lundi, novembre 05, 2007

La Bekaa nord, le Hermel, le Aakar

Désormais, chaque lundi, une petite histoire pour bien commencer la semaine.
Je retape mes notes telles quelles, pas le temps de broder, je laisse cela pour plus tard. Il s'agit d'un tour du Liban que j'ai effectué le week-end du 12 octobre, en partant de Baalbeck et en arrivant à Tripoli par le Nord du Liban.

Le week-end commence le jeudi soir avec un iftar à Baalbek, c'est la rupture du jeûn quotidienne pendant ce mois de ramadan. Et celui-ci est particulier puisqu'il s'agit de la veille de l'Aïd (el fitr), autrement dit "le petit aïd", ou encore la fête qui ponctue le ramadan, le dernier iftar donc. Nous avons la chance d'être au milieu d'une troupe de danseurs de dabkhe, danse typique du mashreq. Les danses seront furieuses jusque tard dans la soirée. L'un des convives est le docteur A. Pendant la guerre de Juillet 2006, il est resté pour soigner les urgences. Il a envoyé sa femme et ses enfants à l'étranger. Il a travaillé jour et nuit, sans reconnaissance de l'Etat libanais, mais avec le sentiment du devoir accompli.

Le lendemain, visite chez un autre docteur, le docteur Jammal, dans son laboratoire médical, une mine d'instruments qui me fait penser aux laboratoires de facultés de médecine, ses posters, ses alambics et instruments divers. J'ai l'impression que la famille Jammal couvre le sud du centre de Baalbek de toute son ombre : le labo Jammal, la banque Jammal, l'hôtel Jammal....

D'après le docteur, si on creuse à 6 mètres dans le sol, on découvrira que tout Baalbeck se trouve sur des ruines romaines. Il y a une richesse folle ici. Si on remettait tout droit, "on pourrait payer la dette du Liban sans problème".

Il y a un lieu qu'il y avait longtemps que je voulais visiter, c'est le mausolée de la petite-fille (ou fille ?) d'Hussein, le martyr fondateur du chiisme. Elle présente un dôme comparable aux mosquées que l'on croise en Iran, faite d'un bleu azur à couper le souffle. L'entrée fut épique, deux gardes du hezbollah, pistolet enfoncé dans la ceinture dans le dos, fusil mittrailleur posé sur la banquette arrière de la voiture.... Après quelques discussions, pas moyen d'entrer avec mon appareil-photo, ils le garderont.

Une entrée séparée pour les hommes et pour les femmes. L'intérieur est superbe. Tous les murs et les plafonds sont couverts de petits miroirs, c'est un véritable palais des glaces. Au milieu, le mausolée de la descendante d'Hussein. Ce n'est pas un mausolée comme on les voit en Iran, mais véritablement une mosquée. Ces miroirs sont doublés de petits carreaux jaunes, bleus, verts. Avec la litanie du muezzin, tout ceci vous fait entrer assez rapidement dans une phase méditative.

Un passage dans un snack-boucherie-restaurant pour goûter le spécialité locale (quoique j'ai déjà entendu parler plusieurs fois de cette spécialité dans plusieurs localités) : le sfiha, pour moi un lointain cousin du bourek que l'on mange dans les balkans et en turquie. Il se mange aussi avec une couche de fromage blanc que l'on choisit ou non d'appliquer sur cette pâte feuilletée fourrée à la viande hachée. Je remarque en tout cas la photo noir et blanc du tenancier avec l'imam Moussa Sadr, une photo qui doit bien avoir 30 ans, sinon plus, dans la cour intérieur maculée de blanc sur fond de ciel bleu pur. Ils posent côte à côte devant les ruines du temple de Baalbek. Moussa Sadr, coiffé "à la Ayatollah" est une figure centrale du chiisme au Liban. Il fonda le mouvement des déshérités, pré-figure du Amal de Nabih Berry et du Hezbollah.


Avant de quitter la charmante bourgade de Baalbek, où le temps s'écoule définitivement autrement que sur la côte libanaise, mais on pourrait presqu'en dire autant de toute la Beka'a, visite de la mosquée ommeyade, devant l'entrée nord des temples romains. Le gardien allait quitter les lieux, mais il nous a dit : ok pour 5 minutes. La cour intérieure est typique des mosquées du même genre, sur le modèle (réduit) de la mosquée ommeyade de Damas. Un grand espace, avec au milieu, un bassin d'eau claire et bleue. A l'intérieur, les chapiteaux sont à la fois romains et islamiques. Les boiseries sont magnifiques. En fait, il y quelque temps, cette mosquée était entièrement à ciel ouvert et elle a été restaurée. Bon, on a donc équitablement visité les mosquées chiites et sunnites de la cité, pas de jaloux, nous pouvons donc y aller.

Vers le Hermel

Dans cette route vers le nord extrême de la Beka'a, on croise des villages mixtes, des petites églises orthodoxes font face à des petites mosquées de l'autre côté de la rue. Ce sont des villages-routes, étalés le long de la voie carrossable. Entre ces villages, le paysage me fait penser à la Jordanie ou à la Cisjordanie. Sec, rocailleux, la même couleur jaune foncée.


A hermel, on retrouve l'Oronte, qui coule vers la Syrie, et ses fameuses truites. L'occasion de se faire un festin le soir de notre arrivée. C'est quand même une région un peu rude. Tous les gosses jouent avec des flingues, des jouets certes, mais des flingues quand même qui crachent des petites billes en plastique. Plusieurs fois au cours de la journée, on se fera "tirer dessus", pour jouer, mais tirer dessus quand même.

Hermel, la ville, est connue aussi pour sa fameuse pyramide que l'on voit sur les cartes postales. Pas un garde, si ça vous chante, vous pouvez l'escalader du nord et redescendre en son sud. Le petit coin d'ombre qu'elle projette n'est pas pour déplaire. Il y a aussi la grotte de Mar Maroun, St Maron, le patron des Maronites. Il s'y serait réfugié à un moment de son parcours ermite depuis la Syrie jusque dans les montagnes chrétiennes libanaises. En tout cas, il avait bien choisi son refuge. En contrebas de la grotte, l'Oronte coule au milieu de la verdure. L'endroit est absolument calme.

De Hermel, nous sommes passés dans le Akkar, région la moins peuplée et la plus pauvre du Liban. On passe vraiment par des routes de contrebande. Les accents sont incompréhensibles. Ce sont des paysages verts et secs à la fois. On passe par des villages aux noms de Fassine, El Hachiche...

Le soir, arrivée à Tripoli par Nahr el Bared, dévasté par le guerre de cet été. Un café au lait et un thé bien mérités sur la corniche El Mina de Tripoli, puis retour à Beyrouth.

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