mardi, juillet 04, 2006

Voivodine

Novi Sad, Serbie - Le transit Slovenie - Croatie - Serbie se fait sans probleme de visa, il n'en faut tout simplement pas pour les citoyens de l'UE. Et c'est avec une deconcertante facilite que l'on passe entre les ex-republiques yougoslaves. Je n'ai vu de Belgrade qu'un hub. Les deux gares de bus principales sont tres proches l'une de l'autre ainsi que la gare centrale. Entre Belgrade et Novi Sad, ce sont des marais et des forets, des plaines qui viennent de Hongrie et du sud-ouest roumain, traversees par le Danube. Timisoara est a quelques heures de bus. Ca doit etre cela, la Voivodine, cette vaste plaine. Novi Sad n'est pas vraiment faite pour le tourisme. J'ai parcouru toute la ville a la recherche d'un logement abordable. Au bord du desespoir, je croise deux personnes qui parlent francais. Je me jette dessus. L'une d'elles travaille au centre culturel francais de Novi Sad et me dit qu'en face de chez elle, un resto possede quelques chambres mais elle n'y est jamais alle. Elle maitrise le serbo-croate ce qui tombe bien. En entrant dans le resto, je me suis apercu qu'il y avait tout ce qu'il fallait pour passer une bonne soiree : des murs remplis de bouteilles de vin, une tele dans un coin avec du foot et des grillades yougoslaves. Ce soir-la, c'est Allemagne - Italie en demi-finale de coupe du monde. Au premier goal italien dans les prolongations s'elevera une clameur generale dans le restaurant. Au second goal, par Del Piero, on dansera brievement. Et tout cela n'est pas par sympathie pour la squadra azzura, mais bien par haine pour l'Allemagne. C'est ici que je m'installerai.

En quelques jours, j'integrerai la famille qui gere l'hotel, finissant a leur table et salue par les visiteurs comme si je faisais partie de la famille en quelque sorte. L'un des murs du restaurant est couvert de medailles, de trophees et de diplomes. La serveuse, Isabella, d'origine hongroise, a ete en effet une grande championne de judo, regionale, championne nationale en categories d'age du temps de la grande Yougoslavie. Il y a ensuite son petit ami, la quarantaine, Serbe de Bosnie, qui a fait la guerre et qui en sera marque a jamais d'apres Sofja, la fille ainee de la famille. Il ne daigne recevoir la moindre injonction de cette derniere. Seule la mere, nee en Croatie, a de l'authorite sur lui. Aller en Croatie avec une plaque serbe est sinonyme de degradation, griffes, pneux creves. "Nous les Serbes, on est detestes partout". A Novi Sad, la population est majoritairement serbe. Dans le reste de la Voivodine, la majorite a une identite hongroise. Deja les conversations vont bon train sur un rattachement de la Voivodine a la Hongrie, ou d'un etat independant, un etat confetti de plus dans l'Europe de demain. Et peut etre de nouvelles catastrophes en perspective ? Les Serbes semblent vraiment etre a bout de souffle concernant la moindre revendication territoriale. Un jour, la mere de la famille, matronne du restaurant, me fait dire par son fils, alors que je passais par la cuisine, que j'etais quelqu'un avec de bonnes manieres et que ca se voyait. Je ne sais trop comment interpreter cette declaration subite.

Un soir, attable au restaurant avec deux hotes d'un soir, la table d'a cote est occupee par un gars, style cammioneur avec qui on a pas envie d'avoir de problemes, on lui sert de la Slivovice (alcool brandy a 40%) a volonte et des canapes pour la faim, il n'y touche pas. Six musiciens tziganes l'entourent. Ils sont types indiens, il n'y a aucun doute, ce sont de vrais tziganes. Le musicien a l'accordeon assis a 50 cm de lui, lui chante des chansons a faire rire et pleurer en meme temps. Parfois, il leur glisse un billet de 100 dinars et cela continuera pendant des heures. Une femme a oublier, un deces a pleurer, la simple nostalgie dramatique slave (du sud) qui fait partie de la vie de tous les jours. Quand la musique s'arretera, il s'en prendra verbalement a Ben en serbe, l'anglais a la meme table que moi, sans raison apparente. Il est temps de sortir.

Il y a par hasard a Novi Sad, un festival de musique pop-rock, sur le site de la citadelle Petrovardian. L'EXIT FESTIVAL. C'etait la 6e edition. Les tetes d'affiche sont dignes de celles des festivals a l'ouest. La ville est prise d'assaut pendant ces quelque 4 jours par les Anglais, les Irlandais... 150.000 personnes participerent cette annee a cette edition. Il y a 7 ans cette ville etait encore bombardee par l'OTAN. Et c'est justement de l'autre cote du Danube, au-dela des quatre ponts detruits par les bombardements qu'a lieu le festival. Le nom du festival a ete donne pour dire "Exit Milosevic", sortir de l'ere Milosevic. C'est donc une tres bonne idee que ce festival. Etant donne les echanges entre les jeunes serbes et etrangers, c'est un investissement a long terme pour la ville de Novi Sad, pour la Voivodine et pour la Serbie toute entiere.

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