale. Le gars qui m’a invité fait son service militaire et fait un peu office de professeur d’anglais dans la caserne. On plaisante, on parle, tout se passe bien. Une personne semble ne pas du tout apprécier ma présence. Il s’agit apparemment d’un gradé, j’apprendrai plus tard que c’est le chef de la garnison. Visière enfoncée bas sur le front, barbe à la Ahmedinejad, style jeune cadre qui veut encore tout prouver. Je n’aime pas ça. En fait ce qui le dérange, c’est qu’un jeune appelé est capable de tenir une conversation en anglais alors que lui ne parle quasiment pas un mot de cette langue. Ca l’énerve, je le sens. Bon, ok, je me lève et je suis prêt à dire au revoir à la cantonade quand le gradé me demande via l’interprète de se rasseoir et il commence à me poser des questions. Celles-ci sont de plus en plus précises. Où j’ai été en Iran, depuis quand, où je vais. - Vous êtes touriste ? - Oui. - Vous êtes certain ? - Ma réponse est énervée : oui, bien sûr ! - Donnez-moi votre passeport.
Il y a des moments comme ça où l’on sent que les événements peuvent vite devenir incontrôlables, vous échapper complètement, et c’est l’un de ces moments que je vivais même si je n’avais absolument rien à me reprocher, mais ce n’est peut-être pas une raison suffisante en Iran.

Je lui ai dit que je souhaitais seulement prendre le train pour Tabriz. Il me demande de bien vouloir le suivre, nous allons à la gare. Bizarrement, nous n’allons pas au guichet, mais il m’emmène sur les quais, je ne comprends rien à ce qu’il me veut. Finalement, on rentre à nouveau dans la grande salle d’attente et m’indique de m’asseoir. Il prend son walkie talkie et commence à parler. Il disparaît. Je regarde discrètement par la fenêtre, et je vois qu’il entre à la caserne. Bon, je me lève, je repère les toilettes et bien vite j’y vais pour me débarrasser des bouts de papier dans ma poche sur lesquels j’avais justement commencé à écrire mes impressions sur la république islamique. Un coup de flush et c’est parti. Je regagne ma place dans la gare, je le vois juste en train de ressortir de la caserne et entrer à nouveau dans la gare. Il disparaît derrière les guichets. Il revient vers moi en me tendant… mon billet de train pour Tabriz et s’excuse de ne pas parler anglais.

Tabriz

Je reviendrai sur ma tentative avortée de quitter l’Iran par l’Azerbaïdjan, mais mes quelques jours passés à Tabriz seront parmi les plus agréables de tout mon voyage.
J’y retrouverai la farniente et la liberté de ton qui prévalait à Shiraz en Perse. C’est une ville qui fait partie de l’Azerbaïdjan iranien, avec une population à majorité ethnique turque et azérie (qui se considère elle-même faisant partie du groupe turkmène). Passer comme cela plusieurs jours dans une même ville, sans devoir sauter sur le bus suivant qui vous mène à la ville suivante, c’est quand même une perspective plus cool du voyage. Si je dois refaire un jour l’itinéraire d’un long voyage, c’est comme cela que je l’envisagerais. Passer plus de temps, sur moins d’étapes, en évitant de s’éterniser, comme ce fut le cas au Caire en février. Tout un équilibre à trouver quand il n’y a absolument aucune contrainte, enfin, on croit.

C’est avec deux groupes d’étudiants distincts que je passerai le plus clair de mon temps dans cette ville. Et la vie à la pension Delgosha fut tranquille, même si les chambres en elle-même sont bruyantes sur la rue Ferdosi.

En soi il n’y a pas grand chose à voir à Tabriz, à part les gens. Il faut certainement aller, un vendredi aux jardins El Goli, un peu en-dehors de la ville, ou tout Tabriz se fixe rendez-vous autour du lac qui occupe le parc. Avec quatre étudiants rencontrés la veille, nous ferons une séance de photos, comme des stars de cinéma, chacun avec son appareil digital. Saed fera je ne sais combien de dizaines de photos. Nous posons avec d’autres groupes aussi. Chose même que je n’avais pas rencontré jusqu’ici, ça drague, voire, ça flirte discrètement dans les coins. D’autres fument le narguilé seuls ou en famille. Les enfants sont partout. C’est la fête.

Tout n’est pas rose pour autant. On en apprends. Babek qui est avec nous s’est fait prendre la veille par la police en compagnie de sa copine. Ils ont du dire qu’ils ne se connaissaient pas. Ni mariés, ni faisant partie de la même famille, sa copine risque de perdre sa place à l’université. Amin me fait le topo justement sur le système d’accès à l’université. Le résultat d’un examen général, comportant des matières aussi diverses que l’histoire, les mathématiques ou le Coran, détermine l’orientation que prendra l’étudiant. Je ne sais plus quel était le classement des débouchés. Pas mal d’étudiants clament haut et fort leur opposition au système. La répression, le contrôle rétrograde des mollahs sur la société, la censure, ils s’en donnent à cœur joie en ma présence, ils peuvent parler sans retenue. Au moins deux gars rencontrés parlent d’ailleurs sans retenue dans la rue, peu importe ma présence. Quand je les quitterai plus tard, je leur conseillerai de faire attention, qu’ils ne se brûlent pas trop vite les ailes dans leur quête de vérité.

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