dimanche, septembre 03, 2006

Destruction massive

Station de Cola, Beyrouth sud. Un minibus public nous emmene vers Saida (Sidon). Les Libanais observent les degats en route. On contourne deux ou trois ponts detruits. L'un d'entre eux a deja ete reconstitue temporairement par le genie civil. On passe dessus sous les yeux d'une garnison de casques bleus francais. A droite de la route, sur la plage, des dizaines de camions militaires francais sont alignes. Un dernier pont detruit pres du stade de Saida, et nous arrivons a la sation de bus de la ville.

Entre Saida et Sour (Tyr), la demolition est plus apparente. Les ponts et les maisons detruites ne se comptent plus. Ici aussi le genie civil a fait son oeuvre. A Tyr, pas d'autre possibilite que le taxi pour aller a Bint Jbail, a 40 km de la. Les taxis commencent a avoir l'habitude des "packages journalistes de guerre tout en 1". Et les prix sont de de l'ordre de 50 USD pour un taxi avec 2 ou 3 arrets, 2 heures d'attente a Bint et retour a Tyr. Jack et moi, nous voulons etre libre de nos mouvements et allons faire comme les locaux et partager un taxi aller-simple a 5 dollars avec les menageres qui reviennent du marche de Tyr. La vie continue.

Kherbet Selem - 10 km apres Tyr, les immeubles effondres sous les bombes se succedent. Un soldat libanais se tient devant chaque maison detruite. Il faut empecher les enfants qui jouent et rigolent sur les trotoirs d'aller s'aventurer dans les ruines et de toucher des debris d'obus. Devant ces maisons detruites, des bannieres sur lesquelles on peut lire "Notre sang a gagne", "USA : ceci est votre democratie" ou encore des posters sur les abris de bus, places par le Hezbollah, en anglais cette fois "The divine victory". Ceci revet parfois un caractere un peu pathetique dans le paysage devaste.

Kounine - Bint Jbail, villages fantomes ou l'on trouve quelques libanais et quelques journalistes. Une inscription en arabe sur un immeuble en debris dit que "Nous avons ete forts dans la guerre, nous serons forts dans la reconstruction". La plupart des batiments ont ete construits il y a 6 ans, apres le depart israelien du sud-Liban. Autour de moi, on dit qu'il ne faudra pas plus de deux ans pour tout reconstruire, et ce sera meme en mieux. Les Israeliens ne purent jamais entrer a Bint Jbail, ils furent bloque a l'ouest et a l'est de sa peripherie. Pas un seul soldat de tsahal n'a pu rentrer dans la ville, donc les Israeliens l'ont rasee. Malgre l'ampleur des degats, il n'y aurait eu miraculeusement qu'une vingtaine de morts ici.

Monsieur Roger (non d'emprunt, un chretien libanais de Beyrouth qui a sa maison de "campagne" a Bint Jbail), nous fait visiter sa maison, situee dans la vieille ville. On rentre dans une piece living room, je me disais que jusque la, ca allait. Mais la deuxieme partie de sa maison est a ciel ouvert. Il est arrive il y a deux jours pour constater les degats. Il regrette de ne pas pouvoir nous offrir un the ou un cafe, comme le veux le principe d'hospitalite. Il nous en aurait bien offert, mais sa cuisine est inaccessible, recouverte de debris de beton arme. Au mur pendent encore les photos de ses deux fils. Ils sont aux Etats-Unis. L'un est docteur dans le Connecticut, l'autre mene des etudes d'ingenieur au New Jersey. Monsieur Roger n'aime pas le Hezbollah, mais il faut bien avouer qu'ils se sont bien battus. Le parti de Dieu lui a promis aussi 5000 USD pour la reconstruction de la premiere partie de sa maison. Les murs a l'interieur sont deja numerotes par les officiels du parti. Et l'etat libanais, que va't-il faire pour vous ? Jusque maintenant, on ne sait pas tres bien. Il y aura les fonds internationaux aussi, mais on ne sait pas encore quand et comment ils arriveront ici.

Canaa - Une parenthese, quand on y pense un peu, on marche la ou Jesus a foule la region un peu partout de ses saintes sandales. La ou tsahal a transforme l'eau en sang.

Une vingtaine de femmes en deuil sont venues se recueillir sur le lieu erige en mausolee, proche de l'immeuble 3 etages ou ont peri 25 enfants en juillet. Des petites chaises de jardin sont disposees. Sur chacune d'elle, la photo du petit disparu et un bouquet de fleurs. Moment de recueillement.

Des drapeaux libanais et des drapeaux du Hezbollah flottent autour du mausolee. Des tirs de roquette sont partis d'ici. Le resultat fut une punition collective.

Face a la loi du plus fort, quand ce dernier ne connait que sa propre loi, ne reste au plus faible que d'utiliser des moyens hors-la-loi. C'est ce qu'on apelle communement "terrorisme". Mais le plus fort a-t-il le droit d'utiliser des moyens hors-la-loi pour imposer sa loi ? Le pendant du mot terrorisme dans le droit du plus fort ne s'apelle-t-il pas "crime de guerre" ? Peut-etre qu'un jour des tribunaux se pencheront sur ce qui s'est passe a Qana. On peut toujours esperer.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Tu devrais faire reporter de guerre ;-)
Ceci dit, je suis 100% d'accord avec ta conclusion.

Anonyme a dit…

Coucou!

Contente de te savoir toujours vivant!:)
Vraiment bien ton article! (D'accord avec le commentaire précédent)...
Quels sont tes projets?
Sois prudent!
Bises pluvieuses
Julie

Anonyme a dit…

salut davor :)

ben moi, j'aimerais savoir ce que tu veux dire quand tu écris : "Monsieur Roger n'aime pas le Hezbollah, mais il faut bien avouer qu'ils se sont bien battus.", où c'est moi qui souligne... envoyer des roquettes sur des villes, c'est bien se battre ?

par ailleurs, je ne suis pas du tout d'accord avec ta définition du mot terrorisme. historiquement, le terrorisme fut avant tout une politique menée par des gouvernements. et le terrorisme d'état continue à avoir de nombreux adeptes...

par contre, ok pour ce qui concerne l'observance des traités relatifs à la conduite des conflits armés...

Davor Mihailovic a dit…

Salut Niva,
Et bien, il faudrait demander a monsieur Roger ce qu'il veut dire par la. ;-) Ce que j'ai compris, c'est que l'armee israelienne n'a pu entrer dans sa bourgade de Bint Jbail, en raison de la resistance du hizbollah dans la peripherie autour de la ville. Le hizbollah s'est donc, sur le plan de la guerilla militaire, tres bien battu autour de Bint Jbail, que l'on apprecie ce mouvement ou non. L'effet est que la ville a ete rasee, mais c'est une autre histoire... Je suis bien entendu d'accord avec toi concernant l'origine du mot terrorisme, mais il y a eu un "glissement" semantique dans l'usage du mot qui lui a enleve en partie, dans les medias internationaux consensuels, son sens premier. C'est le sens consensuel que j'utilise.

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