mardi, décembre 19, 2006

La democratie, c'est pas pour toi, mon gars.

Au cours de ces mois passes en Tunisie, en Egypte, au Yemen, en Iran et en Syrie rien que pour ne citer que quelques pays significatifs, et en attendant d'aller en Arabie Saoudite a Paques ("pourquoi pas ?" me disait un pote sunnite de Beyrouth avec amusement), je me suis souvent posé la question de savoir pourquoi le pays que je traversais etait considere, par l'Occident, a savoir les gouvernements que je suis sensé avoir élu avec mes congeneres, l'un comme faisant partie de ces monstrueuses dictatures placées sur l'axe du mal, l'autre comme étant un régime ami. Ceci alors que les conditions de vie quotidienne, la répression policiere, le mépris de l'état pour ses citoyens, la muselage de la presse et de la liberté d'expression ne variaient sommes toutes que de quelques millimetres et pas toujours dans le sens que l'on croit.

Pourquoi decide-t-on de soutenir des gouvernements liberticides et autoritaires, legitimés souvent (mais pas toujours) par le fait qu'ils constituent un rempart contre l'islamisme, comme si les Arabes se contenteront bien d'un pis-aller. Quelle condescendance et quel mépris de la part de nos gouvernements. Je pense ici particulierement a l'Egypte et au Yemen, et meme a la Syrie, dont le gouvernement a longtemps été un partenaire respectable dans les chancelleries occidentales pour cette raison.

Prenons la stratégie des neo-conservateurs américains, affirmant, le coeur sur la main, que le but de la guerre en Irak était de provoquer une "réaction en domino" au Moyen-Orient. La chute de Saddam aurait, selon eux, provoqué une vague de démocratisation de Islamabad a Rabbat, dans un Moyen-Orient redessiné par leurs soins. On sait aujourd'hui que les Etats-Unis sont aujourd'hui forcé de composer en Irak avec des religieux parmi les plus fondamentalistes du Proche-Orient.

Lors d'une conférence donnée par un ancien ambassadeur US a Beyrouth, quelqu'un de tres ouvert sur la question et je pense, sincere, celui-ci se demandait, chiffres a l'appui, et un peu sans doute pour animer le débat, pourquoi les Etats-Unis récoltaient de si pauvres résultats en matiere d'opinion publique favorable au Moyen-Orient. Au-dela du débat de savoir pourquoi, je lui ai demandé si réellement, les Etats-Unis, dans sa politique extérieure, attachait la moindre forme d'importance a ce genre de considération aussi secondaire que l'opinion publique des peuples du proche-orient au sujet de cette politique.

En fait c'est en lisant un passage dans un essai d'Amin Maalouf, auteur francais et libanais, intitulé Les Identités Meutrieres, que cette question a pris un autre relief. Cette maniere de procéder dans la région n'est pas neuve, elle n'est pas l'apanage des Americains, loin de la. Je n'apprendrai sans doute rien aux historiens du Proche-Orient. Mais les puissances européennes ont séparé les régimes entre bons et mauvais bien avant eux. En voici un exemple.

En 1799, Napoléon envahit l'Egypte. Ceci fut le début d'une réflexion dans le pays conquis en vue de savoir pourquoi, en quelques siecles, l'Occident a pris une telle avance dans tous les domaines techniques et militaires sur l'Orient, conduisant a la défaite cuisante de 1799. Dans ce contexte apparait 6 ans plus tard le roi Mohammed Ali, un visionnaire, Albanais, ancien officier ottoman, qui va se mettre en tete de combler le retard de l'Egypte sur l'Occident. Il fait engager des medecins europeens et fonde des hopitaux universitaires. Il engage des officiers napoleoniens dans son armée. Il entame une réforme politique et judiciaire, il soutient le progres technique et scientifique dans un effort sans précédent pour la modernisation de l'Egypte (ceci n'est pas du tout souligné sur un site comme wikipedia sauf pour des raisons militaires, mais c'est A.Maalouf qui souligne). A tel point que celle-ci, toujours infeodée a l'Empire Ottoman, pense de plus en plus a s'en defaire et va meme marcher sur Istanbul a deux reprises. Le mot de la fin viendra d'une coalition europeenne qui repoussera l'assaut egyptien jusqu'au Nil. Il était en effet préférable pour les Empires européens de disposer d'un allié ottoman, faible, en retard et moribond, sur la route des Indes, plutot qu'une puissance potentiellement dangereuse car en voie de développement au point de rattrapper son retard sur l'Europe, mais surtout, indépendante et incontrolable. L'Egypte, encore tres fragile, ne s'en relevera pas.

Aucun commentaire:

Stats